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— Eh bien, euh… je suppose qu’en ce qui concerne la routine, elle pourrait…

— Elle ne pourrait rien ! gronda le commandant. Rien aussi longtemps que le colonel Chauncey ne lui en aurait pas donné l’ordre ! Elle est intelligente, pleine de qualités et elle comprend apparemment bien mieux que vous, et plus vite… C’est-à-dire qu’elle n’est pas à un poste de commandement et n’a aucune autorité !

» Poste de commandement n’est pas un simple terme vague. C’est aussi significatif et net qu’une claque en pleine figure. Si je vous envoyais au combat avec le grade de cadet, monsieur Byrd, tout ce que vous pourriez faire serait de transmettre les ordres. Si votre chef de section était tué et que vous donniez un ordre à un simple soldat – un ordre, avisé, judicieux – vous seriez en faute et le soldat serait également en faute s’il vous obéissait. Un cadet n’est pas un poste de commandement. Il n’a aucune existence militaire. Il n’a pas de grade. Il n’occupe aucun poste. Il n’est pas un soldat. C’est un étudiant destiné à devenir un soldat, un homme qui a l’espoir d’être officier… ou de retrouver son grade précédent. Il subit la discipline de l’Armée, mais il n’appartient pas à l’Armée. C’est pour cela.

Zéro. Trois fois zéro ! Si un cadet n’appartenait même pas à l’Armée !…

— Mon colonel !

— Oui ? Parlez, jeune homme… monsieur Rico.

Je venais de me surprendre moi-même. Mais il fallait que je parle.

— Mais… mais si nous n’appartenons pas à l’Armée… nous ne sommes pas non plus dans l’Infanterie… mon colonel ?

Son regard ne me quittait pas.

— Cela vous contrarie, monsieur Rico ?

— Eh bien… Ça ne me fait pas très plaisir, mon colonel.

En vérité, j’étais épouvanté. Je me sentais tout nu.

— Je vois… (En tout cas, il ne semblait pas en colère :) Mais c’est mon rôle de m’occuper des aspects spatiaux-juridiques, fiston.

— Mais…

— C’est un ordre. Techniquement, vous n’appartenez plus à l’Infanterie Mobile. Mais elle ne vous a pas oublié. L’Infanterie n’oublie jamais les siens, où qu’ils soient. Si vous mouriez sur place maintenant, vous seriez incinéré en tant que sous-lieutenant Juan Rico, de l’Infanterie Mobile du (Il s’interrompit pour demander :) Mademoiselle Kendrick, quel était le bâtiment de M. Rico ?

— Le Rodger Young.

— Merci… De l’Infanterie Mobile du Rodger Young, assigné à la Deuxième Section de Combat de la Compagnie George du Troisième Régiment de la Première Division d’Infanterie Mobile… encore appelée « Les Têtes Dures ». (Il récitait sans hésitation. Il lui avait suffi du nom du Rodger Young.) Une excellente unité, monsieur Rico. Des hommes braves et redoutables. Vos derniers ordres leur seraient transmis et telle serait votre citation dans le Hall du Souvenir. Lorsqu’un cadet trouve la mort, mon fils, il a toujours ce grade, afin que nous puissions le renvoyer à ses camarades.

Une vague de soulagement et de nostalgie déferla sur moi et, pendant une ou deux secondes, je fus sourd aux paroles du commandant.

