Au sens figuré, l’expression permet de concéder la nécessité de reprendre un raisonnement où une erreur a été constatée, et signifie qu’on va reconsidérer les choses depuis le début.
On voit quel faux problème pose cette double graphie, et au temps pour moi, pourtant impeccable, est souvent tenue pour fautive. À ceux qui redouteraient d’employer cette expression, craignant la faute, on peut donner ce conseil : facilitez-vous la tâche en optant pour la formule latine mea culpa !
« Un peu plus tard, il avait fait une erreur dans un raisonnement délicat et il avait dit gaiement : Au temps pour moi. »
À juste titre
Du titre de transport au champion qui défend son titre en passant par le titre d’un film, on s’y perd. De quel titre s’agit-il dans cet à juste titre, qui signifie « avec raison, à bon escient* » (autre bizarrerie) ?
Le mot titre provient du latin titulus qui avait le double sens d’« inscription » et de « distinction (par le rang, le statut) ». Il désignait à l’origine une affiche ou un écriteau porté au bout d’un bâton dans les triomphes militaires et sur lequel étaient inscrits en gros caractères le nombre de prisonniers et les noms des villes prises.
Si le mot titre a conservé en français les valeurs d’inscription et de désignation honorifique, il a pris de nombreux autres sens. Dès le XIIIe siècle, titre désigne en effet ce qui établit un droit, et particulièrement un écrit conférant le droit à une possession, une dignité ou une fonction. Furetière nous rappelle que le titre de noblesse est l’« acte authentique par lequel on prouve son droit, sa noblesse ». Et nous parlons toujours de titres de propriété ou de titres de séjour.
Ce sens a donné naissance aux expressions à bon titre, à juste titre, « à bon droit », « légitimement », étant entendu que la personne qui agit à juste titre est reconnue comme étant fondée à agir de la sorte. De même, l’interrogation à quel titre ? revient à demander de quel droit on a agi.
Et c’est à juste titre qu’on peut s’interroger sur le sens précis des mots qu’on emploie spontanément, dans des expressions qui auraient bien besoin de sous-titres.
« Persicaire haïssait la “mesure française”. Il estimait, à juste titre, que notre langue est la plus apte aux poèmes, la plus propice à tirer juste, la plus cruelle, la moins poétique, en un mot. »
Faire une touche
Pour certains, le célibat est un océan de solitude. D’autres ont l’impression de voguer sur une mer peuplée de sirènes. Le dragueur qui cherche à faire une touche tend l’hameçon de son charme. Alors, ça mord ?
Car il s’agit bien d’une métaphore de la pêche, reprenant l’image du pêcheur qui surveille sa ligne et guette la touche, ce moment où le poisson entre en contact avec l’hameçon pour gober l’esche ou le leurre. Maurice Genevoix décrit ce moment d’émotion dans La Boîte à pêche : « Une touche ?… Une touche, oui. Des rides ont élargi leurs cercles ; la plume a basculé, s’est mise à plat : c’est une brème qui vient de mordre ». Transposé dans le domaine de l’approche amoureuse, faire une touche, attesté dans ce qu’on a appelé « les années folles » (est-ce un hasard ?), évoque un accueil favorable à une tentative de séduction. Sans lancer de filets ou pratiquer la pêche au lancer, on peut avoir la touche avec quelqu’un, lui plaire manifestement.
Plus métaphoriquement, on peut voir dans cette expression une valeur ancienne du mot touche, qui désignait une émotion. Ce sens correspond au verbe toucher pour « affecter, émouvoir » et à l’adjectif touchant, dont le sens a été fort, caractérisant ce qui fait grande impression avant de signifier « attendrissant ». Le contact est essentiel dans toucher, l’attrait physique qui évoque aussi les attouchements, les contacts érotiques, les caresses ou même les relations sexuelles (il ne la touche plus) et la masturbation (se toucher).
Si ces remarques conduisent à une gêne pour dire qu’on a fait une touche, on peut toujours employer : avoir un ticket, mais il n’est pas sûr que la métaphore soit plus distinguée.
« J’ai eu la touche avec elle, mardi dernier, elle était bourrée, elle voulait tout le temps m’inviter à danser. »
Être aux trousses de quelqu’un
L’un des plus célèbres films d’Alfred Hitchcock a pour titre français (sans rapport avec l’original) La Mort aux trousses. Le personnage principal, interprété par Cary Grant, y est sans cesse poursuivi par les membres d’une organisation secrète qui veulent sa peau. Être aux trousses de quelqu’un évoque une poursuite sans répit, et si le poursuivant est la Mort, c’est grave !
À première vue, difficile d’établir un lien entre cette trousse et les trousses que nous connaissons, la trousse de toilette ou d’écolier. Il s’agit pourtant du même mot. Trousse est dérivé de trousser qui signifia d’abord « mettre en faisceau, en botte ». On troussait du foin avant de trousser les filles. En effet, avec cette idée de rassemblement, le verbe s’est employé pour « relever un vêtement qui pend ». D’où l’emploi érotique et machiste.
C’est dans ce contexte vestimentaire qu’est né la trousse de l’expression : pièce de la garde-robe masculine du XVIIe siècle, les trousses étaient une culotte bouffante dont on cousait les pans repliés et à laquelle venaient s’attacher les bas. Être aux trousses de quelqu’un se rapproche ainsi de être pendu aux basques* et marquer à la culotte : on touche l’habit du fuyard, par derrière.
Si la plupart des emplois de trousser sont sortis d’usage, ses dérivés trousse, trousseau et détrousser sont bien vivants. Et le sens de « replier » est encore présent avec retrousser. Et quand on lit aujourd’hui que les paparazzis sont aux trousses d’une personnalité, on espère que ce n’est pas pour la détrousser, ni pour la trousser ou la retrousser !