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Une évolution identique est à l’origine de l’expression être aux aguets. De la famille de guetter, aguet a d’abord eu le sens d’« embuscade ». Aux aguets, « en position de guetteur », prit la valeur plus abstraite de « sur ses gardes ». Si les activités cynégétiques se sont éloignées de nos préoccupations quotidiennes, elles ont laissé des traces dans la langue de tous les jours.

À titre d’exemple

« À l’affût de tous les vents de la mode et de la publicité, il ne négligeait rien de ce qui avait la faveur du moment. »

Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 1883.

De bon aloi

de bonne qualité, qui mérite l’estime

Il arrive qu’on emploie l’expression de bon aloi comme un équivalent littéraire — voire un peu précieux — de de bonne qualité. Mais on serait embarrassé s’il fallait préciser l’origine et le sens exact du mot aloi, qui ne s’emploie plus hors de cette expression.

Apparu au Moyen Âge, aloi vient du verbe aloier (ou aloyer), ancienne variante de allier. Il signifie « alliage » — tout comme l’anglais alloy, de même origine — et s’employait à propos des assemblages métalliques réalisés pour fondre une monnaie. Comme il arrivait que l’on fraude en incluant dans cette monnaie un pourcentage de métal précieux plus faible qu’annoncé, celle de bon aloi était donc une monnaie non falsifiée, ce que rappelle Théophile Gautier dans Le Capitaine Fracasse :

« Par les cornes et la queue de Lucifer ! Nous jouons de malheur ! J’avais espéré monnaie de bon aloi et ce ne sont que jetons de cuivre et de plomb doré. »

L’expression s’emploie dès l’ancien français au figuré pour signaler la bonne qualité. Elle s’est appliquée à des choses concrètes, là où l’on préfère aujourd’hui le « haut de gamme ». Progressivement, c’est la valeur abstraite qui s’impose. Pourtant, aloi ne possède plus de sens lisible que pour les spécialistes de numismatique : la valeur, le titre légal d’une monnaie. Sa signification première est aussi demeurée dans le vocabulaire technique de la métallurgie, tout comme son synonyme aloyage.

Le côté précieux de l’expression va finalement de pair avec la préciosité de la pièce qu’elle qualifiait. Désormais informé, la prochaine fois que vous emploierez de bon aloi, vous pourrez allier l’effet de style et l’à-propos.

À titre d’exemple

« Il est homme du monde, sans grande ambition d’être dans la conversation […] ; il a une parole correcte, châtiée, de bon aloi. »

Barbey d’Aurevilly, Premier Mémorandum, 1836.

Faire amande honorable

reconnaître ses torts, demander pardon

À bien y regarder, cette expression a quelque chose d’étrange. Aucun des mots qui la composent n’est sorti d’usage, surtout pas amende : chacun s’est déjà vu coller un de ces maudits papillons valant contravention sur le pare-brise de sa voiture mal garée. De même, il n’y a pas de confusion possible avec le fruit à coque, l’amande, dont le nom s’écrit avec un a. Alors d’où vient cette étrangeté ?

La bizarrerie tient au fait que l’amende ici n’est ni amère, ni douce, ni administrative, ni fiscale, mais honorable. Faut-il comprendre que cette amende, telle une mention d’examen, est « passable », c’est-à-dire ni trop sévère, ni trop clémente ? Point du tout. L’amende honorable était sous l’Ancien Régime une peine morale. Elle renvoyait à un châtiment infamant : le coupable devait aller en place publique reconnaître sa faute. L’amende était honorable car elle atteignait l’honneur : en déshonorant le condamné, elle lui faisait payer pour la faute morale qu’il avait commise.

On distinguait l’amende honorable sèche de l’amende honorable publique, selon la gravité de la faute : dans le premier cas, le coupable devait s’amender (« se corriger ») lors de l’audience, à huis* clos. La punition était donc-moins infamante que dans le cas de l’amende honorable publique, qui obligeait le condamné à demander pardon au tribunal, en présence de la foule et souvent devant une église. Et si le condamné était nul en orthographe, que cette amende fût sèche ou publique, il pouvait penser : « quelle sanction à la noix ! »

Le mot du Petit Robert

amende

[ amɑ̃d ] nom féminin

ÉTYM. XIIIe ; amande XIIe ♦ de amender […]

2. ANCIENNEMENT Amende honorable : peine infamante consistant dans l’aveu public de la faute. […]

Dans le plus simple appareil

peu habillé, en négligé, tout nu

Si l’on vous surprend dans le plus simple appareil, c’est que vous êtes très peu vêtu ou que vous portez le costume d’Eve ou d’Adam. Synonyme de machine, appareil évoque pourtant un assemblage complexe. C’est le cas des appareils dentaires ou photographiques, qui se passent volontiers de l’adjectif.

Appareil est dérivé du verbe appareiller qui, comme le latin apparare, signifiait « préparer ». Aujourd’hui, nous employons ce verbe pour dire d’un navire qu’il se prépare à partir. Appareil signifie d’abord « préparatif », puis « ensemble d’éléments préparés pour obtenir un résultat », avec de nombreux emplois spécialisés allant de la préparation culinaire à l’électroménager. Le haut appareil était au XVIe siècle l’armure complète et un grand appareil de guerre laissait présager un conflit imminent.

Parallèlement, le mot s’est dit pour « déroulement d’un cérémonial » et pour « magnificence », avec un sens proche de apparat (mot de la même famille) et de apprêt, ce qui suppose une disposition plus ou moins grandiose.

L’association des mots simple et appareil est donc une figure de style, une formule antinomique (les érudits parlent d’oxymore) presque aussi remarquable que l’obscure clarté de Corneille. Quand Racine évoque dans Britannicus une Junie « Belle, sans ornement, dans le simple appareil D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil », il dépeint son héroïne dans l’apprêt que donne la beauté surprise.