Выбрать главу

On voit des réservistes faire l’exercice avec pour toute arme des bâtons.

Ces « fous d’Anglais » veulent se battre, et Halifax, le lord dont Hitler pensait qu’il pouvait incarner une autre politique qui déboucherait sur un compromis avec l’Allemagne, répond lui-même, le lundi 22 juillet, au discours du Führer, par un « non » énergique à toute négociation.

Et cependant, les généraux invités par Hitler dans sa résidence de l’Obersalzberg ou dans l’un de ses quartiers généraux sont surpris. Hitler ne paraît pas affecté par l’attitude anglaise, comme s’il n’avait jamais vraiment envisagé la traversée de la Manche.

« Sur terre, je suis un héros, confie-t-il d’un ton léger à von Rundstedt, mais sur l’eau je suis un poltron ! »

En même temps, le Führer explique à l’ambassadeur d’Italie Alfieri, et au ministre Ciano, que son discours du 19 juillet était destiné d’abord à l’opinion publique, et qu’il n’avait jamais cru à une réponse anglaise positive.

« Cela, dit-il, a toujours été une bonne tactique, de rendre l’ennemi responsable aux yeux de l’opinion publique, en Allemagne et ailleurs, des événements à venir. Cela renforce le moral et affaiblit celui de l’ennemi. Une opération comme celle que l’Allemagne projette sera très sanglante. Il faut donc convaincre l’opinion publique que tout a été fait au préalable pour éviter cette horreur. »

Mais lorsque, marchant parmi ses généraux et ses amiraux sur la terrasse de son immense « chalet » de l’Obersalzberg, il les écoute, tête baissée, on le sent presque satisfait de leur prudence et même de leurs réserves.

L’amiral Raeder est le plus réticent. Il lui faudrait, dit-il, pour transporter les troupes, 1 722 chalands, 1 161 vedettes, 471 remorqueurs et 155 navires de transport.

Raeder ajoute que cette armada ne serait pas à l’abri d’une attaque dévastatrice de la Royal Navy. Par ailleurs, « l’opération ne peut être conduite que si la mer est calme ».

En outre, rassembler un si grand nombre de chalands et de remorqueurs paralyserait l’activité fluviale et donc la vie économique allemande !

« Tout bien considéré, conclut Raeder, la meilleure époque pour l’opération serait mai 1941 ! »

Hitler reste longtemps silencieux, puis déclare qu’on ne peut pas attendre si longtemps, mais « des opérations de diversion en Afrique doivent être étudiées ».

Puis il précise qu’il faut préparer le déclenchement de l’opération Seelöwe pour le 15 septembre 1940… ou, en effet, mai 1941 !

Il ne cherche pas à dissimuler ses hésitations, ses réticences.

Tout à coup, il parle de la Russie, avec détermination. « Il faut, dit-il, régler la question russe. »

Staline vient de transformer la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie en républiques soviétiques. Les Roumains demandent que des divisions blindées viennent protéger les champs de pétrole de Ploiesti que les Russes menacent.

Hitler se tait, les généraux font cercle autour de lui.

« L’Angleterre refuse la paix, dit-il, parce qu’elle espère conclure une alliance avec les Russes !

« Mais si la Russie est vaincue, que restera-t-il à M. Churchill ? Le Canada ? Les États-Unis ? Encore faut-il que l’opinion publique britannique soit toujours résolue à faire la guerre.

« Tout va dépendre de la Luftwaffe », conclut Hitler.

Il dicte peu après la Directive n° 17 pour « la conduite de la guerre aérienne et navale contre l’Angleterre ».

Il faut écraser l’aviation anglaise, les ports, spécialement ceux utilises pour l’approvisionnement en nourriture.

« Je me réserve la décision des attaques terroristes de représailles », précise Hitler avant d’ajouter : « La guerre aérienne intensifiée peut commencer le 6 août 1940. »

Il s’interrompt, murmure : « Le 6 août au plus tard. »

Puis, comme s’il était libéré d’avoir trouvé une issue, il ajoute :

« Si l’effet des attaques aériennes est tel que l’aviation ennemie, les ports, les forces navales, etc., sont gravement endommagés, l’opération Seelöwe sera exécutée en 1940, le 15 septembre. Autrement, elle sera retardée jusqu’en mai 1941. »

Il poursuit d’une voix martiale, regardant chacun des généraux qui l’entourent. Il charge le Grand État-major de la Wehrmacht – l’OKW – de commencer à préparer l’attaque contre la Russie.

Les généraux Keitel, von Brauchitsch, Jodl, baissent cérémonieusement la tête, le corps raidi, les talons joints.

Qui, dans le Paris occupé de ce mois de juillet 1940, peut imaginer ce qui se trame dans la vaste résidence de Hitler d’où l’on domine les cimes de l’Obersalzberg ?

Les journaux sont autorisés à paraître, financés, contrôlés par les autorités allemandes. Un certain lieutenant Weber est chargé des relations avec la presse.

Étranges journaux que les Parisiens feuillettent avec surprise et dédain. Et l’Angleterre y occupe la première place.

Le Matin titre ainsi :

« La réponse de Pétain, grand soldat, à M. Churchill, petit politicien. »

La conclusion de l’article est délirante. On lit :

« As-tu compris, Israël ?

« Si tes fils camouflés en nationaux anglais n’abaissent ni leurs plumes ni leurs armes, ils seront anéantis avec toutes tes entités, tes slogans et tes termes !

« Telle est la volonté du Christ social !

« Alors l’Allemagne victorieuse et la France vaincue formeront les assises inébranlables du grand peuple aryen de l’Europe. »

Dans le journal Les Dernières Nouvelles – dont la durée de vie sera courte –, on apprend, le 23 juillet, que Lloyd George a gagné quarante députés anglais à l’idée d’une négociation avec l’Allemagne. Invraisemblable !

Et le même quotidien recense les « bobards » qui circulent à Paris.

« Ce sont les Anglais qui ont débarqué à Dunkerque, qui occupent Lille, ou qui ont repris Bordeaux. »

Et le journal de conclure :

« Insanités pour qui veut réfléchir, mais qui contribuent à entretenir un déplorable état d’esprit chez des gens dont les nerfs ont été mis à rude épreuve jusqu’au 15 juin dernier.

« Méfiez-vous des fausses nouvelles. Elles n’ont qu’un seul but : empêcher le redressement de la France ! »

En fait, si les Parisiens accordent du crédit à ces rumeurs et les colportent, c’est qu’au fond d’eux-mêmes l’espoir d’un retournement miraculeux de la situation demeure vivace.

Seule une minorité s’enthousiasme à la prose enflammée d’Alphonse de Châteaubriant, écrivain et essayiste de renom qui, dans l’hebdomadaire La Gerbe, s’écrie, s’adressant aux jeunes Français :

« Êtes-vous prêts ?

« Une ère nouvelle est en train de naître, elle traverse notre chair, ère de pureté, commandée par l’immense rythme de la vie créatrice… Êtes-vous prêts ? »

Ainsi cette presse parisienne fait-elle écho à l’idée de Révolution nationale que le gouvernement de Pétain veut mettre en œuvre.

On crée les Chantiers de jeunesse, substitut au service militaire. Les « compagnons », les « gars » y chantent au moment du lever des couleurs l’hymne qui remplace La Marseillaise.

Maréchal, nous voilà

Devant toi

Le Sauveur de la France