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On leur demande de remettre leurs armes, leurs porte-documents, et ils sont invités à monter dans un car.

Après une demi-heure de route dans la nuit et la neige, on les dépose à l'entrée du bunker souterrain qui abrite, près de Francfort, à Ziegenberg, le Grand Quartier Général du Führer.

Ils sont introduits dans la salle de conférences.

L'un d'eux, le général Hasso von Manteuffel, qui vient d'être promu par Hitler général d'armée - promotion exceptionnelle pour un officier de seulement 47 ans, - est frappé par l'aspect du Führer.

Assis dans son fauteuil, Hitler, les yeux mi-clos, est pâle, tassé, voûté, le visage bouffi.

Il se lève difficilement, les mains agitées par un tremblement nerveux et le bras gauche secoué par un tic violent qu'il s'efforce de dissimuler. Il marche en traînant la jambe.

Mais cet homme qui semble tenaillé par la maladie se met à parler avec une telle énergie qu'on est emporté par sa volonté.

Il trace un tableau de la situation militaire.

Les Américains ont pris, le 24 octobre, Aix-la-Chapelle, la résidence de Charlemagne - Hitler serre les poings. Mais ils n'ont pas réussi à percer vers le Rhin. Ils n'imaginent pas que « nous allons contre-attaquer ».

Car Hitler refuse la défensive.

Il lance des chiffres.

« J'ai reconstitué 28 divisions, dont 9 de panzers. Nous allons attaquer les Ardennes, et au sud 6 divisions attaqueront en Alsace. »

Le but de l'offensive est de s'emparer d'Anvers, de couper l'armée britannique de ses bases de ravitaillement, de la forcer à évacuer le continent.

Ce sera un second Dunkerque. Et le Führer se retournera alors vers les Russes.

Hitler regarde ses généraux qui semblent accablés.

Il rugit quand Guderian lui parle d'une énorme offensive que les Russes vont déclencher alors qu'on a dégarni, pour cette contre-attaque à l'Ouest, le front de l'Est.

« C'est le plus énorme bluff depuis Gengis Khan, hurle Hitler. Qui est responsable de cet amas de sottises ? »

Les généraux Manteuffel, Model et le Feldmarschall von Rundstedt voudraient parler, mais d'un geste menaçant le Führer le leur interdit.

« Vous n'avez pas à me critiquer, dit-il. Voilà cinq ans que je commande l'armée allemande en campagne, et durant cette période j'ai acquis plus d'expérience qu'aucun de ces messieurs de l'état-major général ne peut espérer en acquérir jamais. J'ai étudié Clausewitz et Moltke et tous les écrits de Schlieffen. Je suis mieux au courant que vous ! »

Les généraux sont figés, accablés.

Le plan de l'offensive des Ardennes est un ordre du jour du Führer qui doit être appliqué à compter de la nuit du 15 au 16 décembre.

« Je fus stupéfait, raconte von Rundstedt. Hitler ne m'avait pas consulté au sujet des chances de réussite. À mes yeux, il était évident que les forces disponibles étaient largement insuffisantes pour un plan extrêmement ambitieux. Model fut de mon avis. En fait, aucun militaire ne pouvait croire que l'objectif d'atteindre Anvers était réalisable. Mais je savais maintenant qu'il était inutile de protester auprès de Hitler de l'impossibilité de quoi que ce soit. Après avoir consulté Model et Manteuffel, je compris que le seul espoir était de détourner Hitler de ce projet fantastique en proposant un autre plan susceptible de lui plaire et qui soit plus réalisable. C'était le plan d'une offensive limitée ayant pour but de réduire le saillant allié autour d'Aix-la-Chapelle en le prenant en tenaille. »

Hitler rejette ce plan « modeste », « réduit ». Il donne des ordres pour que le plan initial, « son plan d'attaque des Ardennes », soit immédiatement mis en route, dans le secret le plus complet.

« Toutes les divisions de ma Ve armée de panzers furent rassemblées, explique von Manteuffel, mais de manière très espacée, entre Trier et Krefeld, afin que les espions et la population ne puissent pas soupçonner nos intentions. On raconta aux soldats qu'ils étaient mis sur le pied de guerre pour faire face à la prochaine attaque des Alliés contre Cologne. Seul un nombre très restreint d'officiers d'état-major furent informés du véritable plan. »

Pour sa part, von Rundstedt constate amèrement :

« Il n'y a pas de renforts appropriés ni de ravitaillement en munitions et, bien que le nombre de divisions blindées fût élevé, celles-ci disposaient de peu de chars - c'est en grande partie des forces de papier. »

Von Manteuffel, découvrant que le plan de Hitler prévoit une opération d'artillerie commençant à 7 h 30, trois heures trente avant l'assaut de l'infanterie fixé à 11 heures, s'exclame :

« Tout ce que notre artillerie réussira à faire sera de réveiller les Américains, et ils auront trois heures et demie pour organiser leur défense. »

« Je proposai à Hitler un certain nombre de modifications. La première était de déclencher l'assaut à 5 h 30, à l'abri de l'obscurité, mais lui permettant de se concentrer sur un certain nombre d'objectifs clés, tels que les batteries, dépôts de munitions et quartiers généraux qui avaient été localisés avec précision.

« Je proposai ensuite de fournir dans chaque division d'infanterie un "bataillon d'assaut" composé des officiers et des hommes les plus expérimentés. (Je sélectionnai les officiers moi-même.) Ces bataillons d'assaut devaient avancer dans l'obscurité, à 5 h 30, sans aucun tir d'appui d'artillerie, et pénétrer entre les postes avancés américains. Ils éviteraient, si possible, d'engager le combat avant de s'être enfoncés profondément.

« Des projecteurs, fournis par les unités de Flak - défense antiaérienne, - éclaireraient le chemin des troupes d'assaut en projetant leurs faisceaux lumineux sur les nuages afin qu'ils se reflètent sur le sol. J'avais été très impressionné par une démonstration de ce genre à laquelle j'avais assisté peu de temps auparavant et j'étais persuadé que ce procédé permettrait une pénétration rapide avant le lever du jour.

« Après avoir exposé mes propositions à Hitler, je lui représentai qu'il était impossible de réaliser l'offensive autrement, si nous désirions avoir des chances raisonnables de réussite.

« J'insistai : "À 16 heures, il fera nuit. Vous ne disposerez donc que de cinq heures, si vous lancez l'assaut à 11 heures, pour réaliser la percée. Il est très douteux que vous puissiez y parvenir en si peu de temps. Si vous acceptez d'adopter mon idée, vous gagnerez cinq heures et demie de plus. Puis, lorsque la nuit tombera, je pourrai lancer les chars. Ils progresseront pendant la nuit, traversant les rangs de notre infanterie et, à l'aube du lendemain, ils seront en mesure de lancer leur propre attaque contre la position principale sur une voie d'approche dégagée." »

Hitler écoute, semble accepter les propositions de von Manteuffel et dévoile l'opération Griffon qu'il a conçue et dont il a confié la réalisation au SS Otto Skorzeny, l'homme qui a réussi à arracher Mussolini à ses gardiens.

Dans une première phase, explique Hitler, une compagnie de commandos parlant parfaitement l'anglais et revêtus par-dessus leur uniforme allemand de battle-dress américain, se déplaçant à bord de quarante jeeps, s'infiltreront à travers les lignes ennemies.

Leur but : couper les câbles téléphoniques, changer les panneaux indicateurs, miner des ponts, fermer des routes.

Dans une deuxième phase, une brigade de panzers camouflés en unités américaines devait aller s'emparer des ponts sur la Meuse.