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Sur le sort de la Pologne, il ne cède rien.

Il obtient, en échange de la promesse d'entrée en guerre contre le Japon, l'île de Sakhaline - perdue par la Russie en 1904 - et les îles Kouriles.

Après cela, il peut se lever et porter un toast chaleureux et admiratif à Churchill :

« Un homme comme vous ne naît que tous les cent ans, dit-il. Voici un homme qui a brandi bien haut et avec courage la bannière de l'Angleterre ! Je parle du fond du cœur et vous dis ce que je ressens au plus profond de moi-même ! »

Évoquant les élections prochaines en Angleterre, il se dit assuré que Churchill les remporterait.

« Le vainqueur de la guerre n'est-il pas le mieux placé pour diriger son pays ? »

À Churchill qui lui rappelle qu'il y a deux partis politiques en Grande-Bretagne, Staline secoue la tête :

« Un seul parti, c'est beaucoup mieux », murmure-t-il.

Churchill, dans les semaines qui suivent la conférence de Yalta, constate que c'est ce système - parti unique de fait, violences contre ceux qui tentent de résister aux communistes - qui se met en place en Europe de l'Est, mais que peut-il ?

Il essaie d'obtenir un changement de plan d'Eisenhower, à propos de Berlin, mais le commandant en chef s'obstine à vouloir laisser les Russes conquérir la capitale du Reich.

Quant à Roosevelt, il répond à Churchill le 11 avril :

« Je suis enclin à minimiser autant que possible l'ensemble des problèmes soviétiques, parce que ces problèmes ont tendance à se poser chaque jour sous une forme ou sous une autre et la plupart finissent par s'arranger tout seuls. »

Churchill n'a ni le temps de répondre ni celui de se désoler de l'aveuglement de Roosevelt.

Le lendemain, 12 avril 1945, Roosevelt meurt d'une congestion cérébrale dans sa résidence de Warm Springs, en Géorgie.

Churchill fond en larmes.

« Je viens de perdre un grand ami, confie-t-il à son garde du corps. Personne ne se rend compte de ce qu'il a fait pour notre pays et pour le monde. Il nous a apporté une aide inestimable au moment où nous en avions le plus besoin... »

Ce 12 avril 1945, les armées américaines atteignent l'Elbe. Berlin est à moins de 100 kilomètres à l'est.

Mais l'ordre d'Eisenhower, approuvé par Roosevelt, s'applique.

C'est l'armée Rouge qui doit livrer bataille et prendre Berlin.

49.

« Les Allemands sont archi-foutus ! » s'exclame Louis-Ferdinand Céline, à la mi-mars 1945.

L'écrivain fait partie des Français « kollabos » exilés à Sigmaringen.

« Alors eux, bouchés, aveugles... continue Céline. Y pigent pas que les Américains et les Anglais vont les cueillir comme des fleurs et les mettre au poteau... Valsez, fantoches, à la ballade des fusillés. »

Céline méprise ceux qu'il appelle des « révolutionnaires fonctionnaires ». En décembre 1944, et durant ces premières semaines de 1945, ils ont cru à nouveau à la victoire allemande. À les entendre, les Allemands, avec cette contre-offensive des Ardennes, allaient renouveler le « coup » de mai 1940 !

Ils se félicitaient d'avoir choisi le bon camp. Ils répétaient les propos des officiers SS.

« Les Français qui auront eu confiance en nous toucheront leur récompense ! »

Ils se voient ministres. Ils se partagent les « fromages ». Ils « s'épurent » entre eux avant de participer en France à l'« épuration nécessaire ».

Mgr Mayol de Lupé, aumônier de la brigade Charlemagne qui combat les Russes aux côtés des SS, estime qu'il faudra fusiller 70 % de ses « légionnaires » si l'on veut que le retour en France se fasse dans l'ordre.

Et tous menacent de représailles, du peloton d'exécution les Français qui ont pactisé avec les Alliés.

