Le maquis de Bourgogne fait « sauter » plus de 200 permissionnaires dans un train de la Wehrmacht. À Dieppe, 17 locomotives sont endommagées. Plus de 220 coups de main ont lieu durant le seul mois de décembre contre le système ferroviaire dont 109 sur le réseau sud-est ! Les grandes lignes sont interrompues souvent pour plusieurs jours.
Les pertes allemandes sont élevées ; plusieurs dizaines de soldats tués à chaque déraillement d’un train de permissionnaires.
Aux réseaux de résistance, aux maquis s’ajoutent les réseaux anglais du Special Operation Executive (SOE) qui organisent, dirigent, arment des milliers de Français qui échappent ainsi au contrôle et aux directives de la France Combattante, suscitant parfois la suspicion du Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA) gaulliste.
En fait dirigés par des Britanniques, les groupes du SOE mènent une action efficace, créent des stocks d’armes en vue de leur intervention le jour du Débarquement.
Les représailles allemandes, les attaques menées par les forces de l’ordre de Vichy répondent à ce développement rapide des effectifs et des actions de résistance.
Les troupes allemandes, assistées de miliciens, de Groupes Mobiles de Réserve (GMR), commencent à encercler les maquis des Glières, du Vercors, de l’Ain.
On rafle, on torture, on déporte, on exécute.
Ce qui se passe en Haute-Savoie, en ce mois de décembre 1943, annonce les massacres à venir, révèle aussi la confiance – et l’inconscience – des jeunes « réfractaires » qui imaginent que l’ennemi a accepté sa « défaite annoncée ».
Le soir de Noël, une colonne allemande guidée par une « indicatrice » qui a promis de leur livrer les maquisards de la vallée de Boëge, en Haute-Savoie, cerne la salle des fêtes du village d’Habère-Lullin.
De jeunes maquisards y dansent, célébrant Noël, insouciants.
On les a prévenus de l’avance d’une colonne allemande de SS. Ils n’ont pas tenu compte de l’avertissement.
Les SS hurlent, et l’indicatrice désigne 22 garçons, les « maquisards » : alignés face au mur, ils sont abattus à la mitraillette.
Et alors que montent encore des cris et des gémissements de l’amoncellement des corps, les Allemands mettent le feu à la salle des fêtes.
Ils attendent que celle-ci soit consumée pour regagner Annemasse en emmenant les autres jeunes gens. Emprisonnés, leur identité ne sera révélée à leurs familles qu’après plusieurs jours.
La dénonciatrice, connue seulement sous le sobriquet de « la Marseillaise », a été arrêtée par les Allemands, pour donner le change, en même temps que les jeunes gens. Libérée quelques jours plus tard, elle est abattue par un Groupe Franc de la Résistance.
Tout au long du mois de décembre 1943, des patriotes sont ainsi trahis, livrés, massacrés.
Mais l’élan n’est pas brisé. La nécessité et l’impatience poussent vers le maquis les « réfractaires » au Service du Travail Obligatoire.
« Souvent, le dimanche, dans cette France occupée, on rencontre sur une route isolée du Vercors un autocar arrêté. On entend des coups de feu : ce sont des volontaires des “compagnies civiles” qui viennent de Grenoble, de Romans, de Die, faire leur instruction militaire sous la direction des cadres du maquis.
« Des équipes volantes composées de professeurs, de médecins, d’architectes, d’officiers de réserve, viennent dans les maquis faire des conférences, tenir les maquisards au courant de la situation politique et de la guerre, maintenir leur moral, briser leur isolement. »
Débarquement, insurrection nationale, Libération : les mots enivrent les jeunes patriotes.
De Gaulle, le 24 décembre 1943, dans un discours radiodiffusé à Alger, exalte leur engagement, unissant ensemble les résistants et les soldats engagés aux côtés des Alliés, en Italie.
« Tous, ils sont notre peuple, le fier, le brave, le grand peuple français dont nous sommes.
« Qu’importe, dans le drame présent, nos divergences et nos partis. Estimons-nous ! Aidons-nous ! Aimons-nous ! »
Mais de Gaulle veut les avertir.
« Devant l’étoile de la Victoire qui brille maintenant à l’horizon, Français, Françaises ! Unissons-nous pour les efforts suprêmes ! Unissons-nous pour les suprêmes douleurs ! »
FIN
[1] Voir Staline, la cour du Tsar rouge, par Simon Sebag Montefiore, Paris, Éditions des Syrtes, 2005.
[2] Alias Caracalla, Paris, Gallimard, coll. « Témoins », 2009.
[3] Cité par Saul Friedländer, Les Années d’extermination. L’Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Paris, Le Seuil, 2008. Un livre essentiel.
[4] In Saul Friedländer, op. cit.
[5] Poème de Milosz, in Saul Friedländer, op. cit.