Max Gallo
de l’Académie française
1943
Le souffle de la victoire
Récit
XO
ÉDITIONS
© XO Éditions, Paris, 2011
ISBN : 978-2-84563-504-3
PROPOS
Au fil de l’an 1943
« Il n’y a pas de compromis entre le Bien et le Mal. »
ROOSEVELT à la conférence de Casablanca
24 janvier 1943
« Êtes-vous, et le peuple allemand est-il déterminé, si le Führer l’ordonne, à travailler, dix, douze et si nécessaire quatorze et seize heures par jour et donner le maximum pour la Victoire ?
« Je vous demande voulez-vous la guerre totale ?
« Voulez-vous qu’elle soit si nécessaire, plus totale et plus radicale que nous ne pouvons même l’imaginer aujourd’hui ? »
Discours de Joseph GOEBBELS
au Sportpalast de Berlin
(La foule a hurlé : « Heil ! Heil ! Totalkrieg !
Ordonne, Führer, nous te suivrons ! »)
18 février 1943
« La guerre atteint son paroxysme. La nation française que l’ennemi s’acharne à vider de sa substance par la déportation, le pillage, les fusillades, tâche de garder et d’organiser ses forces vives pour les suprêmes efforts de demain. C’est avec angoisse qu’elle interroge l’horizon d’où devraient venir les secours. C’est avec anxiété qu’elle regarde vers son Empire. »
Charles DE GAULLE,
appel lancé de la radio de Londres
12 mars 1943
« Les catastrophes qui s’abattent sur l’Allemagne et l’Italie ne doivent pas nous inciter à considérer la guerre comme gagnée. Des batailles très dures attendent encore l’Union soviétique et ses alliés occidentaux ; mais le temps approche où l’armée Rouge et les armées de ses alliés briseront l’échine de la Bête fasciste. »
Joseph STALINE, Ordre du jour
Mai 1943
« Soldats du Reich !
« Vous participez aujourd’hui à une offensive d’une importance considérable. De son résultat peut dépendre tout le sort de la guerre. Mieux que n’importe quoi, votre victoire montrera au monde entier que toute résistance à la puissance de l’armée allemande est vaine. »
Message du FÜHRER à la veille
du déclenchement de l’offensive allemande
contre le saillant de Koursk
4 juillet 1943
La plus grande bataille de chars
de l’Histoire va s’engager.
« La question commence à se poser de savoir de quel côté nous devrions nous tourner en premier : les Moscovites ou les Anglo-Américains.
« D’une manière ou d’une autre, nous devons comprendre qu’il sera très difficile de faire la guerre avec succès des deux côtés à la fois. »
GOEBBELS, Journal
après la chute de Mussolini, et l’armistice
conclu par l’Italie avec les Alliés
10 septembre 1943
PROLOGUE
La porte du tombeau
Ce vendredi 1er janvier 1943, en Tripolitaine, le Feldmarschall Erwin Rommel a froid.
« On ne se sent bien au chaud qu’à midi lorsque apparaît un rayon de soleil. Voilà à quoi ne m’avait pas habitué l’Afrique. »
Mais tout a changé en 1942.
Il n’est plus Rommel le victorieux, roulant en tête de l’Afrikakorps et rêvant d’atteindre Le Caire, Suez, le Nil, et donc le cœur de l’Empire britannique.
Selon Rommel, parce que tout l’effort de l’Allemagne a été consacré au front de l’Est il n’a pu qu’organiser la retraite, jusqu’en Tripolitaine. Et, en ce début du mois de janvier 1943, s’il a réussi à reconstituer une ligne de défense, il sait qu’il ne pourra résister à la prochaine offensive anglaise.
Il se souvient d’avoir écrit à son épouse le 30 décembre 1942 :
« Je n’ai pas le moindre doute sur son issue, les forces sont trop inégales. Le ravitaillement est presque tari. L’essence manque. Il nous faut à présent nous rendre à l’inévitable et souhaiter que Dieu veuille encore une fois soutenir notre cause. Je suis allé hier sur le front et j’y retourne aujourd’hui.
« Sur le chemin a surgi notre dîner sous la forme d’une bande de gazelles. L’un des interprètes de l’état-major de l’armée blindée, Armbruster, et moi-même réussissons l’un et l’autre à en abattre une du haut de nos voitures en marche. »
Voilà de quoi faire un « ragoût de gazelle » pour les dîners de cette période de fêtes.
Fêtes ?
« Il fait froid et venteux ! »
Et Rommel ne peut chasser de son esprit l’inquiétude qui l’étreint.
Il y a eu la défaite d’El-Alamein puis le débarquement des Américains en Afrique du Nord, l’installation à Alger du général Giraud qui, après s’être évadé de son « oflag », avoir fait acte d’allégeance à Pétain, s’est rendu en Algérie, a rallié aux Américains les troupes françaises.
Heureusement, l’état-major allemand a réagi avec promptitude, réussissant à débarquer des troupes en Tunisie.
Rommel envisage déjà d’être contraint de faire retraite de Tripolitaine et de Libye, jusqu’à la Tunisie.
Mais quel sera l’avenir des forces allemandes en Méditerranée ? Quel sera l’avenir du Reich, alors que plus de 100 000 hommes de la VIe armée du général Paulus sont encerclés à Stalingrad, et des centaines de milliers d’autres attaqués par les Russes au Caucase, dans la région du Don ?
« Je me fais beaucoup de souci pour ces violents combats qui se déroulent à l’est, à Stalingrad, écrit Rommel. Espérons que nous en sortirons au mieux. Ici, l’armée a un moral excellent.
« Il est bienheureux que les hommes ne sachent pas tout. »
Mais ces soldats croient-ils encore aux promesses du Führer ?
Hitler vient de proclamer dans son ordre du jour de ce vendredi 1er janvier 1943 : « Soyez sûrs d’une chose, il ne peut y avoir dans cette lutte aucun compromis… Après l’hiver, nous nous remettrons en marche. Le jour viendra où une puissance s’écroulera la première. Nous savons que ce ne sera pas l’Allemagne ! »
Rommel songe à ces propos alors qu’il visite en compagnie de quelques officiers de son état-major les ruines de la ville romaine de Leptis Magna, traces d’un empire brisé, envahi, effacé.
« Un professeur italien nous sert de guide et nous fait les honneurs de la place dans un excellent allemand. Mais à vrai dire, le cours de mes pensées va davantage à Montgomery, à la situation sur le front de l’Est qu’à ces vestiges du passé.
« De plus la tension nerveuse et le manque de sommeil des jours précédents commencent à faire sentir leurs effets et nous bâillons à qui mieux mieux. La palme revient à l’officier d’ordonnance du général Bayerlein, le lieutenant von Hardtdegen, qui tombe endormi entre deux statues de dames romaines… »
Cet épuisement que la volonté ne peut pas toujours contenir, Rommel le ressent.