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Dans l'escalier, geignante, je sentais que ça me coulait entre les jambes, je n'avais plus de force, j'étais endolorie, mes orifices me cuisaient, mes seins étaient en marmelade et ce salaud m'avait griffé tout le dos et l'intérieur des cuisses. Je l'avais vu avaler des trucs, mais qu'est-ce que c'était? Qu'est-ce qu'ils avaient encore inventé? Un fortifiant explosif pour les chevaux? Je veux dire, pour les étalons? On trouvait toute une gamme de produits, en ce moment, capables de vous faire grimper aux murs telle une fusée. Et il y avait des morts. Des comportements surhumains. Mes poches étaient pleines de mes sous-vêtements souillés, réduits en lambeaux. Ma tête était pleine de mots orduriers. De questions sans réponses.

Je n'avais même pas pu vérifier ses chaussures. Je n'étais plus en état. Mon seul souci avait été de quitter la chambre avant qu'il ne repose la main sur moi et je n'avais pas attendu mon reste. Mais au moins, me disais-je, au moins ai-je donné le change. Dans le rôle de la salope en manque, j'avais su être convaincante. Il proposait même de me fournir une clé. Et de me le faire pour cent euros la prochaine fois – un tarif qu'il réservait à ses meilleurs clients. J'ai dit que j'allais y réfléchir.

«Rude journée?» a demandé Franck qui arrosait les fleurs sur le balcon.

Je suis allée pleurer dans la chambre. Quand je suis très fatiguée, les larmes me viennent facilement.

NATHAN

Les bilans du Fonds Monétaire International étaient accablants. Des imbéciles incompétents, psychorigides, comme on pouvait le vérifier à l'examen de nombreux dossiers. Sauf que leurs erreurs ne les touchaient pas directement car ils étaient grassement payés. Sauf que leur vision obtuse et butée, leurs maudits remèdes se traduisaient par une plus grande misère à l'échelle d'un pays, par davantage de malheur et de désespoir pour des millions de gens. En résumé.

Wolf avait pris la parole lors des débats et son exposé avait été clair, tranchant et sans appel. Il avait été applaudi. Il avait mis la salle à ses pieds.

Impossible de lui glisser un mot, plus tard, comme nous allions prendre un verre, car il était entouré de ses aficionados et d'une Chris qui semblait à cet instant la femme la plus heureuse du monde. J'ai appelé Marie-Jo pour avoir quelqu'un à qui parler étant donné que je n'intéressais personne.

«Wolf a fait un tabac. Tu as loupé quelque chose.

– S'il te plaît. On parlera de ça demain.

– Pourquoi demain? Mais qu'est-ce que tu as?

– J'ai rien.

– Comment ça, rien? Tu pleures?

– Non. Ça va.

– Bon, écoute. J'arrive tout de suite.

– Non. Sûrement pas. J'ai envie d'être seule.

– Dans ton coin? À broyer du noir? Et je peux savoir à quel sujet?»

J'étais sorti à cause du bruit et je me suis assis sur un banc, dans la nuit épaisse.

«Écoute, Nathan, je vais raccrocher.

– Non, attends une minute. Et si nous allions faire un tour? Marcher un peu te ferait du bien. On parie?»

Elle a raccroché.

Quand je suis rentré, j'ai trouvé une armoire dans la chambre. Paula m'a demandé ce que j'en pensais et je lui ai répondu qu'elle me plaisait beaucoup. Sans blague.

Marc et Eve sont venus l'examiner et ils nous ont félicités. Marc semblait fier de moi.

Paula avait d'autres projets. Elle attendait avec impatience des rideaux qu'elle avait commandés chez je ne sais qui mais qu'Eve considérait comme la seule adresse digne d'intérêt à travers toute la ville. Il y avait également un canapé dans l'air et d'autres petites choses dont elle ne voulait rien dévoiler et qui prendraient leur place au fur et à mesure.

Comme je ne disais rien, elle m'a serré dans ses bras.

«Je ne te demande qu'une chose, Paula, lui ai-je murmuré à l'oreille. Ne touche pas à la literie. Jure-le-moi.»

