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Si l’on cherche noise ou des noises à un boxeur colérique, on risque fort de prendre un marron ! La variante ancienne chercher noises pour noisettes pourrait vous égarer : le mot noise n’appartient pas à la famille de noix, bien que ces noisettes représentent un motif futile et indiquent qu’on se dispute pour peanuts !

En fait, l’origine du mot noise n’est pas claire. Certains le rattachent au latin nausea, qui a donné nausée. Une autre hypothèse le fait remonter au latin noxia, « faute, crime », mot de la famille de nocere, « nuire », et tire le mot vers le délit. Apparu au Moyen Âge au sens de « bruit, tumulte », le mot a évolué rapidement et faire noise à quelqu’un signifie « engager une querelle ». Furetière précise qu’elle « n’aboutit d’ordinaire qu’à des crieries, et il n’y a point d’effusion de sang » et que, avec le sexisme de l’époque — sous Louis XIV —, « c’est d’ordinaire la femme qui commence la noise ». Cette dame colérique, quand elle était fâchée, serait avantageusement rebaptisée La Belle Noiseuse, titre d’un film de Jacques Rivette inspiré de Balzac. Ce sens de noise a prévalu et le mot s’employait pour « querelle ». La Fontaine évoque dans sa fable La Perdrix et les Coqs « certains coqs incivils, peu galants, toujours en noise et turbulents ».

Le joli mot de noise tomba peu après dans l’oubli, non sans être passé en anglais où il a gardé son sens premier, prononcé autrement. Le français a conservé en lui l’idée de la bagarre dans ce chercher des noises, qu’on aurait tort, vu son ancienneté, de prendre pour une expression à la noix.

À titre d’exemple

« Lorsqu’ils étaient oiseaux, ils ne se querellaient que dans la saison des amours. Et maintenant ils se disputent en tous les temps ; ils se cherchent noise été comme hiver. »

Anatole France, L’île des pingouins, 1908.

Faire la nouba

s’amuser, faire la fête

« Chaque fois qu’on monte en ligne on fait la nouba toute la nuit » se souvient Maurice Genevoix dans Ceux de 1914. La Grande Guerre a été une grande pourvoyeuse d’expressions et de mots nouveaux. Beaucoup ont été diffusés par l’argot militaire, comme cette nouba, qui signifie aujourd’hui la fête, ce qu’on appelait faire la noce, des réjouissances débridées, sans qu’on ait conscience de son origine et de sa valeur initiale.

Le mot a été importé à la fin du XIXe siècle par les tirailleurs algériens de l’armée coloniale. C’est un mot arabe qui, à l’origine, désignait une chose assez abstraite. Nuba, en arabe maghrébin, correspond à l’arabe classique nawba, « tour », avec l’idée de « à tour de rôle », ce qui, à première vue, n’a rien à voir avec les plaisirs.

Au-delà de la Méditerranée, les militaires utilisaient le mot pour désigner un service de garde, un corps de troupe faisant son service à tour de rôle. Or, il était d’usage de jouer périodiquement de la musique devant la maison d’un officier ou d’un dignitaire. Les musiciens prenaient cette fonction, se succédant, chacun à son tour. C’est ainsi que la nouba devint le concert lui-même, puis le type de musique qui y était joué, essentiellement composé d’airs populaires d’Afrique du Nord, orchestré avec les instruments d’usage dans l’armée, notamment fifres et tambourins.

La musique, comme chacun sait, est indissociable des moments festifs, et la langue est friande de mots expressifs pour les désigner. Pas étonnant que les poilus aient pris goût à cette nouba siégeant — bien avant la teuf, verlan assourdi de fête — aux côtés de bamboche, bamboula, bombe, bringue, fiesta, java et noce dans la longue liste des réjouissances collectives.

Le mot du Petit Robert

nouba

[ nuba ] nom féminin

ÉTYM. 1897 ♦ arabe d’Algérie nuba « tour de rôle », désignant la musique que l’on jouait à tour de rôle devant les maisons des dignitaires

1. ANCIENNEMENT. Musique militaire des régiments de tirailleurs d’Afrique du Nord, comportant des instruments traditionnels (fifres, tambourins). […]

Tomber des nues

être extrêmement surpris, décontenancé par un événement inopiné

Le problème avec la célébrité c’est qu’elle est éphémère. Un jour la presse à scandale vous porte aux nues, loue votre beauté, votre talent, et le lendemain, vous tombez des nues quand vous découvrez que le public vous délaisse. Pourtant, vous ne vous êtes pas mis à nu en racontant votre vie privée aux paparazzis. Vous êtes simplement tombé d’un lieu où il est difficile de se tenir de pied ferme. Et pour cause ! Le mot nue désigne au sens propre un nuage, car le nuage est aux nues ce que le feuillage est aux feuilles. Par extension poétique, la nue est le ciel tout entier : terrain meuble s’il en est !

Cet emploi s’est perdu, nue ayant été remplacé par ses deux dérivés, nuage et nuée, pour désigner ces phénomènes atmosphériques. Pourtant, le mot nue fait partie d’une importante famille qui regroupe des vocables aussi variés que noce, nuptial, nubile ou encore obnubiler. Cette diversité de sens vient du latin nubes, qui signifie « nuage » et, figurément, « voile » et « obscurité ». Selon la coutume romaine, la femme se couvrait d’un voile en se mariant ; aujourd’hui, un cerveau obnubilé est obscurci par une idée fixe. Si nue a vieilli, tomber des nues et porter aux nues se maintiennent, évoquant une impression de hauteur et d’instabilité extrêmes, celle que l’on ressent lorsqu’on abandonne ses certitudes ou que l’on perd brusquement ses illusions.

Au XVIIe siècle, Furetière affirme « qu’un poète, qu’un orateur s’élèvent au-dessus des nues quand ils ont un style élevé, des pensées sublimes ». Plus dure sera la chute. Les nues font ainsi écho aux métaphores rapprochant la renommée des astres et des sommets. La tête dans les nuages, on peut rêver de décrocher la lune, mais attention à ne pas tomber de haut, ce qui arrive aux rêveurs éveillés.

À titre d’exemple

« Je tombais des nues, j’étais ébahi, je ne savais que dire, je ne trouvais pas un mot. »

Jean-Jacques Rousseau, Confessions, 1782–1789.

O

Ne pas être en odeur de sainteté

être mal vu

Quand une personne n’est pas en odeur de sainteté auprès de quelqu’un, c’est qu’elle en est mal vue. On ne peut pas la sentir ou encore on l’a dans le nez. Belle cohérence des expressions françaises — en apparence. Car si l’on se penche sur cette formule, on lui découvre une origine pieuse assez surprenante.