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Le capitaine sourit.

— Ça, c’est parce que tu ne me considères pas, moi, comme un officier capable.

— Mon cap… Je vous demande pardon ?

— Peu importe. Tu viens de me prouver par A plus B qui avait mangé la queue du chat. Et je ne demande pas à un petit cadet tout frais de connaître toutes les ficelles. Mais écoute-moi bien, fiston. Aussi longtemps que durera cette guerre, ne donne jamais du galon à un homme tant que tu n’as pas regagné la Base.

— Mais, pourquoi ?

— Tu as proposé de l’envoyer au Dépôt de Reclassement. Mais c’est là qu’il se serait retrouvé s’il avait été promu il y a trois semaines ! Tu ne sais pas à quel profit ils sont féroces. Jette seulement un coup d’œil dans le courrier et tu trouveras une demande pour deux adjudants. Avec un adjudant de section détaché à l’Ecole des Elèves Officiers et un poste de sergent vacant, je ne suis pas tenu d’y accéder. (Il eut un sourire farouche.) Cette guerre est difficile, fiston, et si tu n’y prends pas garde, les petits copains te voleront tes meilleurs soldats. (Il ouvrit un tiroir et en sortit deux feuilles :) Regarde…

La première était une lettre de Silva adressée au capitaine Blackstone et recommandant Brumby pour le grade d’adjudant. Elle remontait à un mois.

L’autre était la feuille de nomination de Brumby, datée du lendemain de notre départ de Sanctuaire.

— Ça te va ?

— Euh… Oui, bien sûr.

— J’attendais que tu voies ce qui n’allait pas dans ta section, Johnnie, et que tu viennes me dire ce qu’il fallait faire. Je suis heureux que tu y sois parvenu… heureux mais à moitié. Un officier expérimenté aurait tiré les conclusions qui s’imposent de la seule lecture des états de service de Brumby et du T.O. Mais c’est comme ça que l’on acquiert de l’expérience. Maintenant, voici ce que tu vas faire. Ecris-moi la même lettre que Silva. Date-la d’hier. Ensuite, dis à ton adjudant de section que tu as recommandé Brumby… mais ne lui parle pas de la demande de Silva. Tu n’en savais rien quand tu es venu me trouver pour la promotion de Brumby, après tout. Alors, faisons comme s’il en était vraiment ainsi. Quand Brumby prêtera serment, je lui dirai que ses deux officiers l’ont recommandé. Ça lui fera plaisir. D’accord ? Rien d’autre ?

— Eh bien… Pas en ce qui concerne l’organisation… A moins que le lieutenant Silva ait eu l’intention de faire nommer Naidi à la suite de Brumby. Auquel cas, un première classe pourrait être promu caporal… ce qui nous permettrait de nommer quatre premières classes et de combler les vides. Mais je ne sais pas si vous tenez à augmenter le T.O.

— Ça ne serait pas un mal, dit Blackie d’un ton aimable. Nous savons, toi et moi, que certains de nos gars n’auront guère le temps de profiter de leurs galons. Mais n’oublie pas qu’on ne nomme jamais un soldat première classe avant qu’il ait fait ses preuves au feu. En tout cas, pas dans les « Blackies ». Discutes-en avec ton adjudant et tiens-moi au courant. Rien ne presse… Viens me trouver avant l’extinction des feux, ce soir… Quoi d’autre ?

— Je suis inquiet à propos des scaphandres.

— Moi aussi. Toutes les sections sont inquiètes.

— J’ignore ce qu’il en est de leur côté, mais avec cinq recrues, plus quatre scaphandres endommagés et deux autres qui ont été pris sur les réserves la semaine dernière… Eh bien, je ne vois pas comment Cunha et Navarre peuvent s’en tirer avant la date prévue. Même sans imprévus.

— Il y a toujours des imprévus.

— Oui, capitaine. Mais ça ne nous laisse que 286 heures de préparation, plus 123 pour les vérifications de routine. Et vous savez que cela prend toujours plus de temps.

