1. pignon
[ piɲɔ̃ ] nom masculin
ÉTYM. XIIe ♦ latin populaire °pinnio, onis, classique pinna « créneau »
■ Couronnement triangulaire d’un mur dont le sommet porte le bout du faîtage d’un comble. […]
Clouer au pilori
Cette expression un peu vieillie connaît encore une certaine fortune. Le verbe clouer suppose une forme de violence, des coups, une immobilisation forcée. Tel le Christ en croix, celui qui est cloué au pilori est livré sans défense à la foule qui le conspue. Mais comme, heureusement, le pilori a rejoint la roue et la guillotine dans le musée des horreurs du droit pénal, on ignore sur quoi on est cloué.
Le pilori fut un dispositif de bois destiné à immobiliser le condamné en lui enserrant la tête et les poignets. Ce supplice consistait à attacher, pour quelques heures et parfois plusieurs jours de suite, le malheureux, ainsi exposé au mépris et à la vindicte de la foule, qu’on exhortait à n’épargner ni injures ni crachats. C’était tout simplement un pilier, pila en latin, d’où au Moyen Age pilorium.
Le pilori faisait partie des peines dites « afflictives et infamantes » telles que la mutilation ou la flétrissure, des noms qui désignent une action. D’autres noms vont de l’instrument au supplice, comme gibet ou carcan. Situé sur l’échelle des châtiments de justice entre les peines légères et les peines capitales, ce type de peine « prive le coupable de la considération, de la confiance de sa patrie et de cette sorte de fraternité dont la société est le lien » écrit le juriste italien Cesare Beccaria dans son traité Des délits et des peines où il critiquait la torture. La punition était physique, par l’inconfort et la douleur de la posture, mais aussi symbolique, par l’humiliation causée par l’exposition à la haine du public.
Avant d’être abolie à la Révolution, la peine du pilori a connu des raffinements permettant de tourner le supplicié pour l’offrir plus largement aux huées et aux quolibets de la populace… C’est à cet appareil qu’est pilorié en place de Grève le pauvre Quasimodo, dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.
pilori
[ pilɔʀi ] nom masculin
ÉTYM. pellori 1165 ♦ latin médiéval pilorium, probablement de pila « pilier »
■ ANCIENNEMENT Poteau ou pilier à plateforme portant une roue sur laquelle on attachait le condamné à l’exposition publique. […]
Porter quelqu’un au pinacle
L’être humain est capricieux et son jugement peut changer en un instant. Ainsi, par exemple en politique, on peut soudainement être voué aux gémonies* ou cloué au pilori* après avoir été porté au pinacle, c’est-à-dire célébré, honoré, glorifié.
Pinacle vient du latin chrétien pinnaculum, de même origine que pignon*. Le pinacle, c’est l’élément d’architecture situé au faite d’un ouvrage, la partie la plus élevée d’un édifice. Ce fut en particulier le point le plus haut du Temple de Jérusalem. Dans un édifice gothique, c’est le couronnement de contreforts pointu et souvent ouvragé. La hauteur a toujours symbolisé les honneurs : être porté aux nues*, c’est aussi être admiré. Et ne dit-on pas de quelqu’un à l’apogée de sa carrière ou de son succès qu’il est au faîte de sa gloire ?
Un sens plus ancien a probablement influencé l’expression, lorsque pinacle désignait aussi le sommet d’une montagne. Or, les cimes sont certainement les hauteurs les plus à même de représenter la gloire, notamment par référence aux récits bibliques. Ainsi, Moïse reçoit les commandements en haut du mont Sinaï et, après le Déluge, Noé et son arche échouent sur le sommet du mont Ararat. Ce sont des lieux où Dieu se manifeste aux prophètes. Les sommets rapprochent des cieux et du divin.
Au figuré, on a d’abord dit que l’on mettait quelqu’un sur le pinacle. Dans La Cousine Bette, Balzac raille l’ambitieux en ces termes : « Oh ! il se croit sur le pinacle, il a de l’orgueil, le jeune homme ». Puis on va le porter au pinacle, formule restée usuelle même si l’on n’en connaît plus l’origine. D’ailleurs, qui tutoie les sommets court le risque de tomber de haut.
pinacle
[ pinakl ] nom masculin
ÉTYM. 1261 ♦ latin ecclésiastique pinnaculum, de pinna → 1. pignon
1. Faîte d’un édifice (spécialement du Temple de Jérusalem).
♦ Dans l’architecture gothique, petite pyramide ajourée ornée de fleurons servant de couronnement à un contrefort. […]
C’est du pipeau
Quand un fanfaron raconte à ses amis comment il a accompli une foule d’exploits, l’un d’entre eux fait parfois, pour se moquer de lui, un geste plaisant : pour montrer qu’il ne croit pas un mot aux histoires du vantard, il mime, les mains devant la bouche, les mouvements du joueur de flûte, comme s’il en jouait. Ce geste ironique est une manière imagée d’évoquer l’expression c’est du pipeau.
Mais pour quelle raison cet instrument, plutôt qu’un autre, sert-il à traduire un sentiment d’incrédulité ? On pourrait penser que l’explication réside dans les propriétés envoûtantes des instruments à vent. C’est de la flûte qu’on joue pour charmer les serpents.
Si le pipeau est une petite flûte champêtre, c’est aussi un appeau pour attirer les oiseaux à la chasse. Pipeau vient du verbe piper, qui signifiait « pousser un petit cri », notamment en imitant le cri spécifique d’un oiseau afin de leurrer l’animal et de l’attirer. Quand on ne pipe mot, on se tait. Quand on pipe, on trompe. Dans son Dictionnaire, Furetière précise que « Le laurier ajusté dans un pipeau contrefait le cri des vanneaux. Avec des pipeaux convenables on prend toutes sortes d’oiseaux ».
Par analogie de fonction, le mot pipeau a aussi désigné un piège à petits oiseaux, fait de menus branchages enduits de glu. Cet artifice avait donné lieu à des expressions figurées comme éviter les pipeaux de quelqu’un ou se laisser prendre à ses pipeaux. Dès lors, pipeau est associé à la tromperie et raconter des mensonges peut se dire pipeauter. Au jeu de dés, le tricheur emploie des dés pipés*.