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Le samedi 17 août, Goering, engoncé dans sa fatuité, refuse d’écouter ses pilotes – ainsi l’as de la chasse, Adolf Galland. Ils affirment que les pilotes anglais doivent disposer d’un nouveau procédé de communication, ce « fameux radar », ces transmissions entre radios, entre le Ground Control et les chasseurs en vol.

Mais Goering ne mesure pas l’importance de ces systèmes.

« Il est douteux, dit-il, qu’il y ait intérêt à continuer les attaques de stations radar, puisque de toutes celles attaquées jusqu’à présent, aucune n’a été mise hors d’état de fonctionner. »

Mais Goering ajoute :

« Nous avons atteint la période décisive de la guerre aérienne contre l’Angleterre. La tâche essentielle est la défaite de l’aviation ennemie. Notre premier objectif est l’élimination des chasseurs anglais. »

Lorsque, à compter du vendredi 23 août, le temps s’améliore, Goering concentre l’assaut de ses Luftflotten sur les aérodromes de la chasse anglaise, et les postes de transmission.

Chaque jour, du samedi 24 août au dimanche 8 septembre, une moyenne de 1 000 avions participent à ces attaques.

Les Anglais perdent 466 chasseurs, et la Luftwaffe 385 avions, dont 138 bombardiers.

« La balance penche du côté opposé à l’aviation de chasse, commente Churchill. L’inquiétude est grande ! »

En effet, si la Luftwaffe contrôle le ciel anglais, l’invasion suivra.

Et pourtant, Goering, au début du mois de septembre, semble changer de stratégie.

C’est que le samedi 24 août, en représailles à un bombardement au centre de Londres, la RAF bombarde Berlin. C’est la première fois que la capitale du Reich reçoit des bombes. Or Hitler avait donné l’ordre, pour éviter cette éventualité, d’épargner Londres. Mais le vendredi 23 août, les pilotes allemands ont commis une erreur de navigation et lâché leurs bombes sur la capitale anglaise.

Dans la nuit du jeudi 29 août, la RAF revient bombarder Berlin, tuant dix civils et en blessant une vingtaine d’autres.

« Les Berlinois sont stupéfaits, écrit le journaliste William Shirer. Ils ne pensaient pas que cela pût jamais arriver. Quand cette guerre a commencé, Goering leur a affirmé que c’était impossible. Ils l’ont cru. Leur désillusion aujourd’hui est donc d’autant plus grande. Il faut voir leurs visages pour la mesurer. »

Les journaux du 1er septembre ont reçu de Goebbels la consigne d’avoir à stigmatiser les attaques anglaises. Ils titrent : « Les Anglais attaquent lâchement » ou « Pirates de l’air anglais sur Berlin ».

C’est le premier anniversaire de l’entrée en guerre.

« Les armées allemandes ont remporté des victoires jamais égalées.

« Mais, note Shirer, on a déjà oublié cela, car la guerre n’est pas finie ni gagnée et c’est sur quoi les Berlinois concentrent leur esprit aujourd’hui. Ils aspirent à la paix. Et ils la veulent avant la venue de l’hiver. »

Ils espèrent que le Führer l’annoncera.

27

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Le Führer Adolf Hitler parle en cette fin d’après-midi du mercredi 4 septembre 1940.

Jusqu’au dernier moment, sa présence au Sportpalast où se tient le rassemblement qui ouvre la campagne de Winterhilfe – le secours d’hiver – a été tenue secrète de crainte que la Royal Air Force ne bombarde Berlin. Et, comme elle le fait la nuit, Hitler parle une heure avant la tombée du jour.

Les assistantes sociales, les infirmières qui composent la majeure partie de l’assistance, acclament Hitler dès qu’il paraît puis, après les premières phrases, elles l’interrompent, crient leur joie, manifestent leur enthousiasme – qui prend des formes hystériques. Elles tempêtent, elles lèvent les bras, elles hurlent, frappent des talons, font trembler le sol de l’édifice.

