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J'étais censée faire quoi? Je suis censée faire quoi, Ramon? Ça? Ah bon. Tu avais ça derrière la tête, on dirait. Si je ne m'abuse. Et je dois me mettre à quatre pattes, si j'ai bien compris. Petite ordure. Je te revaudrai ça, Ramon. Je vais m'as-seoir sur ta figure. Sale petit dégénéré. Qui s'excite à regarder une pauvre ménagère à quatre pattes, hein, petite ordure.

Il portait un caleçon avec une large bande élastique signée Calvin Klein et je n'ai rien contre Calvin Klein, mais franchement, je trouve ça horrible et antisexy à mort, complètement à côté de la plaque. Mais bon. Par la fente, il a fait sortir cette bite assez bizarre, dont je vous ai parlé. À la fois terrible et intéressante. Dans la bouche, ça faisait un drôle d'effet. J'avais l'impression qu'elle descendait dans mon gosier. Comme un serpent endormi. Il avait également une jolie paire de couilles, une chose qui est plus rare que l'on ne croit. Enfin bref, je l'ai sucé avec assez de plaisir. Je le reconnais. Et je commençais à mouiller, de mon côté.

Et puis à ce moment-là, ça s'est gâté. Ça s'est drôlement gâté.

J'ai senti qu'on me baisait par-derrière. Absolument. J'étais à mille lieues, et tout à coup, je sens une chose glisser furtivement entre mes jambes, et puis vlang, je me retrouve baisée jusqu'au coude. J'ai pas le temps de dire ouf. Et Ramon me fait: «Je te présente mon copain.»

En fait, Ramon a deux copains. Du même genre Franck joue avec eux au poker, on les croise sur le campus – je ne sais même pas en quoi ils sont inscrits – et une fois ils m'ont payé un verre à la cafétéria, mais je ne peux pas dire que je les connais. La preuve? Je ne les imaginais pas faire un truc pareil. Et durant une fraction de seconde, c'est une réelle surprise que j'ai éprouvée, un réel étonne-ment.

Mais où est-ce qu'ils se croyaient? Enfin merde Ils imaginaient quoi? Je me suis dégagée d'une torsion du bassin, puis j'ai aussitôt bondi sur mes jambes. Je leur ai dit: «Désolée. Pas de ça avec moi» tout en remontant mon survêt. Ramon se tenait la bite en m'adressant une grimace pleine de frustration et de fureur. Les deux autres (celui qui m'avait baisée s'efforçant de remballer son engin dans un minislip qui n'était pas étudié pour) s'interrogeaient sur la suite à donner à notre affaire. Ces deux cons, ils prenaient déjà un air menaçant. Ils avaient vu trop de films.

Mon camarade en minislip était le plus près. Avant de prendre à nouveau la parole pour les appeler à la raison, je l'ai frappé en pleine figure. De la paume de la main, mais très violemment, de sorte que ses deux pieds ont pratiquement décollé du sol.

Voyant ça, l'autre m'a sauté dessus. J'ai pivoté sur une jambe pour esquiver sa charge – je suis d'une souplesse et d'une rapidité étonnantes, eu égard à mon poids – et comme ses bras se refermaient sur le vide, je l'ai frappé dans le dos, de tout mon élan. Avec mon coude. Je crois que je lui ai fait mal. J'espérais que ça lui servirait de leçon.

Quant à Ramon, il hésitait entre le rire et les larmes. Tout s'était passé si vite qu'il était encore cloué dans son fauteuil.

«Non, mais tu te sens bien ou quoi? je lui ai demandé. Vous êtes pas un peu malades?»

H a remonté son pantalon avec humeur, rebouclé son ceinturon en gardant la tête baissée. Les deux autres récupéraient avec peine. De vrais gosses. J'ai ramassé une chaise en leur conseillant de se tenir tranquilles à l'avenir. S'ils ne voulaient pas que je me fâche pour de bon.

Je n'ai pas parlé de l'incident à Franck. Je suis allée me doucher directement et ensuite, nous avons pris le petit déjeuner ensemble avant son départ pour la fac. Je ne voulais pas faire d'histoires.

Il était toujours nerveux, angoissé. Nous connaissions un prof de biologie qui avait été roué de coups en sortant de sa voiture et qui avait mis presque un an à s'en remettre – il sursautait encore au moindre bruit, se retournait sans arrêt et sa femme racontait qu'il lui arrivait encore de se réveiller en sueur.

