Выбрать главу

Rabattre, rabaisser le caquet à quelqu’un

obliger quelqu’un à se taire, le remettre à sa place

Il est des assemblées, des réunions au cours desquelles quelqu’un prend la parole avec trop d’assurance, si bien qu’on brûle de le remettre à sa place et de le faire taire. On s’emploiera à lui rabattre le caquet.

L’expression signale que l’intéressé présente deux défauts en un mot. D’une part, prétention et vanité. De l’autre, bavardage. Ces jacasseries suffisantes rappellent les poules et leur caquetage. Caquet évoque les cris de la volaille qui va pondre et, généralement, les piaillements d’oiseaux, la musique discordante des basse-cours.

Des cris d’oiseaux, on est passé aux paroles sans contenu, faisant écrire à Furetière : « Les femmes parlent beaucoup, mais elles n’ont que du caquet ». Car l’antiféminisme cherche dans le langage même les occasions de sévir. Caquet bon bec désignait donc une commère bavarde et La Fontaine en a fait le surnom de la pie. La formule caquet bon bec, la poule à ma tante évoquait un flux de paroles intarissable. En français du Canada, une personne abattue par une déception ou une mauvaise nouvelle a le caquet bas.

Celui à qui l’on rabat le caquet est donc assimilé à un volatile de basse-cour : comme les poules, les oies et les canes (les mâles sont exemptés), il caquète et cancane. Pourtant, par sa vantardise, il évoque aussi le coq et sa fierté. Il existait d’ailleurs une expression française qui, mot pour mot, existe encore en italien : rabaisser la crête à quelqu’un.

Quand des gens s’assemblent, leur réunion peut prendre vite des allures de poulailler : chacun donne de la voix pour faire l’intéressant. Rien de tel pour lui rabattre le caquet que de lui clouer le bec !

À titre d’exemple

« Ouais ! vous êtes un grand docteur, à ce que je vois, et je voudrais bien qu’il y eût ici quelqu’un de ces messieurs, pour rembarrer vos raisonnements et rabaisser votre caquet. »

Molière, Le Malade imaginaire, 1673.

Dernier carat

dernière limite

Pour obtenir quelque chose à une date précise, on n’hésite pas à réclamer pour cette échéance le dernier carat, c’est-à-dire la dernière limite. L’expression a de quoi surprendre : carat évoque l’univers de l’orfèvrerie et de la joaillerie. Qui n’a pas entendu parler d’or à dix-huit carats ou d’un diamant de dix carats ?

C’est par l’intermédiaire de l’italien carato que le mot nous est parvenu de l’arabe, où qîrât, lui-même emprunté au grec keration — grande valse des langues, autour de la Méditerranée — désignait la graine de caroubier. Les graines de cet arbre, de forme et de poids étonnamment réguliers, servaient en effet pour peser l’or et les pierres précieuses. Cette pratique consistant à se servir de graines végétales comme poids remonte à la plus haute Antiquité et serait contemporaine de l’invention de la balance.

Le français a maintenu pour le mot carat cette valeur d’étalon, puisqu’il dénomme la partie d’or pur égale à un vingt-quatrième du poids total de l’alliage. Un or à vingt-quatre carats serait parfaitement pur mais, trop mou pour être travaillé, il doit être allié à d’autres métaux. Ce n’est qu’ensuite que ce carat devint une unité de masse en joaillerie.

Le terme a donné lieu à des expressions familières aujourd’hui disparues comme à vingt-quatre carats « parfait, absolu, au plus haut degré » : un sot à vingt-quatre carats est un parfait idiot. Par exagération, à trente-six carats signifiait « au-delà du possible ». Le dernier carat, le vingt-quatrième, est ainsi la limite maximale que l’on puisse atteindre dans le temps comme dans l’alliage précieux, et l’on sait bien que « le temps, c’est de l’argent ».

En argot, carat est d’ailleurs l’unité de mesure du temps, il est alors un synonyme d’année. Prendre du carat c’est « avancer en âge ». Dix heures dernier carat, c’est « pas une seconde de plus ». Une limite scintillant à l’extrémité du délai accordé.

Le mot de Stéphane De Groodt

Il est dit que c’est le dernier carat parlé qu’aura raison.

Faire un carton

marquer des points (aux dépens de l’adversaire), réussir

D’un film numéro un au box-office ou d’un candidat qui bat ses concurrents haut la main, on dit familièrement qu’ils ont fait un carton : ils ont eu un beau succès.

Il ne s’agit pas de gagner aux cartes, même si l’on dit que l’on tape le carton. Ni même de voir l’arbitre infliger un carton jaune ou rouge à un footballeur fautif. C’est dans les fêtes foraines qu’il faut se rendre, là où de grandes feuilles de carton, marquées de zones concentriques permettant un décompte de points, servent de cible sur les stands de tir. Faire un carton, c’est d’abord atteindre la cible, faire mouche*. Régis Debray écrit dans L’Indésirable : « Abattre cette file indienne d’hommes désarmés au milieu du fleuve, c’était comme faire un carton à un stand de foire. »

De là est né l’emploi familier du verbe cartonner, « réussir, avoir plein succès ». Quand on entend faire carton plein, on imaginerait aisément la cible pleine d’impacts du bon tireur. En réalité, cette expression renvoie à un jeu beaucoup plus paisible. Tandis que certains se mesurent sur les stands de tir, d’autres s’assoient tranquillement pour jouer au loto ou au bingo. Des cartes portant des numéros sont distribuées aux participants. Le premier qui a rempli sa carte avec des numéros tirés au hasard a gagné : il a fait carton plein.

On peut désormais distinguer les deux expressions. Si l’on veut gagner un jambon, on devra faire carton plein. Mais si on veut remporter la plus grosse peluche de la fête foraine, il faudra faire un carton, tout court.

À titre d’exemple

« Présenté en compétition internationale, ce film de fantômes made in Venezuela a fait un carton dans son pays et récolté quelques bonnes critiques. »

Le Soir, 2015.

En catimini

en cachette, discrètement, secrètement

Si l’un des convives s’éclipse en catimini, on comprend sans difficulté qu’il le fait en toute discrétion, qu’il prend la poudre d’escampette*. Pourtant, ce catimini conserve son mystère…

L’expression apparaît à la fin du XIVe siècle sous la forme faire le catimini, « agir en cachette », suivie de la tournure en catimini. Deux hypothèses coexistent. La première est en relation avec le grec katamênia désignant les menstruations, qui a donné cataménial, adjectif savant qui qualifie ce qui y a trait. On peut imaginer que le tabou entourant les règles soit à l’origine d’une expression évoquant le secret, la dissimulation. Michel Tournier, qui évoque volontiers le sens étymologique, rapporte dans La Goutte d’or une tradition saharienne selon laquelle les enfants roux « sont maudits, car ils ne sont roux que pour avoir été conçus alors que leur mère avait ses catiminis. »