« M. Churchill, dit Hitler, fait actuellement la démonstration de sa dernière trouvaille, le raid de nuit, parce que ses avions ne peuvent survoler l’Allemagne de jour… tandis que les avions allemands survolent le sol anglais chaque jour. Toutes les fois qu’un Anglais voit une lumière, il jette une bombe sur les quartiers résidentiels, les fermes et les villages… Je n’ai pas riposté parce que je croyais que pareille folie cesserait. M. Churchill a pris cela pour un signe de faiblesse, à présent nous répondrons nuit pour nuit. L’aviation anglaise lance 2 ou 3 ou 4 000 kilos de bombes, nous en lancerons en une nuit, 150, 200, 300 ou 400 000 kilos… »

Les applaudissements, les cris déferlent. Hitler reprend son souffle :

« Ils déclarent qu’ils multiplieront leurs attaques sur nos villes, eh bien, alors nous raserons les leurs ! »

La salle manifeste frénétiquement.

« Nous mettrons fin aux performances de ces pirates nocturnes de l’air, avec l’aide de Dieu ! »

Le journaliste William Shirer, présent sur l’un des hauts gradins, note :

« Les jeunes Allemandes bondirent sur leurs pieds et la poitrine haletante hurlèrent leur approbation. »

« L’heure viendra, conclut Hitler, où l’un de nous s’effondrera et ce ne sera pas l’Allemagne nationale-socialiste ! » Shirer, témoin effrayé, écrit dans son carnet ces mots qui reflètent son effroi d’Américain posé :

« Les filles en délire gardent suffisamment leur contrôle pour entrecouper leurs cris de joie sauvages d’un chœur de “Jamais ! Jamais !” »

La décision est prise par Hitler et Goering de briser la résistance des Anglais en rasant leurs villes, et ce au détriment de l’attaque systématique des aérodromes, des Ground Controls et des stations radar.

Le samedi 7 septembre, tard dans l’après-midi, la grande attaque aérienne de Londres commence.

La Luftflot 2 déploie 638 chasseurs et 300 bombardiers qui volent en formation serrée. La route de Londres est libre. La chasse anglaise les attend ailleurs… sur les stations radar et les Ground Controls.

Les quartiers surpeuplés de l’East End londonien sont atteints. On dénombre 300 morts et 1 300 blessés gravement frappés.

Les immenses incendies qui ravagent Londres éclairent le ciel comme un phare qui guide l’attaque suivante, nocturne celle-là.

« Londres est en feu », téléphone Goering à sa femme.

Les jours et les nuits suivants, le Blitz sur Londres et les autres villes anglaises continue. Des dizaines de villes, dont Coventry, sont touchées. Mais c’est Londres qui reste la cible.

La population de la capitale garde pourtant un sang-froid qui frappe Daniel Cordier, en permission de vingt-quatre heures à Londres, ce samedi 7 septembre.

« J’aperçois au loin, dans la lumière du crépuscule, un brasier colossal. Le ciel est en flammes, écrit Cordier. À la gare Victoria, des voyageurs impassibles nous expliquent qu’un bombardement dévastateur a eu lieu dont la cible était les docks.

« Je prends un taxi. En traversant la ville, rien ne me paraît anormal. La foule du samedi soir se rue vers les plaisirs. »

Passant la nuit chez des amis, il est réveillé par les sirènes. Il est invité à descendre au shelter. Son hôte lui explique qu’à Londres, c’est une obligation.

Dans l’abri, « la veillée se transforme en réunion mondaine » : jeux de cartes, livres, gin ou whisky.

Le dimanche 15 septembre, une flotte de 200 bombardiers et 600 chasseurs se heurte à la chasse anglaise rassemblée. Celle-ci intercepte les Allemands avant qu’ils n’atteignent Londres, à l’exception de quelques-uns d’entre eux.