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En ce mois de mai, autour des plus importants maquis - mont Mouchet, Vercors, - les Allemands concentrent des troupes. Ils ne peuvent accepter ces « forteresses » sur leurs arrières.

La sagesse devrait inciter à la dispersion des maquisards, au choix de la guérilla. Mais l'enthousiasme, l'impatience, le désir de s'emparer du glaive brisé en mai 1940 et de restaurer l'honneur des armes conduisent à l'affrontement.

On pressent, on constate que les Allemands sont décidés à frapper et que le temps de la mesure, des précautions est achevé. Ils ne sont plus, ne veulent plus être des occupants « korrects ».

Ils arrêtent les évêques de Clermont-Ferrand, d'Agen, de Montauban.

Ce dernier, Mgr Théas, proteste depuis 1942 contre les mesures antisémites des nazis. Il a été avec Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, l'auteur de nombreuses lettres pastorales dénonçant les violences nazies. Mgr Saliège, grand infirme, ne pouvant être transporté, c'est son plus proche collaborateur, Mgr de Solage, qui est arrêté en même temps que l'évêque d'Albi.

Ces jours de mai 1944 sont jours de vérité.

16.

L'heure de vérité.

Ils sont 176 000 soldats en ces premiers jours du mois de juin 1944 à l'attendre.

Trois divisions aéroportées - deux américaines, les 82e et 101e Airborne, une britannique, la 6e Airborne - sauteront dans la nuit qui précédera le Débarquement.

Mais quelle nuit ?

Celle du dimanche 4 au lundi 5 juin ?

Les hommes déjà embarqués sur les barges - certains vomissent leurs entrailles car la houle est forte - l'ont cru.

Puis sont arrivées les prévisions météorologiques et Eisenhower a décidé de retarder d'un jour l'heure H, nuit du lundi 5 au mardi 6 juin.

Les météorologistes ont, avec prudence, annoncé qu'il y aurait une accalmie au sein d'une dépression profonde, avec avis de tempête.

Eisenhower a misé sur ces heures-là.

Et les soldats des six divisions alliées - trois américaines, deux anglaises et une canadienne - savent que le compte à rebours a commencé : que l'heure de vérité sonnera pour beaucoup d'entre eux comme un glas, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 pour les troupes aéroportées, et dans la journée du mardi 6 juin pour les fantassins.

Les généraux américains des troupes aéroportées vont sauter avec leurs hommes.

« Avant qu'une nouvelle aube se lève, dit l'un d'eux, je veux plonger ce couteau - il retire un long couteau de sa botte - dans le cœur du nazi le plus vicelard, le plus salopard et le plus dégueulasse de toute l'Europe. »

Un autre conseille de se battre la nuit au couteau, car ce n'est qu'au corps à corps que l'on reconnaît, dans l'obscurité, l'ennemi.

« Il nous prévient aussi que si nous faisons des prisonniers, ceux-ci nous entraveraient dans notre action. Nous devrions donc nous en débarrasser de la façon que nous jugerions la meilleure. »

« N'oubliez pas que vous y allez pour tuer ou que c'est vous qui serez tués », rappelle un autre général.

Un officier ajoute :

« Regardez le type qui est sur votre droite et regardez celui qui est sur votre gauche. Sur vous trois, il n'en restera qu'un après la première semaine en Normandie. »

Il n'est prévu l'intervention de la 2e Division française Blindée (2e DB) de Leclerc qu'après le 1er août.

Les escadrilles des Forces Aériennes Françaises Libres et 12 navires français (sur 7 000 de l'armada alliée) participeront au Débarquement, ce Jour J, ce D-Day.

Trente-deux parachutistes français appartenant au 4e SAS - Special Air Service - seront largués en Bretagne, premiers parachutistes à toucher la terre de France. Et ils soulèveront la Bretagne !

