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Ce dimanche 26 et ce lundi 27 mai, Reynaud pense à tout cela quand il réagit à la capitulation du roi des Belges.

Le mardi 28, Reynaud dénonce cette « attitude inqualifiable, ce fait sans précédent dans l’Histoire », cette trahison d’un roi félon, « sans prévenir ses camarades de combat français et anglais, ouvrant la route de Dunkerque aux divisions allemandes ».

Les Panzers de Rommel ce dimanche 26 mai bifurquent vers le nord.

« Très chère Lu,

« Je vais aussi bien que possible, écrit Rommel. Nous sommes occupés à enfermer dans Lille les Britanniques et les Français. Tout va bien pour le lavage, etc. Guenther, mon ordonnance, en prend bon soin. J’ai pris quantité de photos. »

Au sud, dans le secteur d’Abbeville, de Gaulle passe parmi les unités qui vont attaquer, dans l’espoir et la détermination de percer le flanc des divisions allemandes qui désormais encerclent Dunkerque.

De Gaulle dispose de 140 chars en état de marche, de six bataillons d’infanterie, appuyés par six groupes d’artillerie. En ce crépuscule du dimanche 26 mai, il sait qu’il ne possède pas les moyens nécessaires pour changer à lui seul la débâcle en victoire. Mais il faut attaquer malgré les Stuka et le déséquilibre des forces.

« Ma chère petite femme chérie, écrit-il.

« Toujours la bagarre. Je suis général depuis hier. Rien de bien neuf, mais cela barde. »

Après la bataille victorieuse, de Gaulle est interpellé par un officier allemand prisonnier qui a le bras déchiqueté par l’explosion d’une mine.

« Ah ! de Gaulle, de Gaulle ! Le génie des chars ! Vous êtes foutus, les Français, les Français sont foutus ! Vous résistez, c’est inutile, pourquoi vous obstinez-vous ? »

De Gaulle s’éloigne, l’aumônier de la division le rejoint.

« La poussée allemande est irrésistible, murmure de Gaulle. On reculera jusqu’à la Loire. Là, j’espère qu’on tiendra assez fortement et assez longtemps pour me permettre de débarquer en Bretagne avec les chars neufs que j’irai chercher en Angleterre. Alors, je couperai les lignes ennemies, je rejoindrai le Massif central et le Morvan… »

Il élève la voix.

« Les Anglais sont des partenaires qui n’aiment jamais abandonner une partie. Avec eux, tout peut tenir jusqu’à la victoire. Ils lâcheront notre territoire mais ne lâcheront pas sur leur propre terrain. »

Ce mardi 28 mai, alors que dans le port de Dunkerque et sur les dunes s’entassent des centaines de milliers d’hommes – plus de 200 000 Anglais et plus de 100 000 Français – et qu’un millier de navires commencent leurs navettes pour les évacuer vers l’Angleterre, Churchill réunit autour de lui son gouvernement.

« Nous étions peut-être vingt-cinq autour de la table, raconte Churchill. Je leur ai décrit le cours des événements en leur expliquant franchement où nous en étions et en leur exposant tout ce qui était en jeu. Après quoi, j’ai ajouté tout à fait incidemment : “Bien entendu, quoi qu’il arrive à Dunkerque, nous poursuivrons le combat.”

« Il s’est produit alors une manifestation qui m’a surpris, considérant la nature de cette assemblée, composée de vingt-cinq parlementaires et politiciens éprouvés qui représentaient avant la guerre toutes les nuances de l’opinion, bonnes ou mauvaises. Beaucoup d’entre eux ont semblé quitter la table d’un bond pour accourir jusqu’à mon fauteuil, en poussant des exclamations et en me donnant des tapes dans le dos. »

À Londres, c’est donc l’union sacrée, le patriotisme qui rassemblent toutes les énergies quelles que soient les origines et les différences. Devant Dunkerque, des navires conduits par des volontaires civils – pêcheurs, plaisanciers, équipages des barques de sauvetage, ainsi que le radeau d’incendie Massey Shaw des pompiers de Londres – affrontent les bombardements de la Luftwaffe, entrent dans le port ou s’approchent des rivages. Les soldats se rassemblent en files. L’ordre, imposé par les officiers de marine, est respecté.