En général, les profs qui couchent avec leurs élèves, filles ou garçons, finissent par s'attirer des emmerdements. Et ceux qui traînent dans les rues sombres, les suceurs de bites pour ne pas les nommer, les hommes d'un certain âge qui restent émerveillés par la jeunesse, ceux-là finissent tôt ou tard par se faire dérouiller.

Franck prenait du Lexomil, restait silencieux, s'examinait dans la glace, mâchait avec précaution, fermait la porte à clé et revenait en vitesse dès que ses cours étaient terminés. Voilà ce qu'il avait gagné. Maintenant, il avait la trouille.

Je lui avais dit: «Franck, écoute-moi bien. Ceux qui t'ont fait ça. Je sais que tu les connais. Ne me raconte pas de salades, tu veux bien? Je vais m'en occuper. C'est mon boulot. Je vais m'en occuper mais j'ai besoin de savoir qui c'est. Il faut que tu me le dises.»

Je n'en avais rien tiré. D'un autre côté, je n'allais pas l'implorer. Je ne comprenais pas pour quelle raison il se taisait, mais je n'allais pas me mettre à ses genoux tous les matins. C'était tant pis pour lui. Peut-être changerait-il d'avis s'il s'en prenait une autre. Quant à moi, l'affaire était classée.

Cette mèche grisonnante et pathétique qui lui tombait sur le front. Est-ce qu'il s'en rendait compte? Pourquoi m'avait-il épousée? Ce connard. Pourquoi m'avait-il épousée? Cette fripouille ambulante, le nez plongé dans son bol, le regard fuyant, Monsieur le Professeur de Mes Deux qui boit son café dans un bol qui fait partie de mon service, de ce putain de service épouvantablement laid qu'il a rapporté quelques jours après notre mariage. Pourquoi m'a-t-il épousée? Et moi, pourquoi l'ai-je épousé? Faisions-nous une bonne affaire, l'un et l'autre? Avions-nous trouvé de quoi nous planquer, de quoi nous mettre à l'abri? Je le regardais pendant que nous nous faisions face dans la cuisine ensoleillée, avec nos tartines et nos pots de confiture, et je me disais quelle merde, quelle triste et décourageante vie d'imbécile nous nous sommes fabriquée là. Hein, mon pauvre Franck. Je ne sais même pas ce que tu cherches. Je n'en ai pas la moindre idée. Et je m'en fous complètement.

J'ai trente-deux ans et je ne sais pas où j'en suis. Ça va mal, par moments. Parfois, je regrette de ne pas tenir un stand de crêpes dans un trou perdu. Je regrette d'avoir mis le nez au-dehors. Mais avant de rencontrer Nathan, j'allais encore plus mal, alors je vais cesser de me plaindre. J'allais vraiment très mal, comparé à aujourd'hui. Aujourd'hui, je ne vais pas mal tout le temps. Je vais mal par moments. Je considère ça comme un progrès.

Franck s'est levé brusquement, après un coup d'œil à sa montre. Il a enfilé sa veste et s'est penché au-dessus de la table pour m'embrasser sur le front. Je lui ai souri. La porte s'est refermée et pendant que je l'entendais dévaler l'escalier, j'ai appuyé mon poing contre ma joue, le coude planté sur la table, et j'ai cligné un moment les yeux dans le soleil qui était juste à la bonne température. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre?

En chemin, je me suis arrêtée pour cette histoire de sushis. J'en ai acheté pour Nathan et moi en attendant de voir le type qui avait effectué la livraison chez Jennifer Brennen le soir de sa mort. Je suis comme ça, je suis méticuleuse dans mon travail. Je ne laisse rien au hasard. J'ai bu un soda aux fruits de la passion.

Malheureusement, je suis tombée sur un gars qui ne savait rien, qui ne se rappelait rien et qui donc n'avait rien remarqué de particulier. Quand je lui ai demandé son permis de travail, il s'est tout de même souvenu que la fille Brennen l'avait conduit directement à la cuisine et qu'elle avait l'air tout à fait normale. Un type – un jeune Blanc dont il ne pouvait guère dire davantage sinon qu'il avait une casquette vissée à l'envers sur le crâne – les avait rejoints pour régler la note.