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« Mon Führer ! Je vous félicite ! Roosevelt est mort ! Il est écrit dans les étoiles que la seconde moitié du mois d'avril verra le tournant de notre destin. Nous sommes le vendredi 13 avril ! L'heure a sonné. »

On sable le champagne.

Le 15 avril, Eva Braun, la maîtresse de Hitler depuis douze ans, arrive à Berlin venant du Berghof où elle réside habituellement, célébrant le culte d'Adolf Hitler.

Mais la mort de Roosevelt, c'est un signe donné par l'« Ange de l'Histoire ».

« Nous sentîmes autour de nous le frémissement de ses ailes. N'était-ce pas le moment tant attendu où devait tourner la roue du sort ? » écrit le nazi Schwerin von Krosigk.

Eva Braun en ces heures cruciales veut vivre aux côtés du Führer.

Mais elle sait qu'il s'agit non pas de vivre, mais de mourir.

Les Russes, heure après heure, nuit et jour attaquent, approchant de la Chancellerie dont ils ne sont plus qu'à quelques centaines de mètres.

Et Hitler évoque souvent la défaite, sa mort, et celle de l'Allemagne. Il ne doit laisser que des ruines et des cadavres.

« Si la guerre est perdue, la nation doit périr, dit-il. Le Destin le veut ainsi. Inutile d'envisager pour elle des moyens de vie, même primitifs. Il est préférable de procéder aux destructions nous-mêmes parce que notre nation aura prouvé sa faiblesse, l'impuissance du peuple allemand à donner sa mesure devant l'Histoire. Il ne mérite que l'anéantissement. De plus, les individus qui resteront une fois la guerre finie seront des êtres inférieurs car l'élite se sera fait tuer. »

Albert Speer, ministre de l'Armement et de la Production de guerre, s'opposera à cette politique de la « terre brûlée », comme aux déplacements de population voulus par Martin Bormann.

« C'eût été une incroyable marche de la faim », souligne Speer.

Ainsi, Hitler découvre qu'il ne gouverne que les quelques centaines de personnes qui vivent dans le bunker, et qui sont prêtes à mourir comme lui.

Mais il se méfie même de ces derniers fidèles.

« On me ment de tous côtés, dit-il, je ne peux avoir confiance en personne. »

Il hurle devant l'Obergruppenführer SS Gottlieb Berger : « Tout le monde m'a trahi, nul ne m'a dit la vérité. Les militaires m'ont menti... »

Le visage de Hitler devient violacé, son bras et sa jambe tremblent, sa tête dodeline. Il ne cesse de répéter :

« Qu'on les fusille tous ! Qu'on les fusille tous ! »

Le 23 avril, il destitue Hermann Goering, accusé de haute trahison pour avoir dans un télégramme écrit au Führer :

« C'est à moi de prendre en main, pour le mieux, les intérêts de notre pays et de notre peuple. Vous connaissez mes sentiments à votre égard, en cette heure la plus grave de ma vie. Les mots me manquent pour exprimer ce que je ressens. Que Dieu vous protège et vous permette de nous rejoindre au plus vite, en dépit de tout.

« Votre fidèle

« Hermann Goering. »

« Goering ? Un être corrompu, un drogué », commente Hitler dont le mépris et la colère sont attisés par Martin Bormann, qui ambitionne de succéder à Goering.

Car les dirigeants nazis, en ces heures ultimes, s'entredévorent, intriguent auprès du Führer.

Et celui-ci, tout à coup indifférent, murmure :

« Eh bien, que Goering négocie quand même la capitulation. Peu importe qui s'en charge ! »

Mais Martin Bormann a donné l'ordre aux SS de Berchtesgaden d'arrêter le maréchal du Reich.

Hitler pourtant méfiant n'imagine pas que Himmler, le ministre de l'Intérieur, l'un des acteurs majeurs de la « Solution finale », le maître des SS, Reichsführer, négocie avec le comte Bernadotte, au consulat suédois de Lubeck.