— … et si vous ne m’interrompez pas constamment, vous aurez une chance de retrouver l’Infanterie Mobile à laquelle vous appartenez. A bord de votre vaisseau d’exercice, vous devez être des officiers tout simplement parce qu’il ne peut y avoir de rôle neutre au combat. Vous allez vous battre, recevoir des ordres et en donner. Des ordres légaux, parce que vous aurez un grade et que vous ferez partie d’une unité. Bien plus, dès lors que vous êtes à un poste de commandement, vous devez être en mesure d’assumer immédiatement une fonction supérieure. Si vous êtes assistant au chef de section et qu’il vienne à être abattu… vous êtes aussitôt chef de section ! (Il secoua la tête.) Vous avez bien entendu. Je n’ai pas dit que vous « faisiez fonction » de chef de section. Vous n’êtes plus un cadet à l’exercice en pareil cas. Vous n’êtes plus un « élève officier en stage d’instruction ». Non, tout à coup vous voilà le Chef, le Vieux, le Boss. Et vous découvrez avec un petit haut-le-cœur que vos camarades dépendent de vous, et de vous seul. C’est à vous de leur dire ce qu’il faut faire, pour progresser, pour se battre, pour accomplir la mission et survivre ! Ils ne comptent que sur une chose : la voix du commandement. Et cette voix, c’est vous ! C’est à vous de donner les ordres… Et calmement, avec sang-froid. Parce que si votre groupe est en danger, messieurs… Je veux dire dans un sale coup… Il suffit d’un rien de panique dans votre voix pour transformer la meilleure unité de combat en une bande de fuyards terrifiés.

» Si ce moment arrive, ce sera sans prévenir. Il vous tombera sur les épaules, comme ça, et seul Dieu sera avec vous. Mais ne comptez pas sur lui pour régler les détails tactiques. Ça, c’est votre boulot. Il fera pour vous tout ce qu’un soldat est en droit d’attendre si vous ne laissez pas la frousse casser votre belle voix.

Le commandant s’interrompit. J’étais calme, maintenant ; Birdie avait l’air terriblement sérieux et jeune, et Hassan fronçait les sourcils. En cet instant, j’aurais aimé me retrouver dans la chambre de saut du Rod, sans trop de galons, juste après une bonne petite bagarre du soir. On peut dire pas mal de choses à propos du rôle de l’adjoint au chef de groupe mais, en tout cas, il est toujours plus facile de mourir que de se servir de sa tête.

— Messieurs, reprit le commandant, c’est le moment de vérité. Il est regrettable qu’il n’existe encore aucune méthode scientifique et militaire qui permette de distinguer un véritable officier d’une imitation trompeuse, si ce n’est l’épreuve du feu. Elle seule permet aux véritables officiers de se révéler… ou de mourir bravement. Les imitations craquent… et peuvent mourir aussi, en craquant. Mais c’est la mort des autres qui compte, la mort des braves, des bons éléments, des sergents, des adjudants, des caporaux comme des hommes de troupe, dont la malchance est, parfois, de se retrouver sous les ordres d’un incompétent.

» Nous voulons éviter cela. La règle absolue, c’est que chaque candidat officier doit être un soldat absolument entraîné, formé au feu, un vétéran du saut. Au cours de l’Histoire, il n’est pas d’armée qui se soit vraiment tenue à cette règle. Certaines l’ont approchée. Les écoles militaires les plus célèbres - Saint-Cyr, West Point, Sandhurst, Colorado Springs – n’ont même pas tenté de la suivre. Elles ouvraient leurs portes à de jeunes civils qui étaient instruits jusqu’à leur promotion, avant d’être lâchés sur des champs de bataille sans la moindre expérience du commandement au combat. Bien souvent, on découvrait trop tard que tel ou tel jeune et brillant officier à l’école n’était qu’un fou, un lâche ou un imbécile à l’heure de la bataille.

» Au moins, nous ne courons plus un tel risque. Nous savons que vous êtes d’ores et déjà de bons soldats, que vous savez vous battre et faire preuve de courage. Autrement, vous ne seriez pas ici. Votre formation, votre intelligence correspondent aux standards minima. Partant de cette base, nous éliminons autant que possible d’éléments imparfaits. Et vite. Nous ne tenons pas à perdre des soldats de valeur en les forçant à aller au delà de leurs capacités. L’épreuve est dure parce que ce qui vous attend plus tard est plus dur encore.

» Nous nous retrouvons avec un groupe réduit dont les chances sont élevées. Et un critère majeur que nous ne pouvons tester : ce quelque chose d’indéfinissable qui fait toute la différence entre un chef de guerre… et celui qui en a la capacité mais pas véritablement la vocation. Pour connaître ce quelque chose, il n’y a que le combat sur le terrain. Messieurs, vous avez atteint ce stade ! Etes-vous prêts à prononcer le serment ?