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« Au point où en est le drame, les Français, à aucun moment, ne détournent leur pensée de la France. »

De Gaulle s’adresse à la foule, aux Français, mais sous l’éloquence du tribun, c’est la confidence d’un homme blessé qu’il livre :

« À la France, conclut-il, à notre dame la France, nous n’avons à dire qu’une seule chose, c’est que rien ne nous importe ni ne nous occupe, excepté de la servir. Notre devoir envers elle est aussi simple et élémentaire que le devoir des fils à l’égard d’une mère opprimée. Nous avons à la délivrer, à battre l’ennemi et à châtier les traîtres qui l’ont jetée dans l’épreuve, à lui conserver ses amis, à arracher le bâillon de sa bouche et les chaînes de ses membres pour qu’elle puisse faire entendre sa voix et reprendre sa marche au destin.

« Nous n’avons rien à lui demander, excepté, peut-être, qu’au jour de la liberté, elle veuille bien nous ouvrir maternellement les bras pour que nous y pleurions de joie et qu’au jour où la mort sera venue nous saisir elle nous ensevelisse doucement dans sa bonne et sainte terre. »

QUATRIÈME PARTIR

Juillet

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septembre 1943

« […] Je pénétrerai au Vatican. Croyez-vous que le Vatican m’intimide ? Nous allons nous en emparer. Tout le corps diplomatique s’y trouve… Cette racaille… Nous sortirons de là cette bande de salauds… Plus tard, nous présenterons des excuses… »

HITLER

le 25 juillet 1943

dans les heures qui ont suivi

la chute de Mussolini

« La chute de Mussolini est le signe éclatant de la défaite certaine de l’Axe. Elle est en même temps la preuve de l’échec de ce système politique, social et moral, qualifié de totalitarisme, qui prétendait acheter la grandeur au prix de la liberté… La chute de Mussolini est pour la France la première revanche de la justice. »

Général DE GAULLE

allocution radiodiffusée d’Alger

27 juillet 1943

21.

Qui a trahi Mars et Rex, le chef de l’Armée Secrète et le président du CNR ?

Cette question taraude de Gaulle et tous ceux qui voyaient dans ces deux hommes l’incarnation la plus pure du courage et du patriotisme.

Qui a trahi ?

Ce René Hardi, du mouvement Combat, qui a caché qu’il avait été arrêté par la Gestapo et qui se trouvait à Caluire, alors que rien ne justifiait sa présence dans la maison du docteur Dugoujon, où sont réunis autour de Moulin les chefs de la Résistance ?

Hardi qui réussira à s’évader, et qu’aucun des hommes de la Gestapo ne réussira à atteindre alors qu’il court à découvert.

Qui a trahi ?

Derrière Hardi, il y a peut-être des agents des services secrets alliés qui veulent affaiblir de Gaulle.

Et que penser des communistes, qui sont des combattants antinazis efficaces mais qui jouent leur jeu ?

Et parfois certains résistants combattent de Gaulle parce qu’on le dit tombé aux mains des communistes.

Et Jean Moulin ? N’était-il pas durant le Front populaire membre du cabinet du ministre Pierre Cot, accusé d’être proche des Soviétiques, voire l’un de leurs agents ?

Or il est si facile pour se débarrasser de rivaux, d’adversaires, de les dénoncer aux Allemands !

Et il suffit peut-être d’un enchaînement de circonstances, du non-respect des règles élémentaires de la clandestinité pour que le cataclysme des arrestations se produise.

Mais en ces derniers jours de juin et ce début de juillet 1943, certains résistants et les groupes qu’ils dirigent échafaudent des plans pour libérer Moulin, attaquer la prison de Montluc, où ils veulent croire qu’il est encore détenu, donc vivant.

En fait, Max a été transféré à Paris, pauvre corps brisé, défiguré par la torture.

Il est sans doute mort le 8 juillet 1943, au cours de son transport en Allemagne. Est-il mort à Metz ou à Francfort ?

Le 9 juillet, son corps est ramené à Paris, et il est incinéré au crématorium du Père-Lachaise.

Son corps n’a pas été enseveli dans la « bonne et sainte » terre de France qu’a évoquée de Gaulle.

Avec la mort de Jean Moulin, une page de la Résistance est tournée mais le combat continue.

Il faut d’abord rassurer les résistants qui lisent dans la presse de la collaboration que « l’armée du crime est décapitée ».

Alors, dans leurs numéros du mois de juillet, les journaux clandestins publient une « mise en garde » du CNR !

« La propagande ennemie a exagéré à dessein l’importance de quelques arrestations opérées à Lyon. Le Conseil National de la Résistance informe le pays qu’aucun organisme d’importance décisive n’a été atteint… »

Le CNR appelle à « redoubler de vigilance contre les agents de l’ennemi qui essaieraient de se glisser dans leurs rangs ».

Ils sont souvent « facilement décelables » par le fait que, tout en affirmant leur haine de l’Allemand, ils s’efforcent d’opposer entre eux les Français d’opinions différentes en se servant notamment de l’épouvantail du « bolchevisme » dont Hitler s’est constamment servi pour affaiblir ses adversaires.

« Enfin, le CNR met en garde les Français contre la campagne de faux documents soi-disant trouvés à Lyon. Cette campagne a pour but de diviser les Français de plus en plus unis… »

Le sont-ils vraiment ?

La disparition de Moulin a affaibli le CNR. Les rivalités entre résistants, entre maquis existent. On se méfie des communistes qui multiplient sabotages et attentats, mais qu’on soupçonne de vouloir contrôler et dominer les résistants.

Mais personne ne peut nier leur audace et leur résolution.

Le groupe Manouchian, de la Main-d’Œuvre Immigrée (MOI), a attaqué durant le mois de juillet 1943 des casernes occupées par la Wehrmacht, des autobus remplis de soldats allemands, fait dérailler plusieurs trains, abattu des officiers, organisé un attentat – qui a échoué – contre le Feldmarschall von Rundstedt.

Les FTPF, émanation du Parti communiste, ont un bilan aussi riche que celui du groupe Manouchian.

Leur chef, Charles Tillon, écrit le 6 août au général de Gaulle d’égal à égal :

« Les FTP se permettent de vous adresser cette lettre pour vous donner leur point de vue sur les tâches, les possibilités et les besoins actuels de la Résistance en France. »

En fait, Tillon se plaint de recevoir une aide insuffisante de la part du Comité Français de Libération Nationale (CFLN).

Il souhaite « entraîner des masses de plus en plus larges de jeunes réfractaires à la guérilla immédiate ».

Tillon réclame des armes :

« Nous vous promettons, mon Général, de bien les employer. »

Tillon ne reçoit pas de réponse. Qui peut affirmer, en cet été 1943, que les communistes ne pensent pas seulement à l’« insurrection nationale » contre l’occupant, mais aussi à la prise du pouvoir une fois la Libération intervenue ?

Mais ces arrière-pensées, ces rivalités, ces suspicions n’apparaissent pas aux habitants de Marseille, de Grenoble, de Saint-Étienne, de Clermont-Ferrand, des villes de la région parisienne, du Havre, qui voient défiler des milliers de manifestants le 14 juillet 1943, chantant La Marseillaise, célébrant, drapeaux tricolores déployés, la fête nationale.

Ces cortèges patriotiques rassemblent 50 000 citoyens à Marseille, 15 000 à Grenoble…

Quant aux FTPF, ils attaquent un détachement allemand avenue de la Grande-Armée, tout près de la place de l’Étoile.