Le 6 juin, 177 hommes du 1er bataillon de fusiliers marins, commandos du commandant Philippe Kieffer, doivent s'emparer le matin du mardi 6 juin du bunker de Ouistreham.

La participation des Français Libres au D-Day est donc symbolique.

Roosevelt et Churchill ne veulent pas ajouter à la gloire et à la représentativité du général de Gaulle, qu'ils estiment trop sourcilleux, trop soucieux de l'indépendance française.

Ainsi, pour les relations entre de Gaulle et les Alliés, ces six premiers jours du mois de juin sont aussi des jours de vérité.

Car peu importe pour les Alliés que, le 3 juin, le Comité Français de Libération Nationale se proclame Gouvernement Provisoire de la République française.

Roosevelt et Churchill craignent que de Gaulle refuse d'admettre que la France Libérée soit soumise à l'Administration Militaire Alliée des Territoires Occupés (AMGOT).

Alors, le général de Gaulle a été tenu écarté pendant neuf mois des préparatifs d'Overlord !

Mais parce que la Résistance - dont on a besoin - l'appuie, on reprend contact avec lui, à Alger.

De Gaulle est soupçonneux, sévère.

Londres, il y a quelques semaines, a coupé toutes les communications avec Alger, isolant la France Libre.

Les États-Unis sont tout aussi hostiles à de Gaulle.

« Le gouvernement américain a délibérément cherché à me rabaisser, dit de Gaulle à Edwin Wilson, l'ambassadeur des États-Unis à Alger. »

Wilson conteste.

« Il voulait me mettre à une place subordonnée pour hisser sur le pavois d'autres Français avec qui il préférait traiter. »

Darlan, Giraud, et avant eux Pétain. Quant aux Anglais... Il a une moue de dédain.

« L'Angleterre est gouvernée par des hommes tortueux, confie-t-il à un chef de la Résistance qui arrive à Alger. Pas très intelligents, ils méprisent et craignent l'intelligence. Les Anglais ne peuvent pas vouloir que la France devienne un grand pays... Et puis, le gaullisme représente quelque chose qu'ils ne connaissent pas : il était si facile de gouverner la France de la IIIe République en achetant les généraux et les hommes politiques. »

Du perron de la villa des Glycines, de Gaulle regarde Alger encore blanche sous le soleil rasant.

Dans quelques jours ou quelques mois, il quittera cette ville.

Le Débarquement en France est proche. La 2e Division Blindée que commande le général Leclerc vient de quitter le camp de Temara, près de Rabat, pour la Grande-Bretagne où elle sera équipée.

Il est d'autres signes, plus révélateurs encore : le nombre de messages émis à destination de la France par Londres a augmenté considérablement. Le commandant allié s'adresse à la Résistance, par-dessus la tête du Gouvernement Provisoire. Soit.

« Nous ne demandons rien, martèle de Gaulle. Il y a nous ou bien le chaos. Si les Alliés de l'Ouest provoquent le chaos en France, ils en auront la responsabilité et seront les perdants. »

Il faut utiliser cette situation. De Gaulle répète ce qu'il vient d'écrire à Sa Sainteté Pie XII :

« Des circonstances, peut-être providentielles, ont groupé derrière nous en une seule volonté de vaincre et de refaire la France... tous ceux qui défendent contre l'envahisseur l'unité et la souveraineté nationales. »

Voilà notre force. Les Alliés paraissent disposer de toutes les cartes ? De Gaulle secoue la tête. Il pense à juin 1940, à sa solitude. Maintenant, il existe une armée française qui se bat en Italie, des divisions qui un jour débarqueront, une marine, un Gouvernement Provisoire administrant un Empire.

Et surtout, l'adhésion de ces dizaines de milliers d'hommes qui se battent en France.

« Si nous tenons, dit-il, les Anglo-Américains finiront par s'incliner. Du reste, il en a toujours été ainsi : ils nous ont toujours tout refusé et ont toujours accepté le fait accompli. »