— Attention, le gouverBeur... Oh! oh! La Hire, Jehanne...
C'était en effet Flavy qui s'engageait sur le pont avec une troupe de cavaliers. A côté de lui marchaient .[ehanne, en armure complète recouverte d'un surcot cramoisi -déchiqueté en longues bandes, Xaintrailles et La Hire, Pierre d'Arc et une demi-douzaijie de chevaliers.
Les soldats du poste s'étaient rangés après la voiàte de la porte, les deux routiers parmi eux, la vouge au poing. Juste
derrière, Jehan des Torg-noles, qui venait de faire le tour des remparts sans pouvoir joindre Flavy, se tenait appuyé au mur, soutenu, porté presque par ceux qui l'avaient à demi assommé tout à l'heure, devenus maintenant ses meilleurs amis.
— Allons, allons, malpendu, lui criait du ton le plus aimable un ami qui lui avait précédemment poché un œil et presque démis un bras, tu lui parleras tout à l'heure, au gouverneur !
— Puisque tu es si pressé d'obtenir audience, disait un autre, il fallait nous laisser faire... une fois hissé à la potence, il n'aurait pas manqué de te voir et tu aurais pu lui faire à ton aise un discours sur cette canaille de Rongemaille, et sur les traîtres qu'il a introduits en ville... Un peu de patience, on les trouvera et on ne les manquera pas, les gueux!
Longbec ne perdait pas un mot de la conversation, il frémit et donna un coup de coude à son acolyte qui se garda bien de se retourner.
Lougbec douua un coup de coude
L'attaque du camp auglais.
XII
APRES LA CATASTROPHE
La sortie a lieu.
A peine reposées les troupes de secours amenées par Jehanne d'Arc, renforcées par cent cinquante hommes de la garnison, vont assaillir les positions des assiégeants.
Des bombardes placées à l'avancée tirent sur les barricades élevées devant les défenses du pont, puis le pont-levis de l'avancée se baisse, hommes d'armes et piétons se précipitent, Jehanne, La Hire et Xaintrailles en tête. A grands coups de vouges et de guisarmes, chevaliers et piétons ouvrent des brèches sanglantes au plus épais des rangs ennemis bousculés et refoulés. Il semble que Jehanne encore une fois, apporte la victoire dans les plis du glorieux étendard d'Orléans.
Mais des renforts nombreux arrivent des cantonnements anglais; de tous les côtés des bandes de soudards furieux
Jehanne d'Arc prisonnière.
tombent sur les gens de la sortie, à leur tour obligés de reculer. Les flèches et les carreaux d'arbalète pleuvent sur eux. Ils sont ramenés et poussés en désordre par la masse des assiégeants jusqu'au bastillon du pont, au bruit lugubre du tocsin sonnant à toutes les églises de Compiègne.
On s'égorgeait dans un étroit espace, le long des barrières conduisant au premier pont-levis et sur la berge, où les survivants purent être recueillis par les bateaux couverts. Jehanne, la dernière, soutenant la retraite avec quelques hommes d'armes, allait rentrer en ville, lorsque, panique des soldats de garde ou trahison, pendant que Flavy, dans la
Tout est silencieux sur le pout
tour, dirigeait archers et arbalétriers qui couvraient de traits les assaillants, le pont se releva et Jehanne, jetée à bas de son cheval, resta aux mains de l'ennemi. . . . .
C'est la nuit après la catastrophe. Tout est silencieux sur le pont de Compiègne. Au fond d'un ciel livide et traversé de gros nuages, la lune se lève rouge, couleur de sang. Pas un bruit derrière les sombres remparts, dans la ville assiégée, lugubre, toute à sa douleur. Les soldats qui veillent autour d'un falot, à l'abri des palissades de l'avancée, sont mornes
Dans ce noir, dans cette tristesse de la nuit sinistre, une des sentinelles du pont eut comme une vision.
Tout à coup le silence du côté de la ville fut troublé par un bruit de pas précipités et du noir de la voûte, au bout du pont, un homme apparut, jaillit plutôt, un homme effaré, haletant, les yeux comme des points blancs, écarquillés par l'horreur, la bouche ouverte pour un cri qui ne sortait pas, les bras tremblants levés en l'air.
Et l'homme fuyait sur le pont, poursuivi dans le ciel par des bêtes fantastiques au vol silencieux, dragons aux gueules formidables, guivres cornues au rictus effrayant, aux griffes
L'eau sembla bouillonner.
tendues, chimères à têtes farouches, aux ailes griffues, bêtes étranges qu'on ne voit pourtant qu'iiux balustrades des cathédrales, sculptées dans la pierre, solidement accrochées au-dessus des contreforts! Elles allaient, ayant ainsi quitté les murs des églises de Compiègne, elles volaient, déchirant l'air dans un coup de vent silencieux, menaçant l'homme du bec, des dents, desgriffes, tandis que dans le fond au-dessus de la ville, apparition vague, un archange se dressait, l'épée flamljoyante à la main...
p. 12U.
Le traître.
lag
Ainsi le rapporte la légende. L'homme c'était Ronge-maille le traître, qui, dans la bagarre, à la rentrée des soldats repoussés, a levé, aidé par Longbec et Canteleu, le pont qui laissait Jehanne aux mains de Tennemi sur le revers du fossé, — Rongemaille le traître, qui, profitant de la nuit, s'était glissé en ville jusqu'à sa maison pour prendre son or, l'or du crime.
Poursuivi, happé par les becs, déchiré par les griffes de pierre, Ilonge-maille hurlant et gesticulant, semant son or sur les pavés, sauta d'un bond sur le parapet entre deux moulins et se précipita dans la rivière. L'eau sousle chocsemblabouil-lonner et se referma. La lune se voila d'un nuage, dragons et guivres de pierre disparurent subitement et la figure de l'archange s'effaça
Au matin.
Au matin, sur les talus de la bastille défendant le pont, les assiégeants purent voir s'élever deux potences auxquelles furent accrochés les deux routiers complices de Ronge-maille, Canteleu et Longbec.
Guillaume de Flavy continua pendant six longs mois à défendre énergiquement la ville confiée à sa garde, plus étroitement serrée et plus rudement attaquée après la prise de Jehanne d'Arc, et il eut le bonheur de la conserver jusqu'au jour OÙ, avec l'aide d'un nouveau corps d'armée de secours, les Compiégnois assiégèrent à leur tour les Anglais dans les bastilles construites devant les murs ébréchés, les prirent d'assaut et forcèrent l'ennemi à décamper.
Jehan des Torgnoles fut de ceux qui bataillèrent avec le plus de cœur et aussi les meilleurs bras, tant sur les remparts attaqués, que dans la sortie dernière, à la délivrance de la ville, superbe occasion pour lui de se laisser aller franchement à son appétit pour les bagarres et les coups. Il en eut tout son compte, c'est-à-dire ce qui eût amplement suffi pour quatre, mais finalement, par bonheur pour la pauvre Guillemette restée sans famille, il se tira de toutes les mêlées sans horions par trop graves.
Redevenu de soldat ymagier, passé homme grave, il reprit avec ardeur le ciseau et le marteau pour se remettre aux sculptures de Saint-Corneille et mener à bonne fin les statues du portail laissées inachevées par son infortuné maître Bonvarlet.
Il reprit avec ardeur le ciseau.
CHAPITRE VU Où maître Bonvarlet rencoutre Jehauue d'Arc et La Hire ... 82
CHAPITRE VIII
Comment Jehau, malgré les archers de garde, s'introduisit eu ville . y3