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Démonstration : Est-il possible d’abolir la guerre en abaissant la pression de population et en mettant ainsi un terme à ses malheurs tout en concevant un code moral qui limite la population à ses seules ressources ?

Sans débattre ici de l’utilité et de la justification morale de la natalité planifiée, on peut vérifier par la simple observation historique que toute espèce qui met un terme à son accroissement est effacée par toute autre en expansion.

Mais, malgré tout, supposons que l’espèce humaine parvienne à équilibrer le taux de mortalité et de natalité et qu’elle connaisse la paix. Que se passe-t-il alors ? Eh bien, disons jeudi prochain, les Punaises débarquent et massacrent ce qui reste de cette race qui a rejeté tous ses « traîneurs de sabre ». Et plus jamais l’univers n’entendra parler de nous. Ce qui pourrait très bien se passer.

Ou alors… ou alors, c’est nous qui frappons les premiers.

Les deux races sont intelligentes, acharnées et toutes deux ont besoin d’espace.

Savez-vous que la pression de population pourrait nous amener à occuper toutes les planètes habitables de l’univers dans un délai qui peut vous paraître incroyable ? Un clin d’œil à l’échelle de la vie ?

Essayez de faire le calcul. C’est une expansion à intérêt compensé.

Mais l’homme a-t-il le « droit » de se répandre dans tout l’univers ?

L’homme est ce qu’il est, un animal sauvage doué de la volonté de survie. Jusqu’à présent, il s’en est montré capable, face à ses adversaires. A moins que nous ne déclarions que tout ce qui a jamais été dit dans notre Histoire à propos de la morale, de la guerre, de la politique, de la religion, n’a aucun sens.

L’univers nous donnera la réponse. Nous saurons si l’homme a le « droit » de l’envahir.

En attendant, l’Infanterie Mobile est là, constamment en alerte, prête à soutenir l’humanité.

Comme le terme de la période d’instruction approchait, chacun de nous était destiné à servir quelque temps sous les ordres d’un commandant-instructeur à bord d’un vaisseau de combat. C’était un examen pré-final, puisque le commandant pouvait décider que vous n’aviez pas l’étoffe d’un officier. Bien sûr, il était toujours possible de demander à comparaître devant une commission d’examen mais je n’ai jamais connu un élève qui l’ait fait. Ou vous reveniez avec votre brevet ou on ne vous revoyait plus. Parmi ceux qui ne revenaient pas, il fallait compter les morts.

Nous devions nous tenir prêts avec notre paquetage en permanence. A l’heure du repas, une fois, tous les élèves officiers de ma compagnie furent convoqués. Ils partirent au pas de course, sans avoir avalé une miette, et je me retrouvai avec le pénible honneur d’être immédiatement promu cadet commandant la compagnie.

Mais, moins de deux jours plus tard, ce fut enfin mon tour.

Je me ruai vers le bureau du commandant, le paquetage sur l’épaule, bouleversé et excité. J’en avais par-dessus la tête des cours et je me disais que quelques semaines de combat dans une bonne compagnie, c’était exactement ce qu’il me fallait !

C’est en chantonnant que je croisai une file de cadets récemment arrivés et qui arboraient l’expression tragique de l’élève qui se dit qu’il vient de commettre la faute qui lui interdira à tout jamais d’être un officier. A quelques foulées du bureau du commandant, je me tus.

Deux autres cadets étaient là. Hassan et Byrd. Hassan, dit Hassan l’Assassin, était l’aîné de la promotion. Il avait l’air du génie géant sorti de la lampe, et Birdie n’était pas plus épais qu’un moineau et presque aussi impressionnant.

Et nous entrâmes dans le saint des saints.

Le commandant était dans sa chaise roulante. Il ne la quittait que pour la parade du samedi et les revues. Je crois qu’il souffrait beaucoup en marchant. Mais ça ne voulait pas dire qu’on le voyait moins que les autres officiers. En fait, le colonel Nielssen était partout à la fois. Tout spécialement quand vous aviez commis quelques fautes.

Il ne faisait jamais vraiment irruption dans les cours. De toute façon, il était interdit de hurler « garde-à-vous ! », mais il faisait toujours son effet. Il semblait doué d’ubiquité et cela inquiétait tous les cadets.

Son grade véritable était amiral de la flotte. Il n’était colonel que temporairement, afin de pouvoir commander l’école. Je me l’étais fait confirmer par un sous-officier de l’intendance qui m’avait dit que le « colonel » pouvait redevenir immédiatement général s’il le décidait. Ce qui me stupéfiait, c’est qu’il avait accepté la diminution temporaire de sa solde avec la diminution de grade pour le seul privilège de diriger des élèves officiers. Comme disait Ace, il en faut pour tous les goûts.

A notre entrée, il leva les yeux et dit :

— Bonjour, messieurs ! Installez-vous à votre aise.

Je m’assis, mais pas à mon aise.

Le commandant roula jusqu’à la machine à café, prépara quatre tasses et Hassan fit la distribution. Je n’avais aucune envie de café mais un cadet ne refuse pas l’hospitalité d’un commandant.

— Messieurs, j’ai vos affectations, reprit-il, ainsi que vos grades provisoires. Mais je désire que vous compreniez bien quel est votre statut.

Nous avions déjà eu droit à quelques sermons à ce sujet. Si nous étions officiers, ce n’était que pour les besoins de l’entraînement et de l’examen. Nous l’étions à titre « surnuméraire, probatoire et provisoire ». Au retour, nous serions de nouveau changés en cadets et l’école pourrait nous éjecter sur le simple avis d’un officier d’examen.

Nous étions destinés à « faire fonction de troisième lieutenant », grade fantaisiste qui semblait aussi important qu’une paire de chaussures peut l’être pour un poisson, quelque chose entre un aspirant et un véritable officier de bord. Pour qu’on vous salue en tant que « troisième lieutenant », il fallait qu’il fasse très sombre dans les coursives.

— Bien sûr, reprit le commandant, votre solde reste inchangée et l’on continuera de vous dire « monsieur ». Le seul changement sera dans votre uniforme, à savoir que vos galons seront un peu plus discrets encore que ceux de cadet. N’oubliez pas que vous suivez l’instruction aussi longtemps que vous n’avez pas été jugés dignes d’être officiers. (Il sourit :) Alors, me direz-vous, pourquoi « troisième lieutenant » ?

Bonne question que je m’étais posée. Pourquoi ces grades qui n’en étaient pas ? Bien sûr, je savais ce que disait le livre…

— Monsieur Byrd ? demanda le commandant.

— Euh… Pour nous donner un rôle de commandement, mon commandant.

— Exactement !

Le commandant s’approcha de l’organigramme qui occupait toute une paroi et désigna la case proche de la sienne et dont la légende était : ASSISTANTE AU COMMANDEMENT (Mlle Kendrick).

— Messieurs, j’aurais bien du mal à diriger cette école sans Mlle Kendrick. Son cerveau est plein de dossiers immenses et immédiatement accessibles. (Il effleura un contrôle sur le bras de sa chaise et demanda à haute voix :) Mademoiselle Kendrick, quelle est donc la note du cadet Byrd en juridiction militaire pour la dernière période ?

— 93 pour cent, commandant, dit la voix de Mlle Kendrick.

— Merci. Vous voyez ? Je signerais n’importe quel document approuvé par Mlle Kendrick… Mais je n’aimerais pas qu’une quelconque commission d’enquête découvre combien de fois elle a signé à ma place… Dites-moi, monsieur Byrd… si je meurs brusquement, là, est-ce que Mlle Kendrick peut me succéder ?