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À titre d’exemple

« Ne possédant aucune relation personnelle ou politique, parvenu presque au bout de mon rouleau, n’ayant ni fortune ni parents […] »

Céline, Mort à crédit, 1936.

C’est de la roupie de sansonnet

c’est une chose insignifiante

C’est une broutille, de la gnognote ou encore de la roupie de sansonnet, voici des façons imagées de dire la même chose : c’est sans importance. Une broutille est à l’origine une petite branche. Gnognote, comme gnangnan, est une onomatopée. Quant à la roupie de sansonnet, composée de deux termes un peu oubliés, elle évoque elle aussi l’insignifiance.

Cette roupie, cependant, est sans rapport avec l’unité monétaire indienne ; il s’agit d’un autre mot, tombé en désuétude, d’ailleurs peu ragoûtant, qui signifie « goutte qui pend du nez ». Ce synonyme vieilli de morve renvoie à l’humeur sécrétée par la muqueuse nasale et un roupieux était un morveux, une personne avec la goutte au nez. Furetière remarque dans son Dictionnaire que « Les enfants ont souvent la roupie au bout du nez, ils n’ont pas soin de se moucher. » Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle des morveux.

On a d’abord dit de la roupie de singe, expression qui évoquait la médiocrité. Au fil du temps, le singe a fait place à un autre animal, un oiseau, le sansonnet, qui n’est autre que l’étourneau. Certains font dériver cette appellation de Samson, dont elle serait un diminutif. L’oiseau étant souvent en cage, on aurait voulu rappeler la captivité du personnage de l’Ancien Testament.

Malgré les énigmes que soulève cette expression, ce petit oiseau et sa goutte au bec évoquent de petits riens sans valeur, des bricoles qui ne méritent aucune attention. Ce qu’on peut aussi appeler du pipi de chat ou de la crotte de bique : les excrétions animales sont volontiers convoquées pour dénoncer la piètre qualité ou l’insignifiance.

Le mot de Petit Robert

1. roupie

[ ʀupi ] nom féminin

ÉTYM. XIIIe ♦ origine inconnue

VIEILLI Goutte qui pend du nez, découle du nez. […]

Payer rubis sur l’ongle

payer comptant, jusqu’au dernier sou et sur-le-champ

Le rubis, c’est « le rouge » par excellence, car le mot latin du Moyen Âge rubinus vient de l’adjectif rubeus « rouge » employé pour désigner une pierre précieuse de cette couleur. Ce mot a fourni, outre le français rubi (le s est celui du pluriel : faute d’orthographe vénérable !), les mots provençal, italien, espagnol, allemand désignant cette pierre.

Dans la symbolique des pierres, le rubis bénéficie de prestigieuses références. Le rubis, dans les textes sanskrits, c’est le « seigneur des pierres » ; dans la Bible, l’un des joyaux du pectoral d’Aaron, portant le nom des douze tribus d’Israël. Sa couleur rouge l’associe à la planète Mars, dans le zodiaque, au lion. Il représente la vaillance, le courage. Dans la poésie persane, c’est la goutte de sang qui représente la vie, et aussi, par une association liée à l’ivresse des sens, la goutte de vin.

C’est dans un contexte moins poétique qu’est apparue en français la relation entre le rubis et l’ongle. On a dit, dans les cabarets de l’époque de Louis XIII, qu’on faisait ou qu’on buvait rubis sur l’ongle lorsqu’après avoir vidé son verre à la santé de quelque copain, s’apercevant qu’il restait une goutte au fond et ne voulant rien laisser perdre, on vidait le verre sur l’ongle du pouce, qu’on léchait, écrit Pierre Leroux dans son Dictionnaire comique, « pour marquer l’attachement qu’on avait » pour la personne à la santé de qui on levait le coude.

Du fait que cette façon de vider son verre voulait dire « vite et complètement » (un peu comme dans cul sec), on oublia le vin rouge pour ne retenir que la rapidité et le caractère total de l’opération. Appliqué à l’argent et au paiement, rubis sur l’ongle correspondait à « jusqu’au dernier sou » et « comptant », voire « recta ». Du cabaret et des joyeuses santé ! portées en buvant un bon coup, demeurait l’impression de confiance et d’amitié. Et le rubis continuait peut-être à suggérer le bon cœur que supposent ces attitudes bien honnêtes.

À titre d’exemple

« Garland n’avait jamais eu le moindre problème avec lui, Claramunt avait toujours été nickel, quelques retards de paiement parfois, mais dès qu’il le pouvait, il payait rubis sur l’ongle. »

Véronique Ovaldé, La Grâce des brigands, 2013.

S

En cinq sec

rapidement

Sido, la mère de Colette, dans La Maison de Claudine, s’interroge à propos de l’avenir d’une petite du village qui a « fauté ». Une voisine lui répond aussi sec : « Comment, ce qu’ils vont faire ? Les marier en cinq sec, naturellement ! » Autrement dit, les noces doivent être célébrées dans les plus brefs délais. Que la voisine ne soit pas à sec de ragots sur les cinq à sept de la jeune fille d’à côté, on comprend cela. Mais au sujet de l’expression qu’elle utilise, on y voit moins clair. Faudrait-il, au nom des bonnes mœurs, les marier en cinq secondes ?

Non pas. Le mot sec a toujours eu de nombreux sens. On qualifie de sec une chose, un lieu dépourvus d’humidité, mais aussi quelqu’un qui ne boit pas, une personne maigre, au figuré indifférente, ou encore un style sans émotion. L’expression en cinq sec(s), apparue il y a environ 120 ou 130 ans, provient d’un univers qui n’a cure du taux d’humidité : les tables de jeu. À l’écarté, jeu de cartes en vogue à cette époque, on joue une partie en cinq points, qui sont soit liés, soit secs. Si l’on décide de jouer en points liés, on joue en deux manches de cinq points avec éventuellement une belle. Si l’on choisit l’autre manière, un des joueurs remportera la partie en une seule manche, sans revanche possible, donc très rapidement, en cinq secs.

Devenu adverbe au moment où l’expression est passée au figuré, notre sec, n’étant plus adjectif, a perdu le s du pluriel. Le cinq n’est pas seul à pouvoir être sec, et tout chiffre sec est, en matière de délai, une menace. Autant dire qu’avoir à faire quelque chose en cinq sec est un peu stressant. Au point qu’on peut l’avoir sec !

À titre d’exemple

« Séraphin la trouva rhabillée à côté de lui, en cinq sec, avant même d’avoir bougé. »