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« Pour la première fois dans son histoire, ce vieux pays gallo-romain est gouverné par un Juif », dira le député Xavier Vallat.

Des complots se trament, des attentats, des assassinats ont lieu.

On regarde vers l’Espagne où, en juillet 1936, un coup de force militaire conduit par le général Franco déclenche une guerre civile.

Face aux troupes de Franco, aidées par des contingents italiens et allemands, les « républicains » espagnols reçoivent l’aide clandestine de la France et des Brigades internationales organisées par les communistes.

Londres et Paris ont choisi la « non-intervention ».

L’URSS soutient l’Espagne républicaine. Mais Staline a pour objectif moins de faire gagner la République espagnole que de susciter la guerre entre l’Allemagne et l’Italie d’une part, et la France et l’Angleterre d’autre part.

Politique qu’il mènera jusqu’au bout quand, le 23 août 1939, il signera un pacte de non-agression avec Hitler, comportant le partage de la Pologne entre nazis et Soviétiques.

Ce pacte était aussi la réponse aux accords de Munich, par lesquels Londres et Paris abandonnaient à Hitler, avec la médiation de Mussolini, les Sudètes.

C’en était fini de la Tchécoslovaquie. Les troupes allemandes entraient à Prague en mars 1939 ! On ne mourrait pas pour les Sudètes, et on ne voulait pas mourir pour Dantzig qui serait, à l’évidence, la prochaine étape de la politique de Hitler.

L’engrenage tournait inexorablement.

Londres et Paris avaient chaque fois cédé devant Hitler.

Acceptation en mars 1936 de la remilitarisation de la Rhénanie.

Acceptation de la conquête de l’Éthiopie par Mussolini.

Acceptation de l’Anschluss.

On espérait à Londres et à Paris que ces capitulations successives – dont les accords de Munich furent le couronnement – établiraient, comme le déclarait le Premier Ministre britannique Neville Chamberlain, « la paix pour notre temps ».

Churchill, lucide, déclarait :

« Ils ont choisi le déshonneur pour éviter la guerre, ils auront le déshonneur et la guerre. »

En France, le colonel de Gaulle, qui commande le 507e régiment de chars, à Metz, analyse, en juillet 1937, devant Jacques Vendroux, la situation.

« Mon beau-frère, écrit Jacques Vendroux, me confie, avec plus de pessimisme qu’il n’en laisse paraître de coutume, qu’il est vraiment fort inquiet du proche avenir : la veulerie des politiciens, qu’ils soient alliés ou français, permet à Hitler de reconstituer dans un esprit de revanche une force militaire de plus en plus moderne et forte…

« La France aura d’autant moins les moyens de se défendre qu’elle sera pratiquement seule à supporter le premier choc : les Anglais ne sont pas prêts, on n’est pas du tout sûr de pouvoir compter sur les Russes ; quant aux Américains, toujours temporisateurs, ils resteront d’abord des spectateurs, complaisants il est vrai ; notre territoire sera sans doute une fois de plus envahi, quelques jours peuvent suffire pour atteindre Paris.

« Il faudra donc ensuite repartir de la Bretagne ou des massifs montagneux, voire de l’Algérie et lutter pendant de longs mois pour aboutir avec nos alliés à une victoire finale. Mais au prix de quels sacrifices ! »

Un an plus tard, en novembre 1938, un mois après les accords de Munich, de Gaulle écrit :

« Nous sommes, nous, la France, au bord de l’abîme. »

Le 3 septembre 1939, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne.

Une « drôle de guerre » commence, vingt-cinq ans après le début de la Première Guerre mondiale en août 1914.

PREMIÈRE PARTIE

Janvier 1940

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9 mai 1940

« … Dans tous les partis, dans la presse, dans l’administration, dans les affaires, dans les syndicats, des noyaux très influents sont ouvertement acquis à l’idée de cesser la guerre… »

Charles DE GAULLE

Janvier 1940

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Nous sommes à l’aube du mercredi 10 janvier 1940.

Sur la piste de l’aérodrome de Münster, la capitale de la Rhénanie du Nord, deux mécaniciens s’affairent autour d’un petit avion de la Luftwaffe.

Les flammes du brasero qu’ils ont allumé éclairent la croix gammée noire du IIIe Reich, peinte sur l’étroite carlingue du biplace.

Un vent aussi glacé que les blizzards du Grand Nord balaie la piste ; il souffle sur toute l’Europe. Le Rhin est gelé et couvert de neige. Personne ne se souvient d’avoir connu un hiver aussi rude.

Les mécaniciens, entre deux tentatives de lancer l’hélice, ouvrent leurs mains au-dessus du brasero, puis ils recommencent, empoignant les pales, faisant hoqueter le moteur.

Ils jurent. Et comme eux, des millions d’hommes dans leurs cantonnements, leurs casemates, leurs postes de garde ou de guet maudissent ce froid glacial, cette malédiction qui s’est abattue sur l’Europe, en même temps que la guerre.

Le vendredi 1er septembre 1939, les troupes de Hitler avaient envahi la Pologne pour effacer le couloir attribué à ce pays par le traité de Versailles et qui séparait le Reich de la ville allemande de Dantzig.

Le dimanche 3 septembre, le Royaume-Uni et la France ont déclaré la guerre à l’Allemagne puisque Hitler ne voulait pas retirer ses troupes de Pologne.

« La France sera l’agresseur », dit Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères du Reich, s’adressant à l’ambassadeur de France, Coulondre.

Ribbentrop était d’une pâleur de cadavre, les lèvres blanches, les mains et la voix tremblantes.

La Deuxième Guerre mondiale venait de commencer. Or Ribbentrop était persuadé, comme Hitler, que Londres et Paris, qui avaient abandonné la Tchécoslovaquie en 1938, à la conférence de Munich, ne se porteraient pas au secours de la Pologne.

« L’Histoire jugera », lui a répondu Coulondre.

À Londres, le Premier Ministre Neville Chamberlain déclarait :

« J’espère vivre assez longtemps pour voir le jour où l’hitlérisme aura été écrasé et une Europe libre restaurée. »

Ainsi Chamberlain, l’un des artisans de Munich, changeait-il de camp. Devenu ardent adversaire de Hitler, il invitait Winston Churchill à faire partie du Comité de guerre comme Premier lord de l’Amirauté.

Mais il était trop tard pour sauver la Pologne.

Depuis le 1er septembre, Varsovie est écrasé sous les bombes. Le chaos règne. Les habitants égarés errent dans une ville, un pays qui ne sont plus que ruines. Quelques heures auparavant, c’était encore la paix. On se serrait dans les cafés bondés. On riait. On dansait. On se moquait des discours de Hitler qui n’étaient que rodomontades. Et maintenant « on tâtonne dans les ruines des maisons éventrées et des rues déchirées, dans une atmosphère de poussière, de fumée de mort et d’ultime défaite ».

Que peuvent les cavaliers polonais contre les chars du général Guderian ? Mourir.

En quelques jours, la Pologne s’effondre.

C’est un hiver précoce qui empoigne l’Europe à la gorge.

On ne veut pas écouter les cris des Polonais, humiliés, assassinés.

On détourne les yeux pour ne pas voir les Juifs des ghettos traqués, massacrés, jetés dans des fosses communes. Seuls quelques hommes osent tirer la leçon de cette Blitzkrieg. Churchill s’époumone :

« On ne comprend pas en France et en Angleterre les conséquences de ce fait nouveau qu’il est possible de conduire des véhicules blindés capables de résister à un feu d’artillerie et de parcourir des avancées de plus de 150 kilomètres par jour. »