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À titre d’exemple

« Quelle péroraison ! D’une concision, d’une violence, d’une aigreur ! Vous faisiez mouche à chaque mot. Les jurés ne respiraient plus.

Marcel Aymé, La Tête des autres, 1952.

Se faire du mouron

se faire du souci

Des parents qui s’inquiètent pour leurs enfants se font, comme on dit familièrement, du mouron. C’est-à-dire qu’ils se font un sang d’encre, du mauvais sang, des cheveux blancs, de la bile. Leur corps semble être le premier témoin et la première victime des manifestations de leur inquiétude. Somatisant leur angoisse, les anxieux s’infligent bien des tourments.

Mais quelle partie du corps le mouron désigne-t-il ? Quelle réaction physiologique déclenche-t-il ? La perplexité est grande puisque le mouron est une petite plante sauvage dont les graines régalent les oiseaux. Cette herbe, qu’on dit mauvaise, est une brave plante qui pousse partout, même en ville, et en toute saison. Le mouron blanc fournissait sa marchandise au mouronnier, petit métier perdu de gagne-misère qui arpentait les rues, hotte au dos.

Cependant, parce que cette espèce végétale produit des touffes denses s’étalant sur le sol, elle a désigné, dans l’argot de la fin du XIXe siècle, la chevelure, la pilosité. Époque où les braves à trois poils avaient « du mouron au cul ». Et c’est ainsi que se faire du mouron est l’équivalent de se faire des cheveux, sous-entendu des cheveux blancs.

On constatera avec amusement que ces deux expressions n’évoquent plus aucune réaction physiologique. Elles donnent à croire que le souci fait pousser les cheveux, alors qu’il nous conduit plus souvent à nous les arracher…

À titre d’exemple

« Il y aurait toujours en elle une petite pimbêche complexée prête à se ronger les os des mains et à se faire du mouron pour rien. »

Yann Queffélec, Disparue dans la nuit, 1994.

N

Se casser la nénette

se fatiguer

Il y a nénette et nénette. Si on peut se la casser, la nénette, à comprendre pourquoi sa nénette est partie, les deux nénettes, pour autant, ne doivent pas être confondues.

La nénette qui « se casse » et qui vous quitte, c’est une jeune femme avec qui vous entreteniez une relation amoureuse. Le mot nénette, dans ce cas, est parfois considéré comme une variante affectueuse de nana. Certains pensent qu’il s’agit d’un dérivé de néné, « sein ». D’autres y voient un diminutif de prénoms féminins (Antoinette, Jeannette…) ou de pon(n)ette, mot en vogue à la Belle Époque pour désigner une jeune fille de mœurs légères.

Quant à la nénette de l’expression, celle que l’on se casse, c’est la tête. En 1944, Céline écrit dans Guignol’s Band que quelqu’un perd la nénette, mais le mot existait avant lui. Il s’agit probablement de l’abréviation de comprenette, mot familier dérivé de comprendre. En usage depuis la fin du XIXe siècle, il désigne la faculté de jugement, la capacité et la rapidité de compréhension. Quant à nénette, la tête est bien considérée comme le siège de l’intelligence.

Se casser la nénette renvoie donc à la notion d’effort intellectuel, pour trouver une idée, une solution, comme dans se triturer les méninges. La formule rejoint ainsi la longue liste des expressions familières où l’on « se casse » quelque chose en faisant un effort : se casser la tête, mais aussi, sans aucune logique, le cul, le pot, le trainS’échiner, c’est se casser l’échine, se décarcasser, sortir de sa carcasse. Il est moins douloureux de ne pas se fouler la rate !

À titre d’exemple

« — Te casse pas la nénette, Madeleine, je vais la ravoir, ta chaussette…

À vrai dire, ma mère risquait assez peu de se la casser. Pour se casser la nénette, il aurait fallu au moins qu’elle sache ce que c’était. Tout comme moi, d’ailleurs. Ce que je sais, c’est que chacun d’entre nous porte en lui une nénette qui, en cas de malheur, risque de se briser à tout jamais… »

Gérard Mordillat, Rue des Rigoles, 2002.

Une sainte nitouche

une femme qui affecte la pruderie, l’innocence

Qui est cette bienheureuse Nitouche ? Force est de constater qu’elle est absente de la liste des saints et des saintes du calendrier. Elle trompe son monde : une nitouche, canonisée ou pas, c’est une femme qui observe la plus grande réserve, qui manifeste pudeur et décence. L’expression faire la sainte nitouche s’emploie surtout à propos d’une femme de mœurs légères qui se cache en affichant une innocence outrée. Le mot est attesté depuis longtemps : Saincte Nytouche ! s’exclamait déjà Rabelais en 1534 dans son Gargantua.

Le nom de cette hypocrite n’est qu’un calembour : la sainte nitouche est la sainte (qui) n’y touche (pas) ! Ou du moins celle qui, sous ses airs de ne pas y toucher, n’en pense ou n’en fait pas moins. Théophile Gautier la révèle dans Le Capitaine Fracasse : « les prudes femmes, l’œil baissé sur la modestie, avec un air de Sainte N’y touche ». Une variante aujourd’hui disparue de l’expression était sainte-mitouche, où l’ancienne négation mie se manifeste (elle n’y touche mie). Cette forme a peut-être été influencée par le mot mitouche par lequel on dénommait une chatte sournoise.

De même que cette coquine de Nitouche, somme toute assez peu chrétienne, d’autres saints pourtant célèbres manquent au calendrier, avec leurs fêtes, tels la saint-glinglin qui n’arrive jamais, le saint-frusquin*, qui désigne tout ce que l’on emporte, ou la sainte-touche qui célèbre le jour de paie. En matière de saints imaginaires, la langue française a toujours été féconde !

À titre d’exemple

« — Et ça ose s’habiller comme nous autres honnêtes filles de campagne, ajouta une des plus laides maritornes de la ferme.

— Avec son air de sainte-nitouche, reprit une autre, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession. »

Eugène Sue, Les Mystères de Paris, 1842–1843.

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chercher querelle à quelqu’un