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La bassesse a été associée au comportement des manants qui utilisaient leurs poings pour vider leurs querelles alors que les nobles, les seigneurs, autorisés à manier l’arme blanche, s’affrontaient lors de duels ou de tournois. Le mépris social injuste a fait que vilain est allé qualifier ce qui est laid, moralement ou physiquement.

À l’opposé des jeux vulgaires des campagnards, on a dit, à la suite du jardinier de La Fontaine, ce sont jeux de prince lorsque les puissants se divertissaient en satisfaisant leurs caprices au mépris des humbles, des faibles, jeux de vilains ou jeux de prince, chacun tient son rôle dans la comédie humaine, et le plus « vilain » n’est pas celui qu’on croit.

À titre d’exemple

« Sur la terre il n’aimait pas “chahuter” avec son fils. “Jeux de mains, jeux de vilains”, disait-il. »

Paul Guth, Mémoires d’un naïf, 1953.

Mettre sur la voie

donner des indications, aider à trouver

C’est la pierre de Rosette qui mit Champollion sur la voie de l’interprétation des hiéroglyphes. Le policier cherche l’indice, le médecin le symptôme qui le mettra sur la voie, qui l’aidera à trouver la solution. On peut penser qu’il s’agit du cheminement de la pensée qui conduit à la lumière. Cette fausse piste vous égarera, vous fourvoiera…

La voie dont il est ici question appartient au vocabulaire de la chasse à courre et désigne depuis le XIIIe siècle les signes, trace odorante ou empreintes, qui témoignent du passage d’un animal et renseignent la meute lancée à sa poursuite. Comme le rappelle Furetière dans son Dictionnaire, « En termes de chasse on appelle voies, l’endroit par où le gibier a passé, quand on le suit à la piste, ou par l’odeur ou l’impression qu’il a laissée dans l’air. On a remis les chiens sur les voies. La voie se dit particulièrement du cerf. »

Dans la chasse « à cor* et à cri », on appelle attaque le moment où les chiens sont mis sur la voie de l’animal. Lorsqu’ils perdent cette voie, ils sont mis en défaut ; cela peut se produire par une ruse du cerf qui revient sur ses traces et brouille sa piste, ou lorsque le gibier donne le change*. Les chasseurs recommandent la « curée chaude », sur les lieux de la mort, ordonnée par le commandant au cri de hallali : une partie de la bête est laissée aux jeunes chiens pour leur apprendre à goûter la voie de l’animal.

Cette voie, ce chemin à suivre, peut se perdre, si les chiens sont à bout de voie. On peut de même s’écarter du droit chemin lorsque la raison s’égare. Le substantif latin via qui a donné voie, est à l’origine de plusieurs verbes exprimant cet écart à la norme. On peut dévier, se fourvoyer ou se faire dévoyer, l’essentiel est de finir par trouver sa voie !

À titre d’exemple

« Dans la malle, si on l’ouvrait, il n’y a rien de suspect ? rien qui puisse intriguer la police ou la mettre sur la voie ? »

Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, t. I, 1932.

Trier sur le volet

choisir avec le plus grand soin

Il y a bien longtemps que les volets ne volent plus. Au Moyen Âge, les archers envoyaient sur l’ennemi des volets : le mot signifiait « flèche ». Et nous disons encore « une volée de flèches ». Autre volet disparu, celui qui flottait au vent, un bout d’étoffe ancêtre du bavolet et surtout des volants.

L’idée première du vol en l’air s’affaiblit lorsqu’on parla de volets pour des panneaux de bois qui étaient mobiles, mais restaient sagement fixés. En effet, on peut ouvrir et fermer ces volets que nous connaissons encore, mais pas les lancer.

Un emploi de volet, cependant, resta associé à ce qu’on pouvait lancer « à la volée » : c’est celui sur lequel, en secouant bien fort, on triait de petits objets, des graines par exemple. Cette espèce de tamis ou de van pour vanner, lui-même léger, fut associé à l’envolée de ce qu’on triait en le secouant, pour éliminer la paille ou diverses impuretés.

Trier sur un volet était une opération rurale simple, courante mais apparemment efficace, puisque à partir du XVIe siècle — par exemple dans Rabelais — l’expression s’emploie au figuré pour « choisir le meilleur ». Cependant, les volets modernes servant à protéger les fenêtres et à intercepter la lumière, ils n’ont rien à faire avec le choix minutieux et la sélection du meilleur. Ce qui fait que ce qui est trié sur le volet est peu compréhensible, sinon en imaginant une trieuse à volets, machine qui reste à inventer !

À titre d’exemple

« Les expéditions vers Tahiti étaient composées à dessein d’intellectuels éminents, triés sur le volet, de savants, de fervents lecteurs de l’Encyclopédie. »

Jean-François Revel, La Connaissance inutile, 1988.

Z

Semer la zizanie

faire naître la discorde, les disputes

Zut, zinzin, zigzag, zigouigoui… Nombre de mots qui commencent par un z ont quelque chose d’amusant, d’exotique, de curieux. Mais d’où vient zizanie, synonyme de discorde ? Le verbe semer qui l’accompagne pourrait bien être un indice.

C’est au Moyen Âge que s’est francisé le latin zizania, lui-même pris au grec zizanion, l’ivraie, cette graminée nuisible qui envahit les champs de céréales. Rapidement, zizanie prend les sens figurés de « méchanceté » et de « discorde ». En latin chrétien, ce fut le symbole de la jalousie. La valeur métaphorique de cette mauvaise herbe est déjà présente, en grec puis en latin, dans les Évangiles.

Dans une parabole de l’Évangile selon Matthieu, un homme sème du grain dans un champ. Profitant de la nuit, son ennemi y sème de l’ivraie. Le blé monte en herbe, et c’est seulement quand les épis apparaissent que la céréale se distingue de la mauvaise herbe. Le semeur doit alors attendre la récolte pour « séparer le bon grain de l’ivraie » et arracher la mauvaise graine, légèrement toxique. Autrement dit, la distinction entre les bons et les mauvais ne se fait pas pendant la vie sur terre mais lors du jugement dernier, lors de la « récolte » des âmes.

Ainsi, cette zizanie, c’est la mauvaise graine, celle qui germe dans les esprits malfaisants et pousse à la dispute, à la désunion. De quoi empoisonner l’existence. Mais que les fauteurs de trouble, de haine, de zizanie se méfient car, comme dit le proverbe, « qui sème le vent, récolte la tempête ». C’est une affaire d’agriculteurs.