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Ainsi, dès cette mi-juillet 1940, l’opinion française échappe à la machine de propagande allemande, et accède au moins, grâce à la BBC, à une source d’information différente.

Les premiers actes de résistance apparaissent. Ils sont souvent spontanés.

Sur une affiche condamnant l’Angleterre, après Mers el-Kébir, on peut lire « le combat que mène l’Angleterre contre l’Allemagne c’est notre combat ».

Quand, le mercredi 17 juillet, le journal Ouest France annonce le décès à Paimpont de Mme Jeanne Maillot, chacun comprend que le nom de De Gaulle a été censuré, parce qu’on sait qu’elle est la mère du Général.

L’église de Paimpont est envahie par les fidèles. Un détachement de gendarmerie, sous le commandement d’un capitaine, présente les armes, en dépit de l’interdiction des Allemands.

La tombe est régulièrement fleurie, et les gens emportent en souvenir de petits cailloux entourant la dalle.

Or, au moment même où s’exprime cet instinct patriotique, Hitler exige que le gouvernement de Vichy transforme la France en État satellite en abandonnant même la fiction entretenue de la souveraineté.

Le mardi 16 juillet, le général Weygand reçoit un ultimatum du général von Stülpnagel, exigeant que la France remette des ports de la Méditerranée, des aérodromes au Maroc, des stations météo, le chemin de fer de Tunis à Rabat aux mains des Allemands.

« Le Führer et commandant en chef de l’armée attend, écrit Stülpnagel, que le gouvernement français lui accorde l’appui qu’il juge nécessaire pour poursuivre d’une manière efficace sa lutte contre l’Angleterre. »

Tout en constatant que ce sont là des « demandes exorbitantes », le gouvernement Pétain veut « ouvrir des discussions » ; même s’il refuse de céder aux Allemands, qui remettent en cause la souveraineté française sur son Empire.

Laval, en dépit des réticences de Pétain, décide de se rendre auprès d’Abetz à Paris.

Le vendredi 19 juillet, Pétain reçoit Laval.

« Tous les renseignements concordent pour affirmer que les Allemands ne vous aiment pas », dit avec mépris le Maréchal.

Mais Laval n’en a cure. Il veut être celui qui ouvre et conduit le dialogue avec les Allemands. Il pense qu’il est le seul à comprendre que la collaboration avec l’Allemagne contre l’Angleterre est nécessaire et souhaitable. Tôt ou tard, ce choix s’imposera.

Il le dit à Abetz.

« Dans l’intérêt de son pays, rapporte Abetz, Laval souhaite rechercher sur le sol français les bases d’un travail de collaboration avec le gouvernement du Reich… » « Est-il dans l’intérêt allemand de garder une attitude irréconciliable lorsqu’on vient lui offrir de collaborer sans arrière-pensée au bien de l’Europe ? » lui demande Laval.

Abetz écoute, décide de se rendre à Berlin pour rapporter les propos de Laval.

Il sait que l’heure est à la préparation de l’assaut contre l’Angleterre et la proposition de Laval peut, dans cette perspective, être utile.

C’est le mardi 16 juillet que Hitler a rédigé la Directive n° 16 pour la préparation d’une opération de débarquement contre l’Angleterre.

Le nom de code de l’opération est Seelöwe – Otarie.

 

« QG du Führer

« 16 juillet 1940

« Ultra secret

« Puisque l’Angleterre, en dépit de sa situation militaire sans issue, ne manifeste aucune intention d’en venir à un arrangement, j’ai décidé de préparer une opération de débarquement et de l’exécuter si nécessaire.

« Le but de cette opération est d’éliminer la métropole anglaise en tant que base pour continuer la guerre contre l’Allemagne et, si ça devait être nécessaire, de l’occuper entièrement. »

« De l’exécuter si nécessaire » : Hitler est sur le seuil.