Le « Der treue Heinrich » - le fidèle Henri comme l'appelle Hitler - dit au comte suédois : « La vie grandiose du Führer touche à sa fin. » Et Himmler offre de remettre à Eisenhower la capitulation des armées allemandes sur le front ouest.

C'est la vieille chimère du renversement des alliances à laquelle veut encore croire Himmler.

Au bunker, on capte une dépêche de l'agence Reuter révélant ces négociations secrètes.

Hitler pousse un hurlement aigu.

« Il était comme fou. Son teint vira au pourpre, raconte un témoin, ses traits devinrent presque méconnaissables... Après sa longue crise de colère, Hitler tomba dans un morne abattement et, pendant un moment, le silence régna dans le bunker tout entier. »

Puis Hitler ordonne qu'on abatte l'agent de liaison de Himmler, le général SS Fegelein. Il est tué dans les jardins de la Chancellerie. Il est marié à la sœur d'Eva Braun, mais celle-ci n'intercède pas en sa faveur.

« Pauvre Adolf, pauvre Adolf, dit-elle. Abandonné et trahi par tous. Mieux vaut la mort de 10 000 hommes que la perte du Führer pour l'Allemagne. »

Le lendemain, 29 avril, entre 1 heure et 3 heures du matin, Hitler épouse Eva Braun, Goebbels et Bormann sont les témoins du mariage.

Les deux futurs époux jurent qu'ils sont de « purs aryens ».

La cérémonie est présidée par un conseiller municipal qui combattait dans les rangs de la Volkssturm, à quelques dizaines de mètres de la Chancellerie.

On boit du champagne avec tous ceux qui vivent dans le bunker. Beaucoup pleurent et se retirent.

Hitler, isolé dans une pièce voisine, dicte son testament.

51.

En cette aube du dimanche 29 avril 1945, Adolf Hitler parle vite, d'une voix sourde, et sa secrétaire Frau Gertrude Junge ne peut le suivre que parce qu'il lui semble non pas découvrir ces phrases, mais les reconnaître.

Elle les a lues dans Mein Kampf, elle les a entendues lors des discours que tout au long de cette décennie les radios - et les journaux - ont diffusés chacun plusieurs fois.

Le Führer n'a pas changé, mais Himmler et Goering le trahissent, les Russes sont à quelques centaines de mètres de la Chancellerie, les Américains sont sur les rives de l'Elbe et ils fraternisent avec les Russes.

Frau Gertrude Junge est émue aux larmes quand Hitler, dans ce qu'il appelle son « Testament politique », dit : « Depuis trente années, seuls mon amour pour mon peuple et ma fidélité envers lui ont guidé mes pensées, mes actes et ma vie... »

Il répète qu'après « les horreurs de la Première Guerre mondiale », il n'a jamais « désiré qu'il s'en produisît une autre contre l'Angleterre ou l'Amérique... ».

Il dénonce les responsables : « La juiverie internationale et ses adeptes. »

Frau Gertrude Junge est bouleversée lorsqu'elle entend le Führer déclarer :

« Après six ans d'une guerre qui, malgré ses revers, s'inscrira un jour dans l'Histoire comme la plus glorieuse et la plus héroïque manifestation du désir de vivre d'une nation, je ne puis abandonner la ville qui est la capitale de notre pays... Je tiens à partager le sort des millions d'êtres qui ont accepté de rester ici. De plus, je ne veux pas tomber aux mains de l'ennemi qui cherche à s'offrir un nouveau spectacle, présenté par les Juifs, dans le seul but de divertir ses masses hystériques.

« Par conséquent, j'ai décidé de rester à Berlin et d'y choisir volontairement la mort, au moment où je jugerai que la position du Führer et de la Chancellerie ne peut être tenue plus longtemps.

« Je meurs la joie au cœur, conscient des accomplissements immenses de notre peuple, paysans, ouvriers, et de l'apport incomparable qu'a fait à l'Histoire notre jeunesse qui porte mon nom. »