« Virgilio piaffait d’impatience aux côtés de l’infirmière de garde qui appelait tous azimuts et ne calcula pas immédiatement la jeune fille en manteau blanc. »
B
L’avoir dans le baba
Quand on l’a dans le baba, on est si fâché d’avoir été dupé qu’on ne se consolera ni en mangeant un baba au rhum, ni en se lovant dans les bras d’une de ces grands-mères russes qu’on appelle des babas, ni en fréquentant des babas cools. En effet, quand on l’a dans le baba c’est qu’on a été trahi de la pire manière : par derrière.
Baba, dans cette expression, désigne en effet le postérieur du malheureux dupé. L’origine du mot est incertaine mais l’image se comprend si l’on évoque certaines babines. Au début du XXe siècle, baba a d’abord désigné en argot le sexe de la femme : les rapprochements de sens bouche-vulve (avec les lèvres) et vulve-anus sont fréquents. Et il est des séants si rebondis qu’ils rappellent des visages ronds, les fesses évoquant des joues dodues.
Si l’expression n’a guère plus d’un siècle, ce genre de métaphore ne date pas d’hier. Depuis le Moyen Âge, la tradition carnavalesque, avec ses chansons paillardes et ses contes grivois, célèbre joyeusement un tel renversement. Et l’image perdure quand on dit vulgairement qu’on l’a dans le cul, dans l’os (du coccyx), qu’on s’est fait posséder, baiser, entuber (pour éviter un verbe de sonorité proche). En français du Canada, c’est plutôt se faire fourrer.
La langue populaire convoque donc l’image du derrière pour évoquer la duperie, comme la langue plus soutenue utilise celle du dos pour signifier la trahison : un traître poignarde quelqu’un dans le dos et médit dans son dos. Mais en avoir plein le dos ressemble bien à plein le cul (ras le bol est plus convenable). Ces parties vulnérables du corps humain sont donc les cibles des pièges sournois, ce qui nous laisse assurément babas… Mais ce baba-ci viendrait de ébahi !
L’avoir dans le baba c’est une autre manière de dire que « tous les chemins mènent au rhum », car il y en a toujours dans le baba.
Le ban et l’arrière ban
Pour signifier, avec une pointe d’ironie, qu’une personne a réuni autour d’elle une nombreuse assemblée, on dit qu’elle a convoqué le ban et l’arrière-ban. Pour se sentir soutenu dans un moment décisif ou pour faire face à une difficulté, on appelle à la rescousse ses proches et ses connaissances, sans forcément les convier à s’asseoir sur un banc.
D’origine germanique, le mot ban désignait au Moyen Âge la convocation faite par le suzerain à ses vassaux. Le seigneur féodal était à la tête d’un territoire soumis à son pouvoir et à sa juridiction. Par une proclamation, le suzerain convoquait ses vassaux dans le but d’ordonner ou défendre quelque chose. Plus tard, le mot ban a désigné l’ensemble des nobles ainsi convoqués.
Plus surprenant, l’arrière-ban n’est pas un ban en arrière, car ce mot est issu de l’ancien français herban, mot oublié au fil des siècles. D’origine germanique, ce herban, en ancien allemand heriban, était une convocation à l’armée des hommes libres en état de porter les armes. Une armée de réserve, en quelque sorte, venant derrière les troupes actives. Au figuré, un ultime recours.
Ainsi, quand un seigneur convoquait le ban et l’arrière-ban, il rassemblait ses vassaux et les vassaux de ses vassaux en renfort. Avec la fin de la féodalité, ce droit a disparu. L’expression est réapparue au début du XIXe siècle avec le goût romantique pour le Moyen Âge. Et il est toujours rassurant de se comporter en seigneur pour se sentir moins seul face aux vicissitudes de l’existence.
ban
[ bɑ̃ ] nom masculin
ÉTYM. v. 1130 « convocation faite par le suzerain à ses vassaux pour le servir à la guerre » ♦ francique °ban […]
3. FÉOD. Convocation des vassaux par le suzerain, et PAR EXTENSION Le corps de la noblesse ainsi convoqué. […]
Être pendu aux basques de quelqu’un
Lorsque quelqu’un fait preuve d’une amitié envahissante, on dit de lui qu’il nous colle, qu’il est collant. La métaphore a le mérite d’être comprise de tous, y compris de ce pot de colle. Lorsque la situation devient insupportable, on a envie de lui crier : arrête de me coller aux basques ! Et cela n’a rien à voir avec le Pays basque ou avec ses habitants.
Aujourd’hui, on pourrait croire que ces basques ont un rapport avec les chaussures de sport, car on peut demander à l’importun de nous lâcher les baskets. Mais non, les baskets n’ont rien à voir avec ces basques-là.
Il faut remonter bien loin dans le temps pour comprendre cette expression : au XVIe siècle, où vraisemblablement nul gentilhomme ne portait de baskets. Mais des basques, certainement : la basque était la partie rapportée d’une veste qui partait de la taille et descendait plus ou moins bas sur les hanches. Son nom serait une déformation de baste, mot de la famille de bâtir, qui signifie en couture « assembler provisoirement et à grands points les parties d’un vêtement ».
Être pendu (ou s’accrocher) aux basques de quelqu’un, c’est donc concrètement s’accrocher à sa veste. L’expression a perdu sa raison d’être depuis que les jaquettes ont cédé la place aux blousons et aux doudou nés. Les temps ont passé et les basques ont disparu, il n’empêche que certains mots ne peuvent être décollés du bout de notre langue. Si l’ami envahissant lancé à vos trousses* continue à vous coller aux basques, attendez-vous à des questions à brûle-pourpoint*.
Coller quelqu’un aux basques c’est le fait d’habiter dans une région limitrophe du Pays basque. De par leur situation géographique, les habitants du Sud-Ouest sont probablement ceux qui collent le plus aux Basques.
C’est là que le bât blesse