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— Il n’échouera pas, dit Birdie d’un ton confiant. S’il le faut, ils le mettront dans une hypno-cabine et ils le nourriront par intraveineuses… Mais de toute façon, Hassan peut échouer et décrocher quand même une promotion.

— Quoi ?

— Tu ne savais pas ? Il a le grade permanent de premier lieutenant. Il l’a eu au feu, bien sûr. Ça reste son grade même s’il échoue. Regarde le règlement.

Je connaissais très bien le règlement. Par exemple, si je coinçais en maths, je me retrouverais adjudant. Mais ça n’avait rien à voir !…

— Attends !… Tu es en train de me dire qu’il a renoncé au grade de premier lieutenant à titre permanent et qu’il vient à peine d’être nommé troisième lieutenant à titre provisoire… rien que pour devenir peut-être second lieutenant ? Est-ce toi qui es fou ou lui ?

Birdie sourit.

— On l’est juste assez pour être dans l’Infanterie Mobile.

— Birdie… Je ne comprends pas.

— Mais si… L’Assassin n’a que le peu d’éducation qu’il a piqué à droite et à gauche dans l’Infanterie. Tu crois qu’il peut aller très haut avec ça ? Je suis sûr qu’il pourrait commander un régiment au feu et s’en tirer plutôt bien… à condition que quelqu’un d’autre ait défini la tactique. Mais commander au feu, Johnnie, ce n’est qu’une partie du rôle d’un officier, et spécialement d’un officier supérieur. Il peut avoir à diriger une guerre, une bataille ou une simple opération. Mais pour cela il doit connaître la stratégie, la théorie des jeux, l’analyse opérationnelle, la logique symbolique, la synthèse pessimiste et quelques dizaines d’autres disciplines casse-tête ! Il faut que tu passes par tout ça si tu veux devenir capitaine, ou major. L’Assassin sait très bien ce qu’il fait.

— Je le suppose, mais, Birdie… Le colonel Nielssen doit savoir que Hassan était officier… ou plutôt qu’il l’est ?

— Oui, bien sûr.

— On ne le dirait pas. Il lui a tenu à peu près le même discours qu’à nous.

— Pas exactement. Tu n’as pas remarqué que lorsqu’il voulait certaines réponses particulières, il se tournait toujours vers l’Assassin ?

Je dus admettre que c’était exact.

— Birdie, quel est ton grade permanent ?

La navette se posait. Birdie se redressa, posa la main sur la poignée de la porte et sourit.

— Moi ? Soldat de première classe. Je n’ai pas intérêt à échouer !

— Impossible ! Tu ne peux pas échouer !

J’étais surpris qu’il ne fût même pas caporal. Mais un gars aussi intelligent et instruit que lui avait dû être propulsé vers l’Ecole d’Officiers dès qu’il avait fait ses preuves au combat. Avec la guerre, ça n’avait pas dû être très longtemps après son dix-huitième anniversaire.

— On verra bien, me lança-t-il avec un sourire immense.

— Tu réussiras, Birdie. Hassan et moi, on peut être inquiets. Pas toi.

— Tu crois ? Suppose que Mlle Kendrick me prenne en grippe… Oh ! C’est l’appel de mon vaisseau ! Salut !

— A bientôt, Birdie !

Mais je ne le revis pas. Il fut nommé deux semaines plus tard et ses barrettes revinrent avec leur dix-huitième décoration : Le Lion Blessé, à titre posthume.

13

Et alors, on se croit à la pouponnière ? Eh bien, ça n’en est pas une ! Et je vais vous le prouver !

Déclaration attribuée à un caporal hellène sous les murs de Troie, 1194 av. J.-C.

