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Ce n'est qu'à la fin juillet que l'attaque est lancée et que les troupes américaines du général Bradley percent à Avranches ; puis Caen, Coutances, Saint-Lô, Granville tombent aux mains des Alliés.

Entre-temps s'est déployée l'offensive soviétique en Biélorussie, et il ne peut être question pour le Führer d'envoyer des renforts sur le front de l'Ouest.

Rommel le sait.

Dans l'après-midi du 17 juillet 1944, il regagne son Quartier Général après avoir inspecté le front de Normandie. Son chauffeur roule vite, car les chasseurs alliés volant à basse altitude attaquent tous les véhicules.

Les voici, mitraillant la route, en rase-mottes. Le chauffeur de Rommel perd le contrôle de son véhicule qui verse dans le fossé. Rommel est grièvement blessé, atteint de plusieurs fractures du crâne.

On estime qu'il mourra dans la journée.

Ce même jour 17 juillet 1944, 57 000 prisonniers allemands, ayant à leur tête des centaines d'officiers dont de nombreux généraux, sont contraints de défiler dans les rues de Moscou.

Ils sont souvent en guenilles. Certains vomissent, d'autres ne peuvent tout en marchant s'empêcher de faire leurs besoins.

Les Russes par centaines de milliers regardent passer les vaincus qui prétendaient réduire en esclavage ces Slaves, ces Untermenschen - sous-hommes.

Seuls les gosses lancent des huées, des pierres et des déchets sur les Allemands, mais les adultes interviennent aussitôt.

Les hommes se taisent.

Les femmes, surtout les plus âgées, ont parfois les larmes aux yeux. L'une d'elles murmure :

« C'est comme nos pauvres garçons, eux aussi on les a envoyés se battre. »

Le bilan des pertes soviétiques, après trois ans de guerre, s'élève à 5 300 000 tués, blessés et disparus.

La guerre et la mort peuvent ricaner.

23.

La mort, en ces jours de la mi-juillet 1944, hésite à choisir ses proies.

Frappera-t-elle le Führer ?

Ou bien emportera-t-elle ces officiers de la Wehrmacht, généraux, maréchaux qui, depuis des mois, pensent à tuer le Führer et, s'ils le peuvent, Goebbels, Himmler, Goering ?

À la mi-juillet 1944, face à la défaite du Reich qui s'annonce, les conjurés hésitent. Le peuple allemand, s'ils agissent, ne risque-t-il pas de les accuser d'avoir provoqué la défaite du Reich ?

Le général Henning von Tresckow, chef d'état-major de la IIe armée, qui sur le front de l'Est subit l'offensive russe et se désagrège, déclare au colonel von Stauffenberg, le plus déterminé des conjurés :

« Il faut tenter à tout prix l'assassinat du Führer. Même s'il échoue, il faut essayer de s'emparer du pouvoir à Berlin. Nous devons montrer au monde et aux générations futures que les hommes de la Résistance allemande ont osé franchir le pas décisif et risquer leur vie. À côté de cet objectif, rien d'autre ne compte. »

Il faut tuer Hitler et, profitant du désarroi, arrêter les SS et les membres du SD, le Service de Renseignements et de Police SS.

Ce sera l'opération Walkyrie, qui sera conduite par les officiers de la Wehrmacht, à Berlin, et dans toute l'Europe occupée.

Mais le Feldmarschall Rommel, décidé à agir, est grièvement blessé. La mort ne le saisit pas, mais il est affaibli, retiré chez lui à Herrlingen, près de la ville d'Ulm.

« Le coup qui frappe Rommel sur la route normande de Livarot, le 17 juillet, note Ernst Jünger - l'écrivain qui s'est joint au complot à Paris, - prive notre projet du seul homme assez fort pour faire face simultanément à la guerre et à la guerre civile. »

Les conjurés découvrent aussi que la Gestapo est sur leurs traces. Les civils qui, dans la conjuration des officiers, représentent les milieux « socialistes » ont voulu prendre contact avec les résistants communistes. Ils sont désormais livrés par un mouchard de la Gestapo qui a infiltré les milieux communistes. Ces derniers sont en fait un réseau d'espionnage soviétique. Cette « Rote Kapelle » a déjà été démantelée en 1942.

