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En italien, par le pouvoir de ces augures latins, on ne manquera pas de féliciter ses proches par un auguri ! joyeux : une façon de placer une année nouvelle ou un anniversaire sous les meilleurs auspices*.

À titre d’exemple

« Il reconnut ou crut reconnaître ses propres traits dans ceux de l’homme assis près de sa sœur […] et pour les Orientaux, voir son propre spectre est un signe de mauvais augure. »

Gérard de Nerval, Voyage en Orient, 1851.

À l’aune de

d’après ; en prenant pour référence

Mesurer quelque chose à l’aune d’une autre revient à les mettre en rapport, a prendre la seconde comme référence pour apprécier la valeur de la première. C’est une manière élégante de dire « d’après » et, en se penchant sur son histoire, on comprend pourquoi c’est en mesurant.

Aune vient d’un mot d’origine germanique désignant l’avant-bras. C’était une unité de longueur et son nom apparaît dans la Chanson de Roland. Il était courant que l’homme évalue l’espace qui l’entoure et le découpe en segments en prenant son propre corps comme point de comparaison. En l’absence d’instruments de mesure, c’est un moyen commode et toujours disponible, mais approximatif. Le pouce, le pied, sont des étalons utilisés depuis l’Antiquité, de longueur variable selon les lieux et les époques et d’abord selon la taille de chacun ! Le coude (jusqu’au bout des doigts) nous a légué la coudée*, appréciée lorsqu’elle est franche, et l’avant-bras est a l’origine de l’aune.

Le terme aune s’est répandu comme unité d’environ un mètre vingt (un très long avant-bras !) et a surtout été utilisé dans le commerce des étoffes. Jusqu’au XIXe siècle, époque à laquelle cette unité fut supprimée, on pouvait acheter quelques aunes de drap. Les marchands d’étoffes, pour mener à bien la coupe, se sont dotés d’un instrument, une règle de bois correspondant exactement à la longueur d’une aune. Ce bâton, adopté comme symbole de la profession, a motivé l’ironique chevalier de l’aune.

Certaines expressions modernes ont conservé la trace de l’origine très concrète du mot, sur le mode hyperbolique : un nez long d’une aune est démesurément long, une bouche ouverte large d’une aune est béante et marque la perplexité ou la surprise. Mesurer à son aune, c’est juger d’après ses propres critères, voir midi à sa porte. L’aune de Paris valait précisément trois pieds, sept pouces et huit lignes. Il ne tient qu’à vous de le vérifier, mais il faut s’y mettre à plusieurs !

À titre d’exemple

« Cet atlas était l’aune à laquelle il mesurait nos travaux. Avant de quitter l’atelier et partir pour le palais royal, chacune de nos cartes devait subir l’examen de comparaison. »

Erik Orsenna, L’Entreprise des Indes, 2010.

Sous les meilleurs auspices

dans des conditions favorables

Voilà une expression qui inspire la sympathie — à condition toutefois de ne pas confondre le mot auspice avec son homonyme hospice, bien moins réjouissant. Il ne s’agit pas de maladie, au contraire ! Lorsqu’un projet se présente sous les meilleurs auspices ou sous d’heureux auspices, c’est de bon augure*, nous sommes en confiance. Nous savons que le ciel est dégagé, qu’aucun nuage ne devrait ternir nos perspectives d’avenir.

Car c’est bien de ciel qu’il s’agit : le mot auspice vient du latin auspicium, de avis, « oiseau », et du verbe specere, « regarder », d’où viennent aspect et spectacle. L’auspice est donc, étymologiquement, le fait de scruter le vol des oiseaux et, en général, leur comportement. Le prêtre chargé d’en déduire des présages était nommé auspex.

Le français n’utilise plus le vocable qu’au pluriel : en matière de prédiction sur l’avenir, il est sans doute plus prudent de prendre son temps et d’interpréter plusieurs auspices plutôt qu’un seul… On préfère aussi les bons aux mauvais auspices : au XIVe siècle déjà, auspices signifiait « heureux présage ».

L’expression moderne a renforcé ce penchant, en ne retenant que le superlatif de bon. À l’époque de Rousseau, les auspices pouvaient encore être funestes, même si le sens des « heureux auspices » était déjà dominant. Mais Jean-Jacques n’était pas toujours pessimiste, et décrit dans l’Émile « deux jeunes époux, unis sous d’heureux auspices ».

Toute compétence pour interpréter le vol des oiseaux s’étant perdue, nous parlons aujourd’hui d’heureux auspices lorsque nous évaluons favorablement une situation. En cas de déception, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes : si la situation se gâte, ne blâmons ni le destin ni les oiseaux.

Le mot de Stéphane De Groodt

Pour les amateurs de vin, cette expression sous-entend « être au meilleur endroit », en l’occurrence aux hospices de Beaune, réputés pour leur vente annuelle de vin.

Tous azimuts

qui utilise tous les moyens et a les objectifs les plus variés

Si on lit dans le journal ou qu’on entend à la radio que le gouvernement lance des actions tous azimuts pour améliorer la sécurité routière ou pour lutter contre l’illettrisme, on comprend que les mesures les plus diverses vont être prises pour que l’objectif soit atteint. Quant à savoir ce qu’est un azimut, c’est une autre affaire.

Apparu en français par la grâce de l’espagnol acimut, le mot vient de l’arabe az-samt qui signifie « chemin » et, en astronomie, « point de l’horizon ». L’azimut est, pour le navigateur, un moyen de définir sa position : c’est l’angle formé par le plan vertical d’un astre avec le plan méridien, celui qui passe par l’axe de rotation de la Terre et par l’observateur. Les termes d’astronomie et de mathématiques issus de l’arabe sont nombreux. Az-samt est d’ailleurs aussi à l’origine du mot zénith.

C’est au début du XXe siècle qu’apparaît, venant des artilleurs, l’emploi figuré du mot avec l’expression dans tous les azimuts, bientôt raccourcie en tous azimuts.

Une pièce d’artillerie tous azimuts peut tirer dans toutes les directions. Le sens s’est ensuite étendu, comme dans défense tous azimuts. La valeur abstraite a fait disparaître la connotation guerrière. On parle ainsi de publicité, de communication et plus généralement d’actions tous azimuts.

Si son origine est souvent ignorée, l’expression connaît de nos jours un certain succès. Ses sonorités amusantes — les « zazimuts » — n’y sont pas étrangères. Par une facétie de la langue, on retrouve un lien avec l’astronomie dans un dérivé de azimut : azimuté, issu de l’argot des artilleurs, est synonyme de fou. Ne dit-on pas du gars azimuté qu’il a perdu le nord ?