Être sur la sellette
Quelle est cette « petite selle » que l’on devine dans sellette ? A-t-elle à voir avec les sports équestres ? Le mot désigne notamment un petit meuble destiné à porter une statue ainsi exposée aux regards, et donc aux critiques, mais telle n’est pas l’origine de l’expression.
Sellette est bien le diminutif de selle. Avant de devenir une pièce importante en équitation, offrant une posture droite au cavalier, la selle était un petit siège de bois sans dossier, une sorte d’escabeau ou de tabouret. Le mot a pour origine le latin sedere, « être assis, demeurer ; être fixé », qui est à l’origine de seoir et asseoir, et aussi de assiette, qui conserve l’idée de position dans ne pas être dans son assiette*.
Cette position assise fait le lien entre la selle et la sellette. Il s’agissait d’un petit siège bas sur lequel on faisait asseoir l’accusé. « L’interrogatoire sur la sellette est la pièce la plus essentielle de l’instruction d’un procès criminel » nous dit Furetière dans son Dictionnaire. On comprend que Calas « ne put répondre quand il fut traîné sur la sellette », défaillant au moment crucial, ainsi que le rapporte Voltaire. Ne pouvant s’adosser, soumis au feu roulant des questions, l’accusé courbait le dos. Celui qui est sur la sellette est dans une position fragile, instable, inconfortable, soumis au jugement d’autrui, redoutant le verdict. Le petit tabouret s’est confondu avec la position inférieure de l’individu interrogé.
L’usage de la sellette disparut avec la Révolution et l’origine de cette expression n’est plus perçue. Le coupable présumé est toujours assis au tribunal et être au banc des accusés n’est pas plus confortable.
Pour monter un grand cheval il faut une grande selle. Pour monter un poney il faut une petite selle. Être sur la sellette sous-entend que l’on monte un poney ou un petit cheval.
Un coup de semonce
Qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas de semailles ni de semences. Le coup de semonce vise à mettre en garde la personne à qui l’on s’adresse, à lui faire comprendre de ne pas aller plus avant sous peine de représailles. Même sans savoir ce qu’est la semonce, on saisit l’avertissement.
Le mot provient de l’ancien verbe semondre, signifiant « exhorter à faire quelque chose », changeant le sens de son modèle, le verbe latin submonere « avertir (monere) en secret ». Semondre « avertir, inviter » est déjà passé de mode au XVIIe siècle et ne s’emploie plus que dans quelques circonstances formelles, comme « Semondre à un enterrement, aux noces », selon Furetière. Une semonce, c’est d’abord une simple invitation à agir, avant que le mot ne se spécialise. Au XIIe siècle, ce fut un appel du roi ou du seigneur à ses vassaux, puis une convocation en justice. À partir du XVIe siècle, un avertissement surtout sous forme de reproche, une réprimande, sens qui a survécu dans un usage littéraire. L’anglais a conservé summons, « injonction ».
D’où vient alors le coup de la semonce ? D’une époque où les avertissements pouvaient se signifier au son du canon. Dans le vocabulaire maritime, le coup de semonce est le coup de canon envoyé par un vaisseau afin d’ordonner à un navire approchant de montrer ses couleurs ou de s’arrêter. La poudre ayant remplacé les boulets de jadis, on parle aujourd’hui plutôt de tir de semonce : un tir en l’air donnant l’ordre à une manifestation de se disperser, par exemple.
Synonyme de sommation, le coup de semonce n’est plus réservé aux pirates, et peut s’adresser à quiconque dépasse les bornes.
semonce
[ səmɔ̃s ] nom féminin
ÉTYM. XIIe ; summonse XIe ♦ participe passé fém. subst. de l’ancien français somondre, latin submonere « avertir en secret »
1. VIEUX Ordre de comparaître, convocation (émanant d’un roi, d’un seigneur).
■ MOD. MAR. Ordre de montrer ses couleurs, de s’arrêter. […]
Un suppôt de Satan
Un suppôt de Satan n’est évidemment pas un suppositoire maléfique ! On comprend bien que le suppôt dont il est question ici est un individu qui a partie liée avec le diable, et cela ne met guère en confiance. Mais quel rapport un suppôt entretient-il avec le Malin ?
Impossible de percer ce mystère sans revenir à l’origine latine du mot. Suppôt vient de supponere, « placer en dessous », ce qui est vrai aussi, physiologiquement et étymologiquement, du suppositoire. Le suppôt est le vassal, le sujet de quelqu’un, celui qui est placé sous ses ordres ; c’est une personne soumise et subordonnée à une autre. « Les imprimeurs et les libraires étaient les suppôts de l’université », nous dit Littré. Théophile Gautier, dans Le Capitaine Fracasse, désigne un médecin comme le « suppôt d’Esculape ». Ce suppôt-là était tout à fait fréquentable.
En s’acoquinant avec un personnage peu recommandable, suppôt est devenu péjoratif. Dès lors, les suppôts furent présentés comme les acolytes de personnages mythologiques peu reluisants. On a dit suppôt de Bacchus pour désigner un ivrogne ; plus grave, les individus animés de mauvaises intentions sont des suppôts de Satan. Le prince des ténèbres, pour accomplir sa besogne, est secondé par les légions infernales. C’est dire si ses suppôts sont nombreux !
Le sens de l’expression s’éclaire : non seulement on vilipende une personne en la rapprochant de celui qui représente le Mal absolu, mais encore on lui fait l’affront, au passage, de la traiter de sous-fifre…
« Tu n’entreras pas, suppôt de Satan ! s’écria Manon qui reconnut le procureur général et qui se mit devant la porte du salon. Viens-tu pour tuer Madame ? »
Couper le sifflet à quelqu’un
Le sifflet est certainement l’un des objets les plus désagréables que l’homme ait inventé. C’est l’instrument pour rappeler à l’ordre, pour manifester son insatisfaction, utilisé par les agents de police, les arbitres et les spectateurs mécontents. À ces auteurs de sons aigus, impératifs et impolis, on aimerait souvent couper le sifflet. On pourrait penser que cette expression rapproche la parole agressive, qui agace, du son pénible d’un sifflet. Il n’en est rien.