Quant à ces derniers, le Führer prophétise :

« Pas un Américain ne retournera chez lui, la France jouera son rôle d'immense souricière où seront prises les armées de Roosevelt et de Churchill ! »

Le Führer l'a répété à Jacques Doriot, le chef du Comité de Libération qui prétend être à la tête des contre-maquis qui opèrent en France !

Mais l'offensive allemande des Ardennes échoue.

Les Américains attaquent le Rhin. La débandade des Allemands est telle qu'ils en oublient de faire sauter le pont de Remagen, qui permet aux tanks américains de passer tranquillement le Rhin !

Cependant, les Français de Sigmaringen rêvent des « armes secrètes » et continuent de se quereller à propos des ministères à venir dans une France réoccupée !

Marcel Déat jalouse Jacques Doriot.

Et les rivalités dérisoires opposent Darnand à Déat, Abel Bonnard à Lucien Rebatet !

La France collaboratrice se déchire sur quelques mètres carrés, dont se tiennent éloignés le maréchal Pétain et Pierre Laval qui répètent aux Allemands qu'ils ne participent plus à la vie politique, puisqu'ils se considèrent comme « prisonniers », conduits hors de France contre leur volonté !

Ainsi, les « fantoches » de Sigmaringen vivent entre eux !

Et brutalement le voile se déchire.

La voiture du « chef » Doriot, fondateur du Parti Populaire Français (PPF), est prise pour cible par un avion allié. Doriot n'est plus qu'un cadavre déchiqueté par 32 balles. Sa secrétaire indemne hurle, trempe dans le sang du chef son brassard PPF et suit la route, en répétant : « Le chef, le chef ! »

C'est le 22 février 1945.

Les obsèques de Doriot sont la dernière cérémonie de la collaboration. On y parle de « sacrifice suprême » ! On jette sur le cercueil une poignée de terre « française » qu'un milicien avait emportée avec lui.

Symboliquement, on ensevelit la collaboration en terre allemande.

« Mais j'suis pas fou, je fous le camp ! s'écrie Louis-Ferdinand Céline. Qu'ils crèvent s'ils veulent... Moi je quitte le bled... Adieu Sigmaringen... J'en ai assez pour mon compte, terminé le ballet des crabes... J'fous le camp en Norvège... Là-bas, je ne verrai plus leurs faces de Pierrot et de Jean-Foutre... Adieu les gens de la Kollabo... Je m'en vais au pays des lacs... »

Céline sait que son talent, sa notoriété d'écrivain ne le sauveront pas.

De Gaulle, en dépit des appels de nombreux écrivains - dont François Mauriac, le symbole même de l'engagement dans la résistance intellectuelle aux nazis, - n'a pas gracié Robert Brasillach, condamné à mort le 19 janvier 1945, exécuté le 6 février.

« Ce qu'il y a de meilleur en France, dit Mauriac, ne se console pas de la destruction d'une tête pensante, aussi mal qu'elle ait pensé. N'existe-t-il donc aucune autre peine que la mort ? Les seules exécutions que l'Histoire ne pardonne pas à la Terreur, ce sont celles des philosophes et des poètes. »

Mais Brasillach, dans Je suis partout, a exigé qu'on envoie au poteau les « traîtres » : Blum, Mandel, Reynaud. Il a justifié les rafles et les persécutions des Juifs, fussent-ils des enfants !

Et Céline a fait le même « voyage au bout de la nuit », a évoqué ces « bagatelles pour un massacre » !

On dit que de Gaulle se souvenant de Jean Moulin et Pierre Brossolette, des écrivains, des professeurs morts sous la torture, aurait lancé : « Eh quoi, Brasillach a été fusillé comme un soldat. »

De ce privilège, Céline se moque. Il veut rester en vie. Et puisque « l'affaire est dans le sac », les « Allemands archi-foutus », il « fout le camp ».

Sauver sa peau est d'ailleurs la préoccupation de bien des dirigeants nazis.