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Mais 1 800 000 soldats allemands ont pu se rendre aux Anglo-Américains plutôt qu'aux Russes et des millions de réfugiés des régions de l'Est ont gagné l'Ouest.

Cependant, l'heure est venue de la mise au tombeau.

Elle a lieu dans une petite école de Reims en brique rouge, siège du Grand Quartier Général d'Eisenhower. Le général François Sevez représente la France.

L'Allemagne capitule sans condition le 7 mai 1945, à 2 h 41 du matin.

Jodl demande à prononcer quelques mots.

« Par cette signature, dit-il, le peuple allemand et les forces armées se remettent - pour le meilleur ou pour le pire - entre les mains de leurs vainqueurs... En cette circonstance, je ne peux qu'exprimer mon espoir de voir le vainqueur les traiter généreusement. »

Staline a le sentiment d'avoir été berné.

Il veut bien considérer la signature de Reims comme les préliminaires de la « vraie » reddition qui sera signée à Berlin-Karlshorst, le 8 mai 1945, siège du Grand Quartier Général de Joukov.

Les armes doivent se taire le 8 mai à 23 heures. La capitulation inconditionnelle du Reich, de l'État allemand doit intervenir le 5 juin 1945.

Pour les nations vaincues, humiliées par la victoire allemande de 1940, violentées par l'occupation nazie, souillées par la collaboration, cette mise au tombeau du IIIe Reich marque le signe de leur renaissance.

Et d'abord pour la France, que les Américains et Staline ont voulu tenir à l'écart.

La 2e DB de Leclerc est à Berchtesgaden. Et Leclerc offre à de Gaulle... le sabre de Hitler.

De Gaulle veille à ce que la France soit représentée lors de la signature - à Reims d'abord puis à Berlin - des actes de reddition.

Il dicte un télégramme pour le général de Lattre :

« Je vous ai désigné pour participer à l'acte solennel de la capitulation à Berlin. Il est prévu que seuls le général Eisenhower et le représentant du commandement russe signeront comme parties contractantes. Mais vous signerez comme témoin. Vous devrez en tout cas exiger des conditions équivalentes à celles qui seront faites au représentant britannique, à moins que celui-ci ne signe pour Eisenhower. »

Sa voix n'a pas tremblé, et pourtant il lui semble que tout son corps frissonne. La France est à la table des vainqueurs !

Combien étaient-ils, autour de lui, le 18 juin 1940 ?

Il revoit ces premières heures. Il retrouve les mots de Churchill.

Quels que soient les péripéties et les conflits qui ont suivi, il n'oubliera pas.

Jamais.

Il est ému. Il a la gorge nouée. Il dicte d'une voix rauque un télégramme pour Churchill.

« Au moment où le canon cesse de tonner sur l'Europe, je tiens à vous adresser ma pensée fidèle d'amitié et d'admiration. Ce qui a été fait ne l'aurait pas été sans vous... »

C'est le 8 mai 1945.

Il y a cinq ans jour pour jour, les divisions de panzers se concentraient à la veille de l'attaque qui allait décider du sort de la bataille de France.

Et maintenant, le maréchal Keitel s'écrie, en voyant le général de Lattre présent dans la pièce où il va signer la capitulation de l'Allemagne :

« Quoi ? Les Français aussi ?! »

Oui, la France est là, surgie de l'abîme ! De Gaulle écrit le texte du message qu'il va adresser aux Français et il a dans l'oreille les phrases qu'il prononçait le 18 juin 1940 :

« La guerre est gagnée ! Voici la victoire ! C'est la victoire des nations unies et c'est la victoire de la France !

« L'ennemi allemand vient de capituler... Le commandement français était présent et partie à l'acte de capitulation.

« Honneur ! Honneur pour toujours ! À nos armées et à leurs chefs ! Honneur à notre peuple que les épreuves terribles n'ont pu réduire ni fléchir... Ah ! Vive la France ! »

Épilogue

« Il nous reste à nous assurer que les mots "liberté", "démocratie" et "libération" garderont leur vrai sens, celui que nous leur attribuons. »

Winston CHURCHILL

Discours radiodiffusé par la BBC,

13 mai 1945

« Une barrière de fer coupe ces pays - de l'Europe orientale - du reste de l'Europe. »

Winston CHURCHILL

s'adressant à Staline,

lors de la conférence de Potsdam,

24 juillet 1945

« Les États-Unis ont testé une nouvelle bombe d'une puissance destructrice jamais égalée. »

Le président des États-Unis Harry TRUMAN

révélant à Staline,

lors de la conférence de Potsdam,

la mise au point de la bombe atomique,

24 juillet 1945

« Voilà, c'en est fini de ce salaud », s'est exclamé Staline en apprenant la mort de Hitler.

Et il ajoute à cette brève oraison funèbre : « Dommage qu'on ne l'ait pas pris vivant ! »

Lors d'un dîner, quelque temps plus tard, répondant à un convive qui lui demande s'il pense que Hitler était un fou ou un aventurier, le maréchalissime Joseph Staline déclare :

« C'était sûrement un aventurier, mais je ne crois pas qu'il était fou. Hitler avait du talent et il fallait du génie pour unifier le peuple allemand. Qu'on le veuille ou non... l'armée soviétique a envahi l'Allemagne et est arrivée à Berlin sans que la classe ouvrière allemande ait bougé le petit doigt contre le régime fasciste. Une union nationale aussi forte n'était pas l'œuvre d'un fou. »

Peuple allemand ? Classe ouvrière ?

Ces mots, les soldats de l'armée Rouge les ignorent.

En ce mois de juin 1945, ils s'étonnent de la richesse de ce pays. Les grosses fermes de Poméranie ont l'eau courante, l'électricité, des toilettes.

« Pourquoi des gens qui vivaient si bien se sont-ils mis à nous envahir, nous ? » s'interrogent-ils.

Ils violent, ils pillent, ils saccagent, dépouillent de leurs montres ces réfugiés, ces rescapés des bombardements qui campent sur les places des villes détruites.

« Les Allemands rampent, ils sont polis, ils ont la frousse, ils sont tranquilles, commente un autre soldat portant la médaille de Stalingrad.

« Seulement j'ai perdu un tas de copains ici... Les filles nous balançaient des grenades à la main par les fenêtres. Personne n'était sûr d'arriver vivant à Berlin. »

Ces soldats côtoient les étrangers venus en Allemagne par centaines de milliers, prisonniers, déportés ou « travailleurs » obligatoires.

Vassili Grossman écoute le récit de leurs souffrances, leurs chants, leurs cris et leurs menaces à l'adresse des soldats allemands.

« Un jeune homme français m'a dit - rapporte Grossman : "Monsieur, j'aime votre armée et c'est la raison pour laquelle il m'est douloureux de regarder la façon dont elle se comporte envers les femmes. Cela va être très nuisible à votre propagande." »

Grossman décrit la « foire au butin » :

« Des tonneaux, des piles d'étoffes, des chaussures, des peaux, du vin, du champagne, des robes, tout cela est chargé à bord de véhicules ou porté sur les épaules.

« Et toujours devant ces "richesses", ces autoroutes, ce gaz de ville dans les maisons de banlieue, l'interrogation pleine de colère des soldats : "Pourquoi sont-ils venus chez nous, de quoi avaient-ils besoin ?" »