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Pourtant, je ne me sentais pas insulté mais intéressé par ce langage de commandement. J’aurais souhaité l’avoir étudié.

Enfin, il s’interrompit comme s’il était sur le point de pleurer.

— Je ne peux pas supporter ça… Quand j’avais six ans, mes soldats de bois étaient encore mieux. D’accord… Dites-moi, horde de cancrelats, est-ce que l’un d’entre vous est prêt à se battre ? Personne ?

Je me rangeai dans le camp du silence. En ce qui me concernait, le résultat d’un tel match ne faisait pas de doute. Et puis, j’entendis une voix, tout au bout du rang.

— Euh… Je… Moi je… Mmm…

Zim eut l’air transporté :

— Très bien ! Avancez-vous, que je puisse vous voir !

Le candidat s’est exécuté. Il était assez impressionnant : au moins dix centimètres de plus que l’adjudant, les épaules plus larges.

— Quel est votre nom, soldat ? a demandé Zim.

— Breckinridge, m’adjudant… J’pèse dans les cent cinq kilos et j’ai rien d’un dégénéré.

— Vous avez une idée sur la manière dont vous voulez vous battre ?

— M’adjudant, v’z avez qu’à choisir vot’mort, j’suis pas r’gardant.

— D’accord. Pas de règles. Vous commencez.

Zim posa sa badine. La bagarre commença. Et finit tout aussitôt.

Le géant se retrouva assis, serrant son poignet gauche, sans un mot.

Zim se pencha sur lui.

— Cassé ?

— Pourrait l’être… Sûr.

— Désolé. Je me suis un peu énervé. Vous savez où est le dispensaire. Bon… Jones ! Emmenez-le.

Au moment où Jones prenait Breckinridge en charge, Zim posa la main sur l’épaule de son adversaire d’un instant et lui dit calmement :

— On essaiera encore d’ici un ou deux mois. Je te montrerai comment je m’y suis pris. D’accord ?

Zim avait dit ça mezzavoce mais, à deux mètres de là, j’entendis, même à travers le bloc de glace qui me paralysait.

Zim revint vers nous.

— O.K. On a au moins un homme dans la compagnie. Je me sens mieux. Est-ce qu’il y en aurait un autre ? Deux, peut-être. Deux crapauds scrofuleux qui pensent qu’ils peuvent me faire mon affaire… (Son regard se promenait lentement sur nous :) Des foies de poulets mais rien dans le ventre… Ho, ho ! Oui, avancez !…

Deux hommes qui ne s’étaient pas quittés sortirent du rang ensemble. Ils avaient dû se mettre d’accord. Zim leur accorda un large sourire.

— Vos noms, pour vos camarades, je vous prie.

— Heinrich.

— Heinrich comment ?

— Heinrich, mon adjudant. Bitte. (Il s’adressa brièvement à son camarade et ajouta :) Il ne parle pas facilement l’Anglais Standard, mon adjudant.

— Meyer, Mein Herr, dit le second candidat.

— Ça ira. Pas mal de gars sont dans ce cas. Je l’étais aussi en arrivant. Dites-lui de ne pas s’en faire pour ça. Il s’en tirera. Mais est-ce qu’il comprend ce qu’on va faire ?

— Jawold, dit Meyer.

— Il comprend, mon adjudant, confirma Heinrich. Simplement, il ne parle pas très bien.

— D’accord. Dites-moi : où est-ce que vous avez récolté ces cicatrices ? A Heidelberg ?

— Nein… Non, mon adjudant. A Königsberg.

— C’est la même chose.

Zim, qui avait récupéré sa badine après le rapide combat avec Breckinridge, la fit tournoyer et ajouta :

— Peut-être que vous aurez besoin d’un truc comme celui-ci ?

— Ce ne serait pas juste, dit Heinrich, prudemment. Faisons ça à mains nues, si vous voulez, mon adjudant.

— Comme vous voudrez… Mais je pourrais bien vous avoir… Vous avez dit Königsberg ? Vous avez des règles ?