Churchill, apprenant que des heurts ont eu lieu entre Anglais et Français, ces derniers parfois rejetés à la mer, répète qu’il faut embarquer « bras dessus, bras dessous ».

Les premiers jours, ce n’est qu’un vœu pieux ! Des Anglais, baïonnette au canon, refoulent les Français.

Les conditions de l’embarquement tiennent du miracle.

La Luftwaffe lance son premier raid dès le lundi 27 mai à 23 h 45, puis, en dépit de la Royal Air Force, attaque chaque jour, et à partir du 29 mai intensifie ses raids, bombardant le port, mitraillant les dunes.

Goering n’a-t-il pas promis au Führer qu’il détruirait le camp retranché de Dunkerque alors que les Panzers n’ont pas reçu l’autorisation d’avancer ?

Et cependant, au milieu des carcasses de véhicules incendiés par les bombes, en dépit des dizaines de navires de guerre coulés ou endommagés, d’autres dizaines de navires de commerce et de transport envoyés par le fond, des 1 841 avions de la RAF abattus, des pertes en hommes par dizaines de milliers, l’embarquement continue.

Deux cent vingt-quatre mille hommes du corps expéditionnaire britannique ont été ramenés sains et saufs ! L’Amirauté avait espéré sauver 50 000 hommes !

Outre la quasi-totalité du corps expéditionnaire, on évacue 95 000 soldats « alliés », pour l’essentiel français ! Et la dernière nuit – celle du 3 au 4 juin –, dans les lueurs d’incendie, 26 000 hommes de plus – français – purent être sauvés !

Mais quelques dizaines de milliers ne peuvent embarquer. Et l’amertume – habilement entretenue par les « défaitistes » antianglais que sont Pétain, Weygand, l’amiral Darlan et les hommes politiques hostiles depuis des années à l’alliance anglaise –, le ressentiment alimentent l’anglophobie qui favorise les partisans d’une sortie rapide de la guerre.

Il est vrai que la défense du « camp » de Dunkerque a été assurée par des troupes françaises « sacrifiées » et que la résistance des troupes du général Molinié à Lille, pendant trois jours jusqu’à l’épuisement des munitions, fixe aussi des divisions allemandes, ce qui, dit Churchill, « apporte une splendide contribution » à l’opération Dynamo d’embarquement.

Les Allemands du général von Reichenau rendront les honneurs – sur la Grand-Place de Lille, avec fanfare et compagnie au garde-à-vous – à la « défense héroïque [selon les termes de von Reichenau] des Français ».

Le mardi 4 juin, à 9 h 15, les derniers défenseurs de Dunkerque se rendent.

« Très chère Lu », écrit Rommel, dont la division a combattu à Lille, « maintenant que la bataille est terminée, on nous a mis au repos derrière le front… Peut-être la France va-t-elle renoncer à sa lutte désormais sans espoir. Sinon, nous l’écraserons jusqu’au fond du pays… Je me porte bien à tous égards… ».

Puis il ajoute :

« Ordre de me présenter aujourd’hui devant le Führer… La visite a été merveilleuse. Il m’a accueilli en ces termes : “Rommel, nous avons été très inquiets pour vous pendant l’attaque.” Sa figure était rayonnante et je dus ensuite rester avec lui et l’accompagner. J’étais le seul commandant de division dans ce cas ! »

Hitler peut se laisser griser. Il n’a pas détruit les troupes anglaises à Dunkerque, mais le voulait-il vraiment ? En revanche, l’offensive finale contre la France s’annonce sous un jour favorable.

Il sait que Pétain et Weygand, et le clan politique rassemblé autour de Pierre Laval sont partisans de l’armistice ; que, dans une note à Paul Reynaud, Pétain et Weygand ont indiqué qu’il était nécessaire d’avertir Londres que « la France pourrait se trouver dans l’impossibilité de continuer une lutte militairement efficace pour protéger son sol ».