Le Führer a ordonné qu'on pende les « traîtres ».

Il n'y a pas de gibet à Berlin où le mode d'exécution traditionnel est la décapitation à la hache.

Le Führer s'obstine pour montrer qu'une mort cruelle attend ceux qui osent le défier. On les pend à l'aide d'une corde attachée à un crochet de boucherie provenant d'un abattoir.

Il faut donc agir vite car la Gestapo s'approche du nœud central de la conjuration.

Le colonel von Stauffenberg, chef d'état-major du général Fromm, commandant en chef de l'Armée de l'Intérieur, est le seul membre du complot à pouvoir franchir les barrages qui interdisent l'accès aux quartiers généraux du Führer.

Il est donc l'homme clé de la conspiration. Il dispose de « bombes anglaises », fabriquées par l'Abwehr.

Le 11 juillet, il est au Grand Quartier Général de l'Obersalzberg. Il hésite à agir car il voudrait abattre en même temps Goering et Himmler.

Le 15 juillet, convoqué au second Grand Quartier Général du Führer, la Wolfsschanze - la Tanière du Loup - à Rastenburg, il ne peut agir, Hitler ayant quitté la salle de conférences.

Situation d'autant plus périlleuse qu'à Berlin, le général Olbricht, l'un des conjurés - avec le général Beck, - a déclenché l'opération Walkyrie, et des troupes sûres avancent vers le centre de Berlin afin d'occuper le quartier de la Wilhelmstrasse.

Il faut arrêter leur mouvement et les faire rentrer dans leurs casernements.

Mais le 19 juillet, le colonel comte Klaus von Stauffenberg est convoqué pour le lendemain à Rastenburg, à 13 heures.

Il en avise le général Beck, et le vieux maréchal von Witzleben.

Stauffenberg rentre chez lui à Wannsee. En chemin, il s'arrête dans une église pour prier.

Peut-être s'est-il déjà confié à l'évêque de Berlin, le cardinal comte de Preysing, qui se serait montré « compréhensif », mais l'aurait dissuadé d'agir.

À Rastenburg, le 20 juillet 1944, Stauffenberg, qui a franchi les trois barrages gardés par des SS, entre dans la salle de conférences, située dans la lagebaracke, un bâtiment bétonné.

Il pose sa serviette contenant la bombe contre le pied de la table, après avoir amorcé le détonateur, puis il quitte la salle.

À 12 h 42, la bombe explose.

Le bâtiment est ravagé comme s'il était frappé de plein fouet par un obus. Des corps jaillissent des fenêtres, des débris volent.

Stauffenberg ne doute pas que tous ceux qui se trouvent dans la salle sont morts ou mourants.

Le général Fellgiebel, chargé au Grand Quartier Général des communications, doit avertir les conjurés de Berlin d'agir en mettant en œuvre l'opération Walkyrie.

Quant à Stauffenberg, après avoir réussi à franchir les trois barrages, il décolle pour Berlin à 13 heures.

Mais la mort n'a pas voulu du Führer.

Un officier avait déplacé la serviette de Stauffenberg, l'éloignant de Hitler.

Le Führer est commotionné.

Il chancelle, mais ses blessures ne sont pas graves. Il souffre d'une lésion aux tympans, son bras droit meurtri est paralysé. Une poutre a lacéré son dos. Ses cheveux sont roussis, ses jambes brûlées. La plupart de ceux qui se tenaient près de lui sont morts ou grièvement blessés.

Himmler, alerté, arrive à Rastenburg avec une équipe d'enquêteurs, et après des heures de recherche d'indices s'étonne du comportement de ce colonel von Stauffenberg, qui, entré dans la salle de conférences, puis, l'ayant quittée quelques minutes avant l'explosion, s'est envolé pour Berlin.