— Comment pourrait-il y en avoir à trois, mon adjudant ?

— Intéressant. Bon, disons que tous les yeux crevés doivent être rendus après la partie, d’accord ? Et dites à votre Korpsbruder que je suis prêt. Quand vous voudrez, messieurs.

— Vous plaisantez, mon adjudant. On ne crève pas les yeux.

— Bon, c’est vu. A vous de tirer, mon bon Gridley.

— Pardon ?

— Allez ! Battez-vous ! Ou rentrez dans les rangs !

Je ne suis pas tout à fait certain d’avoir bien vu ce qui se passa alors. Il se peut qu’on me l’ait raconté en détail par la suite. Mais voici ce que je pense avoir observé : les deux hommes s’avancèrent sur notre commandant de compagnie jusqu’à se trouver de part et d’autre de lui, mais hors de contact. A partir de cette situation, quatre mouvements de base étaient possibles pour l’homme seul, toujours avantagé par sa propre mobilité et sa coordination, supérieures à celles de deux attaquants, à moins que ceux-ci aient l’habitude de se battre ensemble. Autrement, disait Zim (à juste titre) un groupe est toujours défavorisé en face d’un homme seul. Par exemple, il pouvait en cet instant feinter sur l’un et se porter rapidement sur l’autre pour lui casser la rotule. Après quoi, il pouvait tranquillement revenir au premier pour le finir.

Mais il les laissa attaquer. Meyer se porta rapidement sur lui. Il comptait le terrasser, je pensé. Heinrich serait venu ensuite, je suppose, et il se serait servi de ses bottes.

Et je crois avoir vu ceci : Meyer n’atteignit pas l’adjudant. Celui-ci se retourna vers lui tout en lançant un coup de pied qui atteignit Heinrich au ventre. Et puis… Meyer s’envola dans les airs.

Je suis certain que le combat commença. Et puis, il n’y eut plus que deux jeunes Allemands qui dormaient tranquillement sur le sol, l’un regardant le ciel, l’autre face contre terre. Zim, penché sur eux, n’avait même pas le souffle court.

— Jones, dit-il. Non, Jones n’est pas là… Mahmud ? Mahmud, va chercher un seau d’eau et remets-les en circuit. Tu as mon cure-dent ?

Quelques instants plus tard, les champions de Königsberg s’égouttaient dans leur rang. Zim nous demanda avec gentillesse :

— Personne d’autre ? Est-ce qu’on peut passer aux exercices ?

Je ne m’attendais pas à voir se présenter un autre concurrent, et Zim non plus, sans doute. Mais, du côté des malingres, sur la gauche, un garçon s’avança. Zim le regarda.

— Tout seul ? Vous ne voulez pas de partenaire ?

— Non, rien que moi, mon adjudant.

— Comme vous voudrez. Votre nom ?

— Shujumi, mon adjudant.

— Vous êtes parent avec le colonel Shujumi ?

— J’ai l’honneur d’être son fils, mon adjudant.

— Ah, vraiment ! Très bien. Ceinture noire ?

— Non, mon adjudant. Pas encore.

— Dites-moi, Shujumi : nous en tiendrons-nous aux règles de combat ou dois-je appeler une ambulance ?

— A votre guise, mon adjudant. Mais je pense, si vous le permettez, que les règles de combat seraient plus prudentes.

— Je ne vois pas ce que vous entendez par là, mais je suis d’accord.

Zim ôta ses galons, puis les deux adversaires se firent face et s’inclinèrent.

Ensuite, ils tournèrent l’un autour de l’autre, à demi accroupis, esquissant des prises, rappelant un peu deux coqs de combat.

Et tout à coup, ils furent au contact, et le petit Japonais était au sol tandis que l’adjudant, lui, s’envolait par-dessus sa tête. Mais il ne retomba pas avec la violence mate de Meyer. Il roula sur lui-même avec légèreté et il était sur ses pieds en même temps que Shujumi. Face à face, ils se sourirent et crièrent :