Inutile de chercher loin pour trouver d’où vient ce bourrichon. Il suffit d’observer le mot qui le précède dans le dictionnaire, bourriche. On connaît ce panier de forme oblongue et sans anses qui sert au transport des huîtres, mais aussi d’autres produits de la marée ou même des fruits et du petit gibier. Reste qu’on ignore d’où vient cette bourriche où rien ne doit être bourré.
Gustave Flaubert s’exclame en 1860 dans sa Correspondance : « Oh ! comme il faut se monter le bourrichon pour faire de la littérature ». Et ce bourrichon est la tête, selon un principe qui se retrouve pour toute une série de récipients : bouillotte, cafetière, caisson, calebasse, carafe, carafon, fiole, théière, tirelire… Nombreux sont en effet les noms de contenants susceptibles d’évoquer la boîte crânienne, qui contient le cerveau, source de la pensée. Après tout, notre mot tête vient bien du latin testa signifiant « coquille », « carapace » et « pot », et tesson appartient à la même famille.
Puisque monter veut dire « faire aller plus haut », se monter le bourrichon c’est donc « s’exalter », avec parfois une nuance de ridicule, lorsqu’il faut redescendre. Si cela expose à des désillusions, le même Flaubert voyait dans ce bourrichon psychologique un état d’esprit, et il emploie la formule se remonter le bourrichon, c’est-à-dire « le moral ».
En revanche, monter le bourrichon à quelqu’un s’avère beaucoup plus péjoratif puisqu’il s’agit de lui faire prendre des vessies pour des lanternes !
« Non, c’est probablement sa petite grue qui lui aura monté le bourrichon. Elle lui aura persuadé qu’il se classerait parmi les “intellectuels”. »
Un boute-en-train
On peut inviter un boute-en-train pour que la fête soit réussie : par sa bonne humeur communicative, il garantit une ambiance chaleureuse et rend conviviale la réunion.
Au début du XVIIIe siècle, boute-en-train figure dans le Dictionnaire de l’Académie, mais c’est d’abord à propos des oiseaux que l’on place auprès de leurs semblables pour les inciter à chanter. L’emploi figuré y est également attesté : « on appelle aussi de la sorte dans le style familier et bas, un homme de plaisir, qui excite les autres, et qui les met en train ».
Dans les haras, l’ambiance peut relever d’une excitation très particulière : le boute-en-train est le cheval que l’on approche des femelles pour déceler celles qui sont en chaleur. Il les rend fécondables, avant l’accouplement avec le reproducteur, rôle dévolu au seul étalon avec pedigree. Le boute-en-train, qui doit se contenter des préliminaires et des ruades de la belle, est aujourd’hui un mâle traité aux androgènes, ce qui n’est pas d’une folle gaieté.
Il est difficile de reconnaître dans boute une forme du verbe bouter, ancien synonyme de pousser ou de refouler : les manuels d’histoire en conservent l’usage, rappelant que « Jeanne d’Arc bouta les Anglais hors de France ». Quant à en train, c’est précisément « en mouvement, en action, ou en humeur d’agir ».
Qu’il soit volatile, équidé ou convive, le boute-en-train met en train. Il traîne et tire vers l’envie d’agir, et surtout de s’amuser.
Cette expression vient de bouter le feu, ou allumer le feu pour les fans de Johnny. Comme bouter en voiture représentait un danger d’explosion dû à la présence d’essence dans le réservoir, le train a été retenu pour plus de sécurité.
Branle-bas de combat
Pourquoi un branle-bas plutôt qu’un branle-haut ? Et d’abord, qu’est-ce qu’un branle ? La connotation équivoque du mot a-t-elle un lien avec son origine ?
Dérivé de branler, qui ne signifie rien de plus précis que « secouer » ou « trembler » (comme dans branler du chef), branle apparaît au Moyen Âge pour tout mouvement d’oscillation. Ce sens survit dans se mettre en branle « en mouvement, en action ». Au XVIIe siècle, on a nommé branle le hamac de toile où dormaient les matelots. Ces branles, suspendus au plafond des entreponts, étaient alignés en rangs, et se balançaient au rythme des mouvements du navire. Chaque jour, les marins recevaient l’ordre bas les branles ! ou branle-bas ! et devaient alors décrocher les hamacs pour les plier et nettoyer les entreponts. Quand le navire était attaqué, ces matelots devaient réagir au cri de branle-bas de combat ! en plaçant au plus vite les hamacs près des embrasures pour se protéger.
Après le hamac, l’expression branle-bas a désigné la manœuvre elle-même. Le branle-bas du matin et celui du soir correspondaient aux préparatifs de l’équipage au moment du lever et du coucher. Le branle-bas de combat devint l’ensemble des dispositions prises sur un navire de guerre en vue d’un engagement. L’expression est passée dans la langue courante au XIXe siècle pour évoquer l’agitation, souvent désordonnée, que déclenche une urgence.
Compromis par les branleurs, le mot branle est devenu rare. Seuls les amateurs de musique et de danses anciennes continuent à le célébrer, avec l’idée bien innocente de balancement rythmique.
branle-bas
[ bʀɑ̃lbɑ ] nom masculin invariable
ÉTYM. 1687 ♦ ordre de mettre bas les branles « hamacs », qui étaient sur les entreponts, pour se disposer au combat
■ MAR. Branle-bas de combat : ensemble des dispositions prises rapidement sur un navire de guerre pour qu’il soit prêt au combat […]
Être sur la brèche
Le mot brèche nous semble familier. Pourtant, on a beau comprendre ou employer l’expression être sur la brèche, on se demande quelle brèche peut bien être associée à une activité intense.
Brèche est un mot d’origine germanique, apparenté à l’anglais to break et à l’allemand brechen, signifiant « casser, briser ». Cette idée est présente dans les premiers sens de brèche, qui désigne d’abord une trouée, une ouverture dans un mur, une clôture, une fortification. Il a désigné ensuite une petite entaille sur un objet, ce qui a produit le verbe ébrécher. C’est cette valeur qu’on employait au figuré dans faire une brèche à la réputation de quelqu’un, « l’entamer ».