Amalgame difficile entre les FFL de la 1re Division Française Libre et les Africains. Seuls les combats dans les Apennins permettront de le réaliser, sans jamais effacer les divergences.
Mais l’essentiel est que la France soit redevenue une puissance militaire, participant à la guerre, par quatre divisions engagées en Italie.
De Gaulle, le 30 octobre 1943, peut, célébrant le 60e anniversaire de l’Alliance française, déclarer :
« La Résistance, c’est-à-dire l’espérance nationale, s’est accrochée sur la pente à deux pôles qui ne cédèrent point. L’un était un tronçon d’épée, l’autre la pensée française. »
« Et voici à l’horizon les premiers rayons de l’aurore. Voici l’annonce de la fierté retrouvée, de la force renaissante, de la grandeur réapparue. »
SIXIÈME PARTIE
Octobre
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décembre 1943
« […] Notre erreur a été de croire qu’on pourrait relever un pays avant de le libérer.
On ne reconstruit pas une maison pendant qu’elle flambe. »
Appel de François VALENTIN,
fondateur en 1940
de la Légion Française des Combattants
Automne 1943
« Vingt siècles d’Histoire de France sont là pour attester qu’on a toujours raison d’avoir foi en la France. »
Discours de DE GAULLE à Alger
à la séance inaugurale de
l’Assemblée Consultative Provisoire
3 novembre 1943
« L’ennemi connaît tous nos secrets et nous ne connaissons aucun des siens. »
Journal de l’amiral DÖNITZ
12 novembre 1943
« C’est un point de vue de boucher. »
Général de la Wehrmacht à un général SS
Novembre 1943
32.
Ce mois d’octobre 1943, Vichy est noyé sous la grisaille pluvieuse d’un automne froid.
Les rues, parcourues par des patrouilles de gardes mobiles, mousquetons à l’épaule, sont désertes.
Devant l’hôtel du Parc, on a dressé des chicanes, gardées par des miliciens armés de mitraillettes.
Le temps des prises d’armes, des promenades bon enfant du maréchal Pétain, chef de l’État, et de Pierre Laval, chef du gouvernement, n’est même plus un souvenir.
On vit terré. Le ciel, la ville semblent trembler de peur.
On murmure dans le secret des appartements que Joseph Darnand, secrétaire général de la Milice « française », et 14 chefs miliciens se sont engagés dans la Waffen-SS et ont donc prêté serment au Führer.
On exprime par une mimique son dégoût pour cette trahison, et on condamne ce maréchal Pétain, ce Pierre Laval dont on se souvient que l’un et l’autre ont serré la main de Hitler, il y a trois ans à Montoire. Laval a même proclamé qu’il souhaitait la victoire de l’Allemagne.
Et le 30 septembre 1943, dans un discours prononcé à l’Hôtel de Ville de Paris, il s’est vanté d’avoir « osé prononcer cette phrase qui a été comme une goutte d’acide sulfurique sur l’épiderme de certains Français ».
Certains ?
Presque tous les Français, à l’exception de cette poignée de « collabos », de dévoyés, de déclassés, de gredins auxquels la Milice garantit l’impunité et donne un sentiment de puissance.
On peut, en uniforme noir, faire trembler et humilier les « notables ». On peut persécuter, voler, torturer les « professeurs ». On peut traquer les Juifs.
Cependant il y a encore des jeunes gens persuadés qu’ils participent à la construction d’un ordre nouveau, d’une jeune Europe, contre les Juifs, les ploutocrates.
Mais la succession des défaites allemandes, le basculement de l’Empire, de l’Afrique du Nord dans la France Libre, la création du Comité Français de Libération Nationale, la chute de Mussolini et du fascisme, le débarquement allié en Italie, la libération de la Corse ouvrent les yeux à de nombreux pétainistes.
François Valentin, qui a fondé la Légion Française des Combattants, explique qu’il a « pu contribuer à tromper sur leur devoir de bons Français légionnaires ou non. C’est à eux spécialement que je veux adresser cet appel pour libérer ma conscience… ».
« Notre erreur a été de croire qu’on pourrait relever un pays avant de le libérer. On ne reconstruit pas une maison pendant qu’elle flambe. » L’écrivain Drieu la Rochelle, devenu directeur de la Nouvelle Revue française dès les débuts de l’Occupation, explique sa déception sans renier son « national-socialisme ».
« Nous avons mis notre espoir, écrit-il, non pas dans l’Allemagne mais dans le socialisme hitlérien.
« Nous avons espéré en 1940 et en 1941 que le socialisme hitlérien, suscité par l’occasion merveilleuse qui s’offrait à lui, allait se renforcer et s’amplifier dans les deux directions d’une économie sociale européenne et d’une internationale des nationalismes.
« Mais la guerre en Russie a absorbé toutes les pensées, toutes les vertus, toutes les actions du mouvement hitlérien. Nous n’avons rien vu apparaître de ces mesures audacieuses, bouleversantes, transfigurantes, qu’en Français, habitués au coup d’œil universaliste, nous attendions. »
Ce qu’on découvre en 1943, c’est un régime terroriste qui ne se dissimule plus.
Les miliciens et les agents de la Gestapo fondent de nuit sur un village, fracassent les portes, arrêtent les Juifs dont un délateur, anonyme, a indiqué la présence.
Les femmes, les enfants sont entraînés comme les hommes. Et au matin, on retrouvera leurs corps martyrisés jetés au fond d’un puits.
« Terreur contre terreur », disent les miliciens, et certains policiers et magistrats les approuvent et les aident.
Les uns torturent, les autres – procureurs – condamnent à mort. Les guillotines sont dressées dans les cours des prisons, à Paris, à Toulouse, dans de nombreuses autres villes de France.
Les procureurs assistent au supplice. Ce sont des magistrats français et la méthode d’exécution est française.
On condamne ces « terroristes », communistes, étrangers, apatrides, Juifs qui abattent des militaires allemands.
Le maréchal Pétain, qui reçoit les procureurs à Vichy, les encourage, leur recommande la sévérité.
Et de sa voix chevrotante, il dit, lui que l’on présente comme un « sage » au-dessus des sanctions :
« Vous avez les honnêtes gens avec vous, vous devez agir avec autorité. »
Les procureurs « s’exécutent ».
Et dans l’émission de la BBC, « Les Français parlent aux Français », Maurice Schumann, le porte-parole inspiré de la France Libre, avertit les procureurs généraux de Douai, de Lyon, de Montpellier qui ont envoyé des patriotes à la mort :
« Désormais, quoi que vous puissiez faire, il est trop tard pour vous racheter. »
À Toulouse, l’avocat général Lespinasse, qui a requis et obtenu la condamnation à mort du commandant des Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF), Marcel Larger, accusé d’avoir transporté des explosifs, est abattu en pleine rue de quatre balles de pistolet alors qu’il se rend à la messe, le dimanche 10 octobre 1943.