— Et que faut-il faire, selon toi, Johnnie ? Les autres sections peuvent vous donner un coup de main si elles s’en tirent à temps. Ce dont je doute. Et ne compte pas sur l’aide des « Voraces ». C’est plutôt eux qui compteraient sur nous.

— Capitaine, je ne sais pas ce que vous allez penser de ça, étant donné que vous m’avez dit de ne pas trop me mêler aux hommes, mais… quand j’étais caporal, j’étais assistant de l’adjudant du Matériel et de l’Armement.

— Oui ?

— Eh bien, vers la fin… Pour ainsi dire, c’était moi le responsable… Bien sûr, je n’ai jamais été adjudant du Matériel et de l’Armement mais, en tant qu’assistant, je me débrouillais assez bien et… Je pourrais m’occuper de la préparation des nouveaux scaphandres et des vérifications, si vous vouliez. Ça libérerait un peu Cunha et Navarre.

Avec un large sourire, Blackie se laissa aller en arrière.

— Fiston, j’ai bien examiné le règlement et je n’ai pas trouvé un seul article qui interdise à un officier de se salir les mains. Je dis cela parce que j’ai rencontré quelques jeunes messieurs qui, eux, prétendaient avoir eu connaissance de cet article. D’accord ! Va te chercher des bleus de travail… Inutile de salir aussi ton uniforme. Trouve ton adjudant de section, mets-le au courant en ce qui concerne Brumby et donne-lui l’ordre de préparer les nominations qui nous permettront de boucher les trous du T.O… au cas où je me déciderais à confirmer la promotion de Brumby. Ah ! Dis-lui aussi que tu vas consacrer tout ton temps à la préparation du matériel et que tu veux qu’il s’occupe de tout le reste… Ne lui dis pas que tu m’as demandé conseil – donne-lui seulement tes ordres. Tu me suis ?

— Ou… oui, oui…

— O.K. ! Vas-y ! Ah, oui !… Si tu passes par la chambre des cartes, transmets mes compliments à Rusty et dis-lui de trimbaler sa carcasse jusqu’ici.

Jamais je n’avais eu autant de travail que dans les deux semaines qui suivirent, même pas au bon temps de l’instruction. Je consacrais dix heures par jour à mon nouvel emploi de mécanicien en matériel et armement, mais ce n’était pas tout. Il y avait aussi mon cours de maths, auquel il m’était impossible d’échapper depuis que le capitaine Jorgenson m’avait pris en main. Les repas (disons une heure et demie chaque jour). Les disciplines de simple survie : douche, rasage, couture. Plus les diversions consistant, par exemple, à poursuivre le capitaine d’armes du vaisseau afin d’exiger l’ouverture de la buanderie où les uniformes propres se trouvaient encore prisonniers dix minutes avant l’inspection. (Loi cryptique de l’Armée : Les buanderies, douches, toilettes et autres doivent toujours être bouclées au moment où l’on en a le plus grand besoin.)

Une heure de plus chaque jour pour : la garde, les inspections, les revues et autres routines. Et puis, j’étais « George ». Toute unité a son « George ». Le « George » est l’officier cadet et c’est à lui qu’incombent les boulots supplémentaires – l’athlétisme, le courrier, les cours, la trésorerie de la caisse commune, la tenue des stocks. C’est également le « George » qui convoque éventuellement la cour martiale, qui censure, qui joue le bibliothécaire et l’officier des détails jusqu’à la nausée.

« Rusty » Graham avait été « George » avant mon arrivée. Avec un immense bonheur, il m’avait transmis sa charge. Je l’avais quelque peu douché en exigeant de procéder personnellement à l’inventaire de tous les articles portés sur les listes que je devais signer. Il m’avait laissé entendre sur le moment que si je n’acceptais pas un inventaire signé par un officier, un ordre direct modifierait peut-être mon attitude. J’avais pris cela très mal et j’avais exigé qu’il porte cet ordre par écrit, avec copie certifiée, ce qui permettrait de conserver l’original et de transmettre la copie au commandant d’unité.