En échange, après le départ des deux autres, et pour lui prouver que je n'accordais au matelas aucune valeur sentimentale ayant un rapport avec Chris – j'avais gloussé en entendant quelque chose d'aussi dingue -, je lui ai fait un cunnilin-gus.

«Alors? l'ai-je interrogée après coup. Convaincue?»

Elle a essayé d'obtenir davantage, elle a insisté sous prétexte qu'un premier pas avait été franchi, mais je lui ai expliqué que je ne voyais pas les choses de cette manière.

«Je regrette, mais je n'appelle pas ça avoir un rapport sexuel. Tu m'excuseras.»

Soyez bon, et on vous reprochera de ne l'être pas assez. Avec une vigueur inhabituelle, Paula a remis sur le tapis cette histoire que je ne voulais pas baiser.

«Non, mais ça devient délirant, cette histoire. Non, mais combien de temps ça va durer, cette histoire?

– Comment savoir? j'ai rétorqué. Pour moi non plus, ce n'est pas facile.

– Qu'est-ce que je t'ai fait? Pour que tu veuilles me torturer à ce point-là, qu'est-ce que je t'ai fait?

– Tu parles d'une torture. Alors que des gens n'ont même pas à qui parler. Personne pour sortir en boîte. Personne à leur réveil.»

Pour finir, elle s'est enfermée dans la salle de bains.

«Écoute Paula, ai-je fait à travers la porte, les mains enfoncées dans les poches et les yeux fixés sur la pointe de mes chaussures. Écoute, Paula, tu connais le problème. Il s'est posé dès le début et il se pose encore, crois-moi.

– Je n'ai pas envie de t'écouter. Laisse-moi.

– Tu dois respecter ma décision. J'ai respecté les tiennes. Paula, sors. Je sais très bien ce que tu fabriques et ça fera la troisième fois depuis le début de la semaine. Tu ferais bien de te méfier.

– À qui la faute? Est-ce que j'ai le choix?

– Et moi, est-ce que tu crois que ça m'amuse? Tu crois que je n'aimerais pas être fixé, une bonne fois pour toutes? Mais imagine que je ne sois pas Prêt. Hein, de vivre avec une femme. Imagine que ce soit au-dessus de mes forces? Paula, je ne t'ai rien caché.»

Elle devait avoir son élastique entre les dents car elle ne m'a rien répondu.

«Et si j'allais voir un psy. Qu'est-ce que t'en penses? Si tu en connais un, je suis prêt à discuter avec lui. Je veux bien lui expliquer mon cas.»

Ne croyez pas que je n'étais pas sincère. J'aurais donné tout ce que je possédais pour être délivré de cette incertitude. Je rêvais d'une vie d'imbécile heureux, je ne souhaitais rien d'autre que de vivre avec une femme. De regarder passer les jours et les nuits avec elle, affichant un sourire satisfait. Mais en avais-je le droit? En étais-je capable? Une vie au grand jour, avec Paula. De la baise, de la lecture, des sorties, traîner chez les antiquaires. Pourquoi était-ce si compliqué? Pourquoi était-ce si douloureux?

Elle est sortie. A filé droit vers le lit sur lequel elle s'est laissée choir. Elle n'avait pas remis sa culotte.

«Une chose est sûre, ai-je repris. Je vais me réveiller un matin, et tout sera clair dans mon esprit. Et quelle que soit la décision que je prendrai, elle sera la meilleure pour tout le monde. Tu m'écoutes, Paula, c'est comme un accouchement. Il faut patienter. Depuis le départ de ma femme, je sens qu'il y a un nouvel homme en moi. Mais il n'est pas encore au monde. Pas encore. Enfin, rassure-toi. Ça ne prendra pas neuf mois.»

Elle m'a fait signe d'arriver. Je suis allé m'ins-taller à côté d'elle. Je l'ai prise contre moi et j'ai vraiment souhaité recevoir un signe à cet instant. J'aurais été ravi de lui annoncer que le sort en était jeté et que j'étais même d'accord pour l'épouser si ça l'amusait. Une croix sur Chris. Une croix sur Marie-Jo. C'est-à-dire me tirer deux balles en plein cœur. Autant que je pouvais en juger. Une éventualité qui m'a donné le frisson. Qui aurait souhaité être à ma place? Sans compter tout le boulot que ça m'occasionnait et les soucis.