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Dérivé du verbe siffler, ce nom désigne dès le Moyen Âge un petit instrument formé d’un tuyau court, qui émet un son aigu. À la fin du XVIe siècle, sifflet s’est employé par métaphore pour désigner le conduit de la respiration : l’air que l’on inspire et expire passe par le gosier, comme l’air nécessaire à la vibration de l’instrument.

Le sifflet est un soufflet, en plus serré. Serrer le sifflet à quelqu’un, c’était l’étrangler, et couper le sifflet, littéralement, lui trancher la gorge ! Le procédé est radical ; Furetière, dans son Dictionnaire, le résume ainsi : « les poulets qu’on égorge crient toujours jusqu’à ce qu’on leur ait coupé le sifflet ». Couic, terminé.

L’expression s’est maintenue seulement pour exprimer un silence imposé, aux côtés de couper la chique, de rabattre le caquet* ou même de fermer la bouche. De nos jours, pour couper le sifflet à quelqu’un, pas besoin d’arme blanche. Il suffit d’un peu de fermeté ou d’un bon sens de la répartie.

À titre d’exemple

« Le Gros la stoppa avec l’un de ses souliers rudement lancé qui atteignit la pute au creux des reins, lui coupant le sifflet. »

San-Antonio, Chauds, les lapins ! 1986.

Payer en monnaie de singe

récompenser : belles paroles, des promesses creuses

Le singe, étonnant animal, est connu pour ses facéties et ses grimaces. La légèreté qu’on lui prête serait-elle à l’origine de payer en monnaie de singe, où la monnaie en question ne vaut rien ? Cette connotation a peut-être contribué au succès de l’expression, mais celle-ci a une origine bien précise.

Si le singe a une forte valeur symbolique, il est aussi associé à ce qu’on appelle aujourd’hui les arts de la rue. C’est, depuis l’Antiquité, l’un des animaux favoris des bateleurs, qui le dressent à faire des tours et à se produire en public. Supposé rusé, il amuse et plaît par son adresse, mais aussi par son étrange proximité avec l’être humain qu’il semble contrefaire.

L’association des simiens avec la monnaie remonte au Moyen Âge. La traversée du Petit Pont, reliant, à Paris, l’île de la Cité à la rive gauche, était soumise à un droit de péage. En étaient exemptés les saltimbanques, s’ils offraient au péager, en échange, un numéro de leur spectacle. Les gambades d’un singe savant convenaient. Le non-paiement n’était donc pas une tromperie mais un droit acquis par une prestation en nature.

Dès le XVIe siècle, payer en monnaie de singe évoque les tentatives de séduction visant à remplacer une rétribution. Belles paroles et promesses, la publicité aujourd’hui, sont de la fausse monnaie. Certains se laissent abuser par un miroir aux alouettes, d’autres se méfient de la poudre* jetée aux yeux. Un autre dicton rappelle que ce n’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire la grimace.

À titre d’exemple

« On ne donne pas d’amour mais on prétend mettre à sa place quelque chose de bien meilleur et de plus digne. C’est de la monnaie de singe. »

Joseph Arthur de Gobineau, Les Pléiades, 1874.

Tout son soûl

à satiété, autant qu’on veut

Un musicien qui joue tout son soûl ne joue pas nécessairement de la musique soûl, c’est-à-dire une musique qui vient de l’âme, en anglais américain. De même, un gastronome qui mange tout son soûl n’a pas forcément dépensé tous ses sous. Mais l’un comme l’autre ont en commun de jouer, de manger autant qu’ils le souhaitent, et jusqu’à satiété.

De nos jours, l’adjectif soûl (la graphie saoul, saoule n’est plus guère utilisée) est employé pour qualifier l’état d’une personne ivre, autrement dit d’une personne qui a bu trop d’alcool. Le mot signifiait à l’origine « rassasié, repu ». Employé pour exprimer qu’une personne avait bu et mangé plus que de raison, ses emplois ont évolué.

Tout d’abord, soûl pouvait s’employer aussi en tant que nom, comme synonyme de « satiété », ainsi que notre expression, apparue au XVe siècle, en témoigne. En outre, la sensation de satiété qu’il dénotait était perçue de manière positive : il désignait non pas l’excès, mais la satisfaction. Furetière donne pour exemple « c’est un fort petit mangeur, il est saoul de peu de chose », indiquant qu’il se contente de peu.

L’expression est un vestige de ce sens ancien. Elle nous rappelle de surcroît que la perception de la satiété varie. L’emploi ambigu du mot soûl fait penser à cet égard à la formule en avoir assez, qui renvoie au fait d’être satisfait aussi bien qu’à celui d’être excédé au point de ne plus supporter quelque chose. Lorsque la limite de la satiété est franchie, ces deux expressions se prennent en mauvaise part. C’est ainsi qu’est apparu un nouveau sens du verbe soûler, dans la tournure tu me soûles, dénotant un grand agacement. Tout soûls qu’ils sont, les ivrognes sont parfois soûlants autant que soûlés.

À titre d’exemple

« Ma femme est morte, je suis libre ! Je puis donc boire tout mon soûl. »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Le vin », 1867.

Être trempé comme une soupe

être complètement trempé

Dire, sans intention particulière, qu’on a été trempé comme une soupe, ce qui se fait depuis l’époque de Louis XVI, c’est, l’air de rien, faire de l’histoire des mots.

Il se trouve que ce mot, soupe, fait l’objet d’une guerre étymologique, les uns y décelant un terme germanique de cuisine, d’autres y voyant un effet du latin supinus « tourné vers le haut » et donc « couché sur le dos ». Ceci, parce que la soupe dont on parle au Moyen Âge est une tranche de pain « couchée » au fond d’un récipient — la soupière — avant qu’on la recouvre de bouillon ou de potage. De même que, dans la réalité, liquide et solide se mêlaient, les mots le firent aussi, et, au XIVe siècle, soupe désigna à la fois le pain à tremper et le résultat du trempage. Cette confusion du solide et du liquide a toujours des effets : on dit encore manger sa soupe et non la boire, même si c’est à la cuillère.

La soupe était donc coupée en tranches (on disait tailler des soupes et une soupe de pain) pour être trempée et l’expression tremper la soupe exprimait cette opération culinaire. L’idée d’imprégnation se retrouve dans une expression plaisante et oubliée, être ivre comme soupe, c’est-à-dire « complètement imbibé, soûl ». Bien des expressions où soupe signifie « tranche de pain » ont disparu, du fait que le mot a cessé de s’employer dans ce sens : là où des pâtissiers disent pain perdu, pain doré, on parlait encore de soupe dorée au XVIIe siècle et les Italiens continuent à faire de la zuppa inglese, qui est un gâteau.