Avec une section à son bord, le Rodger Young affichait complet. Le Tours, lui, peut en embarquer six. Et même alors, il semble désert. En fait, il peut contenir deux fois plus de monde et il comporte assez de tubes pour éjecter deux vagues d’assaut successivement. Evidemment, avec douze sections à bord, il faut rationner l’eau, attendre son tour au mess et disposer des hamacs dans les coursives et la chambre de saut. La nuit, il faut se méfier des coups de botte dans l’œil et, surtout, inspirer quand le voisin expire. Par chance, je n’eus pas droit à la croisière double-spéciale.

La vitesse et la puissance du Tours lui permettent d’emporter des troupes en parfaite condition de combat en n’importe quel point de la Fédération et jusque dans l’Espace des Punaises. En effet Cherenkov, il atteint plus de 400 Mike. Disons qu’entre Sol et Capella, soit quarante-six années-lumière, il met un peu moins de six semaines pour atteindre son but.

Bien sûr, un transport de troupes limité à six sections ne peut être comparé à un paquebot spatial ou à un croiseur de combat. Mais l’Infanterie Mobile préfère les corvettes légères qui permettent des opérations rapides. La Marine serait plutôt favorable aux vaisseaux géants capables d’embarquer des régiments entiers. Il faut bien comprendre qu’une corvette, si légère soit-elle, exige autant de marins que le plus monstrueux des transports de troupes. Et encore plus d’entretien. Mais, de cela, les fantassins peuvent se charger. Après tout, chacun sait que ces fainéants n’ont rien d’autre à faire que manger et dormir en attendant de sauter et l’entretien des coursives les change un peu de l’astiquage des boutons. En tout cas, c’est l’opinion des gens de la Flotte Spatiale.

En vérité, ce qu’ils pensent, c’est que l’Armée est dépassée, démodée, et qu’on ferait aussi bien de l’abolir.

Bien sûr, ils ne le disent jamais officiellement, mais il suffit de nouer un peu la conversation avec un officier de Marine en permission, de préférence dans un bar, pour l’entendre plutôt dix fois qu’une. Les marins estiment qu’ils peuvent se lancer dans n’importe quel conflit, remporter la victoire et débarquer quelques-uns de leurs hommes en attendant l’arrivée des membres du Corps Diplomatique.

Je veux bien admettre que certains parmi leurs nouveaux jouets peuvent effacer une planète de la carte du ciel. Peut-être suis-je aussi démodé qu’un tyrannosaure… mais, pourtant, je n’en ai pas l’impression. Je veux dire que les abrutis de l’Infanterie peuvent accomplir encore bien des choses dont le plus moderne vaisseau est incapable. Et si ce n’est pas l’opinion du gouvernement, qu’il nous le fasse savoir.

Mais il est peut-être préférable que ni l’Armée ni la Marine n’ait le dernier mot. Un homme ne peut prétendre au grade d’Amiral du Ciel sans avoir commandé tour à tour un régiment et un bâtiment de la flotte, sans avoir suivi l’instruction du fantassin avant de devenir officier de marine, à moins qu’il préfère commencer comme astrogateur avant de s’offrir un séjour au Camp Currie… Je pense que c’était sans doute l’ambition de Birdie. Mais c’est avec respect que j’écouterai n’importe quel conseil venant d’un homme qui aura accompli une telle performance.

Comme la plupart des transports de troupes, le Tours est un vaisseau mixte. Le plus étrange, pour moi, a été d’être affecté « au Nord du Trente ». La cloison qui constitue la frontière entre la section des femmes et le territoire des brutes n’est pas nécessairement la 30e mais, traditionnellement, on lui donne le nom de n° 30 dans tout vaisseau mixte. Au delà, on trouve d’abord le carré puis les quartiers féminins, qui s’étendent jusqu’à la proue. A bord du Tours, le carré des officiers servait aussi de mess pour les recrues féminines qui y prenaient leurs repas juste avant nous. En dehors des heures de repas, la pièce était partagée entre une chambre de récréation et un salon destiné aux officiers, tous deux à usage strictement féminin. Quant aux officiers mâles, ils avaient droit à un salon appelé « chambre des cartes » et situé immédiatement à l’arrière de la cloison n° 30.