Des linguistes y voient une simple onomatopée, faisant un rapprochement avec des mots expressifs comme patapon, patatras ou patati-patata. Pour d’autres, il viendrait de l’occitan patac, qui signifie « bruit, coup ». Mais l’hypothèse la plus plausible est celle d’une formation à partir d’une phrase fautive : à l’ingénu qui demandait n’est-ce point-z-à toi ? on aurait répondu ironiquement ce n’est pas-t-à moi, je ne sais pas-t-à qui est-ce. Cette hypothèse est d’autant plus probable qu’on a dit aussi pataqui-pataquiès.
Et c’est là le sens premier du mot pataquès : tout comme cuir et velours, c’est une faute de liaison. Faire un pataquès consiste à substituer un s à un t ou réciproquement, et de manière générale à faire entendre une consonne de liaison inexistante. L’idée de faute s’est étendue et le pataquès fut une bévue, un impair, une action maladroite. En gardant l’idée de la situation gênante, le mot a désigné toute affaire embrouillée : de là notre expression.
L’évolution de ce mot nous rappelle l’importance du discours, de la parole dans la vie : des erreurs langagières aux problèmes relationnels il n’y a qu’un pas. Dans un cas comme dans l’autre, mieux vaut éviter les liaisons dangereuses.
« La situation n’est pas catastrophique, il n’y a pas de quoi en faire tout un pataquès. Je vous rassure, on ne va pas déposer le bilan. »
Mettre la pédale douce
Voilà une étrange mécanique que cette pédale douce qui permet à celui qui l’actionne d’agir en douceur. Si depuis les années 1930 pédale est un synonyme familier de homosexuel, par jeu de mots sur pédéraste, mettre la pédale douce n’est pas « être légèrement gay ». Le cyclisme, domaine d’excellence de la pédale, n’est pas non plus à l’origine de l’expression, qui nous fait décidément « pédaler dans la semoule », sinon « dans la choucroute » et dans le vide. Plutôt que de les perdre, ces pédales, rétropédalons donc pour remonter le temps.
Bien avant l’invention de la bicyclette, la pédale était déjà un organe actionné par le pied : celles de l’orgue, puis d’autres instruments de musique, tels la harpe et le piano, sont mémorables. Or, le piano comporte un pédalier permettant de moduler le jeu. À droite, la pédale forte libère le son et prolonge la note. À l’opposé, l’actionnement de la pédale de gauche, ou pédale douce, diminue le volume sonore. Appelée aussi pédale sourde, petite pédale ou sourdine, elle amortit le son d’une note, le rend plus doux. Mettre la pédale douce, c’est appuyer dessus et, dans le domaine des sentiments, en atténuer l’expression, puis « agir en douceur ».
Le vélo étant plus souvent pratiqué que le piano, on pourra continuer à penser que mettre la pédale douce c’est ralentir en pédalant. Et l’on continuera de dire mets la pédale douce pour « ralentis » ou « vas-y mollo ! » En termes musicaux, mets la sourdine ! Doucement les basses ! Mets un bémol… et ce sera le pied !
« — Tu crois que toute cette histoire sera publiée dans la presse ?
Je ne pouvais pas lui répondre qu’on m’avait déjà ordonné de mettre la pédale douce. Au ministère, on préparait un scénario plus conforme à l’idée que les citoyens devaient se faire des garants de l’ordre public. »
Envoyer quelqu’un aux pelotes
Lorsque quelqu’un agace au point de mettre les nerfs en pelote, on peut avoir envie de l’envoyer aux pelotes. En d’autres termes, au diable, ou bien d’aller se faire voir chez les Grecs — ce que font d’ailleurs des millions de touristes avec bonheur. Mais on ne parle pas d’aller chez les Basques, qui aiment bien jouer à la pelote.
Cette pelote est sphérique. Le mot a d’ailleurs pour origine le latin pila « balle ». En français, le sens de « boule avec laquelle on joue », notamment à la paume, a été évincé par les mots balle et ballon, sauf dans pelote basque. La laine, qui se présentait naguère en échevaux, est aujourd’hui proposée en pelotes, et avoir les nerfs en pelote est bien proche de se mettre en boule.
Quand on envoie quelqu’un aux pelotes cependant, ce n’est pas pour jouer à la balle, ni pour tricoter. Souvenons-nous que peloton, qui désigne une petite pelote de fil, un amas en forme de boule se dit au figuré d’un groupe de personnes. Ce sens a prospéré en sport, à propos des chevaux de courses et des cyclistes, alors que dans l’armée, le peloton est un groupe de soldats.
Et comme l’armée ne badine pas, les soldats indisciplinés étaient envoyés au peloton de discipline, bientôt abrégé en pelote. En argot militaire, faire la pelote et aller à la pelote signifiaient « purger sa punition ». De là vient l’expression envoyer aux pelotes. Cela n’a rien à voir avec les pelotes de laine, les punitions consistant plus souvent à éplucher les pommes de terre ou à faire des pompes que du tricot.
« Dès que je parle d’investir dans du neuf, là-haut on m’envoie aux pelotes ! »
Regagner ses pénates
À moins d’être sans domicile fixe, il y a toujours un moment où, après une journée de travail ou une escapade, on finit par regagner ses pénates, par rentrer à la maison. En employant cette formule plaisante, on se place, sans trop le savoir, sous la protection des divinités de l’Antiquité.
Chez les Étrusques puis chez les Romains, les Pénates — en latin penates, de penus « provisions de bouche, comestibles » — étaient des dieux domestiques, veillant sur le garde-manger et le feu de cuisine. Le mot évoquait l’intérieur ; nous parlons encore de pénétrer dans un lieu. L’État romain avait aussi ses Pénates publics apportés en Italie, selon la tradition, par Énée, prince légendaire. Dans Troie en flammes, le fantôme d’Hector lui conseille de fuir : « Troie te confie ses objets sacrés et ses Pénates ; Prends-les, qu’ils accompagnent ton destin » lit-on dans l’Énéide.
Les Pénates, ces deux divinités, étaient représentés par des petites statuettes que les Romains disposaient à l’intérieur de la maison. Attachés à la famille, ces objets symboliques la suivaient dans ses déplacements et se transmettaient aux héritiers. C’est ce qui différenciait les Pénates des Lares, autres divinités domestiques, mais fixés en un lieu. On dit ainsi transporter ou installer ses pénates quelque part pour « changer de domicile » ou « s’installer ». « Les pénates de ma sœur sont transférés 47 rue des Martyrs » écrit Balzac dans sa Correspondance.