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Aucun autre participant de la réunion ne prend la parole.

« Devant une opposition aussi grave, déclare Paul Reynaud, je considère le cabinet comme démissionnaire. »

Il demande aux ministres de garder le secret jusqu’à ce que le président de la République ait formé un nouveau gouvernement. Le président Lebrun va commencer par consulter les présidents des deux assemblées, Herriot, maire de Lyon, président de la Chambre des députés, Jeanneney, président du Sénat.

Ce jeudi 9 mai à 12 heures, Hitler prend la décision de commencer l’attaque le vendredi 10 mai à 5 h 35.

Le signal convenu, le mot Dantzig, sera lancé le jeudi 9 mai, à 21 heures.

À la fin de la journée, Hitler monte dans son train spécial qui doit le conduire à son nouveau quartier général, Felsennest (Aire des Roches), situé à une quarantaine de kilomètres de Bonn.

À une heure du matin, le vendredi 10 mai, on réveille Gamelin. Le message d’un agent français vient d’arriver, laconique : « Colonnes en marche vers l’ouest. »

Cent trente-six divisions dont dix blindées et des centaines d’avions sont en mouvement. Les parachutistes embarquent dans les Junkers et les Heinkel qui vont s’envoler en direction des Pays-Bas et de la Belgique.

Les troupes nazies s’apprêtent à vicier la neutralité des trois petits États neutres : Belgique, Pays-Bas, Luxembourg.

Paul Reynaud, averti, décide de rester à son poste, à la tête du gouvernement. Il confirme le général Gamelin dans ses fonctions.

« Mon général, lui écrit-il, la bataille est engagée. Une seule chose compte : la gagner. Nous y travaillerons tous d’un même cœur. »

Le général Gamelin lui répond :

« Monsieur le Président, à votre lettre de ce jour, je ne vois qu’une seule réponse : seule compte la France. »

DEUXIÈME PARTIE

Vendredi 10 mai

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Jeudi 16 mai 1940

« Ah, c’est trop bête, la guerre commence infiniment mal. Il faut donc qu’elle continue. Il y a pour cela de l’espace dans le monde. Si je vis, je me battrai où il faudra tant qu’il faudra ; jusqu’à ce que l’ennemi soit défait et lavée la tache nationale. »

Charles DE GAULLE

mai 1940

« Si la France est envahie, vaincue, l’Angleterre continuera à se battre en attendant le concours total et prochain des États-Unis. Nous affamerons l’Allemagne. Nous démolirons ses villes. Nous brûlerons ses récoltes et ses forêts. »

Winston CHURCHILL à Paris,

16 mai 1940

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Ce vendredi 10 mai 1940, le ciel, au-dessus des dunes de Hollande et des forêts des Ardennes, est d’un bleu intense, d’une luminosité éclatante.

Il fait doux de la mer du Nord à la Meuse.

C’est comme si, alors que hurlent les sirènes des Stuka, ces bombardiers en piqué qui détruisent Rotterdam et Sedan, l’univers voulait rappeler à ceux qui tuent et meurent que la beauté et la tendresse du printemps existent, en dépit de la folie des hommes.

Et que dans le brasier de la guerre, dans le déchaînement de l’offensive, les combattants doivent s’en souvenir.

Il y a quelques heures seulement – on était encore le jeudi 9 mai, veille de l’assaut – le général Erwin Rommel, qui commande la VIIe division dont les 218 chars sont massés face aux Ardennes, a écrit à son épouse Lucie :

« Enfin, nous faisons nos bagages. Pas pour rien, espérons-le. Vous aurez toutes les nouvelles dans les jours qui viennent, par les journaux. Ne vous faites pas de souci, tout ira bien. »

Puis, vers 4 h 15, alors que les premières vagues de Stuka et de Dornier apparaissent et commencent leurs bombardements, hachant les futaies, chassant les quelques soldats français qui somnolaient dans leurs postes de guet, Rommel a donné l’ordre de lancer les moteurs des Panzers.

Il a réuni une dernière fois les officiers.

« Le succès appartient au premier qui met l’ennemi sous son feu, a-t-il dit. Celui qui reste dans l’expectative a généralement le dessous. Les motocyclistes en tête de colonne doivent tenir leurs mitraillettes prêtes à tirer et ouvrir le feu dès qu’ils entendent un coup ennemi. C’est une erreur absolue de s’arrêter et de s’abriter sans tirer ou d’attendre que d’autres forces surviennent et participent à l’action. »

Il lève le bras, l’abaisse. Les chefs de char courent à leur Panzer. L’attaque commence.

Au même moment, loin des Ardennes, à Wangenbourg, le colonel de Gaulle prend connaissance des dépêches. La brume de l’aube couronne les sommets des Vosges.

Quand il lit que sept divisions de Panzers font mouvement en direction de la Meuse, que les armées française et britannique sont entrées en Belgique pour se porter au-devant des unités allemandes qui ont franchi les frontières des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg, de Gaulle devine la manœuvre de l’ennemi. Il s’agit d’attirer les armées alliées dans la nasse, pour mieux les encercler en perçant à Sedan, et en fonçant, si l’attaque réussit, vers la mer.

Il suffira ensuite de serrer ce lacet autour des divisions aventurées en Belgique.

De Gaulle imagine les Panzers du général Guderian, ceux-là qui ont déferlé en Pologne, franchissant la Meuse, les forêts des Ardennes et roulant vers Abbeville, Calais, Dunkerque.

Et de Gaulle sait qu’il lui faut attendre que sa 4e division cuirassée soit constituée.

Le sera-t-elle le 15 mai, comme on le lui a annoncé ?

Chaque minute compte.

De Gaulle, comme Rommel, veut se souvenir qu’il y a une vie hors de la guerre.

Il écrit ce vendredi 10 mai :

« Ma chère petite femme chérie,

« Voici donc la guerre, la véritable guerre commencée. Je serais cependant assez surpris si les opérations actuelles de Hollande et de Belgique devaient constituer vraiment la grande bataille franco-allemande, cela viendra à mon avis un peu plus tard.

« En tout cas, il faut s’attendre à une activité croissante des aviations et par conséquent prendre des précautions. Pour toi, pour le tout-petit, pour Mademoiselle, Colombey serait un bon gîte. Fais donc bien attention, de jour, à rentrer et faire rentrer s’il y a alerte et, le soir, à bien éteindre les lumières… Pour Philippe, à Paris, il faut qu’il ne fasse pas inutilement le “malin” si l’on tire… »

Dans les heures qui suivent, il reçoit l’ordre de se rendre à son poste de commandement qui est fixé au Vésinet. Il aura quarante-huit heures pour constituer l’état-major de sa division, et la mettre en état de combattre.

Après des années perdues, c’est l’urgence. Mais il faut faire face.

Paul Reynaud, ce vendredi 10 mai, s’y essaye.

Il a fait entrer au gouvernement des personnalités de droite, afin de réaliser un gouvernement d’union nationale. Mais il a dû pour cela remanier son équipe et a suscité des mécontentements.

Il a confirmé le général Gamelin dans ses fonctions, mais il sait que l’entente n’est qu’apparente.

Gamelin si policé, si maître de lui, s’est écrié en prenant connaissance de la composition du nouveau gouvernement :

« Cet homme, ce Paul Reynaud, n’est qu’un cochon ! Il vient de balancer son ministère, ses sous-secrétaires d’État, etc., sans d’ailleurs savoir pourquoi. Pas de confiance à lui faire ! »

Et Daladier, ministre de la Guerre, approuve le généralissime.