Il hésite encore ce vendredi 19 juillet à 19 heures quand il se lève pour s’adresser aux membres du Reichstag, réuni à l’opéra Kroll à Berlin[5]. Il parle bruyamment, mêle la détermination du chef de guerre à l’habileté d’un politicien retors.

Il interrompt son discours pour remettre à Goering le bâton de maréchal du Reich – Reichsmarschall – et celui de Feldmarschall à douze généraux.

C’était une manière spectaculaire de rappeler la puissance militaire du Reich victorieux.

Puis il reprend, accusant Churchill et les hommes politiques anglais de sacrifier leur peuple :

« Je ne sais pas si ces politiciens ont déjà une idée juste de ce que signifiera la poursuite de la lutte… C’est du Canada qu’ils continueraient la guerre ? Le peuple lui, j’en ai peur, devrait rester en Angleterre et il verra la guerre avec d’autres yeux que ceux de ses soi-disant chefs réfugiés au Canada. »

Les applaudissements déferlent.

« Croyez-moi, messieurs, je ressens un profond dégoût pour ce type de politiciens sans scrupule qui causent la ruine de nations entières. Il m’est presque douloureux de penser que j’aurai été choisi par le destin pour porter le coup final à la structure que ces hommes ont déjà ébranlée. M. Churchill sera sans doute déjà au Canada où l’argent et les enfants de ceux qui ont intérêt à faire la guerre ont déjà été expédiés…

« Pour des millions d’autres êtres cependant un lourd calvaire va commencer. M. Churchill devrait peut-être pour une fois me croire quand je prédis qu’un grand Empire sera détruit, un Empire que je n’ai jamais eu l’intention de détruire ni même d’affaiblir.

« Je ne suis pas le vaincu qui mendie des faveurs, mais le vainqueur qui parle au nom de la raison.

« Je ne vois aucun motif de prolonger cette guerre. »

La salle se dresse, salue, bras tendu.

Au premier rang, Ciano, le ministre des Affaires étrangères italien, qui tout au long du discours a bondi comme un diable de sa boîte pour faire le salut fasciste chaque fois que Hitler reprenait son souffle, se hausse sur la pointe des pieds, le corps arqué, image de la servilité et de la vanité.

Le journaliste américain William Shirer se mêle aux députés, aux officiers invités du Führer. Tous sont enthousiastes, persuadés que l’Angleterre acceptera l’offre du Führer.

Shirer s’étonne. Il n’y a aucune offre précise dans le discours de Hitler, fait-il remarquer.

Puis Shirer se rend à la radio, pour lire son reportage, à destination des États-Unis. Il entend la BBC, qui rejette l’offre de paix de Hitler. Le discours n’est qu’un leurre grossier, explique-t-on.

La BBC a réagi sans même consulter le gouvernement et sans avoir reçu de directive, confirme au téléphone un journaliste anglais interrogé par Shirer.

Autour de Shirer, les visages des Allemands se figent.

« Pouvez-vous comprendre cela ? crie l’un d’eux. Pouvez-vous comprendre ces idiots d’Anglais ? Refuser la paix maintenant ? Ils sont fous. »

25

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Dans les dix derniers jours du mois de juillet 1940, Hitler, ses généraux, ses diplomates, doivent s’en convaincre : ces « fous d’Anglais » rejettent toute idée d’arrangement, et se moquent même ou traitent avec dédain le discours du Führer, prononcé le vendredi 19 juillet.

Les journaux des pays neutres, suédois, américains, suisses, argentins, rapportent tous que l’Angleterre est devenue une sorte de fourmilière dans laquelle on aurait introduit un corps étranger.

Partout, dans les jardins, dans les champs même, on creuse des tranchées.

Autour des édifices publics, on entasse des sacs de sable.

De vieux messieurs, casque sur la tête, masque à gaz en bandoulière, deviennent des chefs d’îlots, des observateurs fixant le ciel, transmettant à des centres d’opérations des indications sur la route suivie par les escadrilles allemandes dès lors qu’elles abordent la côte anglaise.