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Ce même 14 mai, alors que la nuit est tombée, le commandant en chef des forces hollandaises ordonne à ses troupes de déposer les armes.

La reine Wilhelmine et les membres du gouvernement gagnent Londres à bord de deux destroyers anglais.

Dans la nuit du mardi 14 mai, Paul Reynaud télégraphie à Churchill.

« Nous avons perdu la bataille, écrit-il. La route de Paris est ouverte. Envoyez tous les avions et toutes les troupes que vous pourrez. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour nous aider. »

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Dans l’aube immaculée et douce du mercredi 15 mai 1940, une plaie béante saigne au flanc de la France, le long de la Meuse, entre Sedan et Dinant.

Et les divisions de Panzers creusent, élargissent cette blessure ouverte entre les unités des généraux Huntziger et Corap.

C’était la 9e armée et le général Corap annonce, alors qu’un soleil impavide commence à illuminer un ciel immuablement bleu, qu’il a donné l’ordre de repli, son armée ayant été en partie anéantie.

Il n’y a plus ni fortifications, ni divisions, ni obstacles de quelque nature que ce soit devant les Panzers des généraux Guderian, Schmidt, Reinhard et Rommel. Ils sont à la tête de 1 800 blindés.

Reynaud le répète, et Gamelin, et le général Hering, gouverneur militaire de Paris, le confirment : plus rien ne s’oppose à la ruée de l’envahisseur allemand vers Paris, sinon le choix qu’il ferait de rouler à une vitesse qui atteint parfois 65 kilomètres à l’heure, vers la Manche.

Et pourtant, des troupes françaises se battent encore avec acharnement sur les bords de la Meuse alors qu’elles sont écrasées par les bombardements aériens, et submergées par les Panzers.

Mais elles résistent, se sacrifient dès lors que les officiers qui les commandent sont décidés à mourir à leur poste et non à fuir les premiers, à se soucier de leur confort.

Ce 15 mai, alors que ses Panzers roulent vers Philippeville, Rommel voit sortir des buissons, sur les bas-côtés de la route, des centaines de motocyclistes français qui, leurs officiers en tête, se rendent, poussent leurs motos dans les fossés, puis lèvent les bras.

« Je m’occupai pendant quelque temps de ces prisonniers, explique Rommel. Les officiers m’adressèrent de nombreuses demandes, notamment la permission de garder leurs ordonnances et aussi que leurs bagages fussent enlevés de Philippeville…

« Je fis monter plusieurs officiers avec moi dans mon véhicule blindé et, précédant toute la colonne, roulai à grande allure sur la route poussiéreuse.

« La surprise des troupes françaises devant notre apparition soudaine était complète… Centaines d’hommes par centaines d’hommes, les troupes françaises et leurs officiers se rendaient dès notre arrivée. »

Et tout à coup, un homme se dresse, anonyme.

Rommel, tout en roulant, note dans son carnet, esquisse la silhouette de ce lieutenant-colonel français.

« Il se montre particulièrement irritable lorsque nous l’interpellons et lorsque je lui demande son nom et son affectation. Ses yeux reflètent la haine et la fureur impuissante. Comme on peut prévoir que la circulation excessive qui règne sur la route entraînera de temps à autre la séparation de nos différents éléments de colonne, je décide réflexion faite de l’emmener avec nous.

« Il est déjà à cinquante mètres en arrière quand il est emmené devant le colonel Rothenburg qui lui fait signe de monter dans son char. Il s’y refuse d’une façon cassante. Trois sommations lui sont faites de monter dans le char mais il faut se résoudre à l’abattre. »

Dans la marée de la débâcle, des récifs de détermination, de courage et d’héroïsme, surgissent ainsi.

Sacrifice des pilotes anglais et français qui tentent de détruire le pont de Gaulier, sur la Meuse, bien que des batteries antiaériennes créent une barrière de feu.

En un seul jour, ce mercredi 15 mai, 167 avions dont 47 Britanniques sont abattus par les mitrailleuses de Guderian, qui réussit à faire traverser la Meuse à 60 000 soldats, 22 000 véhicules dont 850 chars.

Et malgré cette avalanche de Panzers, ce déluge de feu déversé par les Stuka, malgré les assauts des fantassins allemands, des unités françaises opposent sur les bords de la Meuse une résistance acharnée.

Dans le secteur de Monthermé, une unité de réservistes français bloque durant deux jours la VIe Panzerdivision.

« Dignes des Poilus de Verdun », dit le général Reinhardt.

Même détermination, même sacrifice, à La Horgne, à 20 kilomètres au sud-ouest de Sedan.

Ce sont des spahis algériens, marocains qui bloquent l’avance allemande. Ils refusent de se rendre.

« Ces spahis se sont sacrifiés pour la France, note le commandant du Ier régiment de fusiliers allemands. J’ai donné l’ordre que l’on traite particulièrement bien les quelques prisonniers. »

Et la Ire Panzerdivision perd ce jour-là un millier de tués ou blessés, ainsi qu’une vingtaine de blindés. À peine la moitié de l’effectif normal est encore debout.

Six cents spahis ont été tués ou blessés.

Ces combats héroïques ne sont même pas reportés sur les cartes que le colonel de Gaulle examine à Montry, ce mercredi 15 mai, au quartier général du général Doumenc où il a été convoqué.

Les flèches qui retracent l’avance des Panzerdivisionen de Guderian montrent que les Allemands, après avoir franchi la Meuse, se laissent glisser dans la vallée de la Serre, en direction de Montcornet, le nœud des routes qui vont vers Saint-Quentin, Laon et Reims, et aussi vers Abbeville, sur la Somme.

Le général Doumenc charge de Gaulle de retarder l’avance ennemie afin de laisser le temps à la 6e armée du général Touchon de se déployer, d’établir une ligne de défense.

Au quartier général de La Ferté-sous-Jouarre, où se rend de Gaulle, le général Georges confirme ces dispositions.

« Allez, de Gaulle, dit Georges, pour vous qui avez depuis longtemps les conceptions que l’ennemi applique, voilà l’occasion d’agir. »

Il ne peut y avoir de pires conditions pour agir. Les routes sont encombrées d’un « peuple éperdu », civils et soldats sans armes. Il faut gagner Soissons, puis Laon, remonter ce flot de réfugiés, de troupes débandées.

De Gaulle est saisi par une « fureur sans bornes ».

« Ah, c’est trop bête, la guerre commence infiniment mal, maugrée-t-il. Il faut donc qu’elle continue. Il y a pour cela de l’espace dans le monde. Si je vis, je me battrai où il faudra tant qu’il faudra ; jusqu’à ce que l’ennemi soit défait et lavée la tache nationale. »

Combien sont-ils, ceux qui forgent en eux-mêmes une telle résolution au moment où commence la « journée noire » du jeudi 16 mai 1940 ?

La panique au contraire gagne dès le début de la matinée les services des ministères, entraîne les ministres et même Paul Reynaud qui rêve pourtant d’être le nouveau Clemenceau.

Mais quand le général Hering, gouverneur militaire de Paris, lui recommande d’ordonner l’évacuation du gouvernement, des assemblées et des ministères, il accepte cette suggestion, la transmet aux présidents de la Chambre des députés, Édouard Herriot, et du Sénat, Jules Jeanneney.

Mais certains ministres s’y opposent et celui des Transports – Monzie – annonce qu’il n’a pas un seul train à mettre à la disposition du gouvernement ou des Parisiens, et fort peu de camions.

De nombreux députés s’opposent au départ, qui serait considéré comme une fuite devant l’ennemi.