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C’était un raid. Ce terme paraît inapproprié pour une bataille dans laquelle se trouvaient engagés des centaines de vaisseaux. D’autant plus que la Marine et certaines unités d’Infanterie Mobile, à quelques années-lumière de là, étaient lancées dans des opérations de diversion destinées à interdire l’envoi de renforts ennemis sur la planète P.

Mais le commandement en chef n’avait pas l’intention de gaspiller les hommes. Ce raid énorme devait déterminer quel serait le vainqueur, que ce soit l’année prochaine ou dans trente ans. Il fallait que nous en sachions plus sur la psychologie des Punaises. Est-ce que nous devions les éliminer totalement de la galaxie, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une seule sur le moindre planétoïde ? Ou bien était-il possible de traiter avec elles et de leur imposer la paix ? Nous ne savions pas. Nous ne les comprenions pas plus que les termites sur notre propre planète.

Pour comprendre leur psychologie, il fallait que nous entrions en communication avec elles, que nous connaissions leurs buts, pourquoi elles combattaient et à quelles conditions elles cesseraient la guerre. Les spécialistes de la Guerre Psychologique avaient besoin de prisonniers.

On capture aisément les ouvrières. Mais un soldat, chez les Punaises, se comporte comme une mécanique. On ne peut le capturer qu’en lui grillant tous les membres, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus bouger.

C’est à partir de prisonniers que nos chercheurs avaient franchi de nouvelles et importantes étapes. Nos biochimistes, par exemple, avaient pu mettre au point ce gaz qui était inoffensif pour les humains et létal pour les soldats et les ouvrières.

Mais, pour savoir ce qui poussait les Punaises à nous faire la guerre, il nous fallait des représentantes de la caste pensante. Des cerveaux. Et puis, nous espérions aussi pouvoir échanger des prisonniers.

Jusque-là, nous n’avions jamais pris une Punaise vivante.

Sur Sheol, nous avions nettoyé toutes leurs colonies mais, la plupart du temps, les hommes qui disparaissaient dans leurs trous ne revenaient jamais à la surface. Des milliers d’hommes valeureux avaient disparu ainsi.

Nos pertes avaient été encore plus importantes lors des opérations de récupération au sol. Lorsqu’un ou plusieurs vaisseaux étaient détruits avant de réembarquer les hommes, qu’advenait-il des survivants ? Sans doute combattaient-ils jusqu’à épuisement de leurs munitions avant d’être capturés.

Les Squelettes nous avaient appris que les prisonniers humains étaient nombreux chez les Punaises. Combien étaient-ils, nous ne le savions pas. Des milliers ? Nous l’espérions. Des centaines : c’était certain. Les services de renseignement estimaient que les prisonniers étaient tous rassemblés sur Klendathu. Les Punaises éprouvaient sans doute autant de curiosité à notre égard que nous en éprouvions pour cette race qui vivait selon le système de la ruche mais qui avait fondé des villes, construit des astronefs et mis sur pied des armées.

Avant tout, nous voulions que nos prisonniers nous soient rendus.

Si l’on se fie à l’implacable logique de l’univers, cela peut passer pour une faiblesse.

Une race qui ne se soucie pas de sauver un ou plusieurs de ses membres peut en profiter pour nous rayer de la carte du cosmos. Les Squelettes ont en partie seulement cette faiblesse et les Punaises en semblent totalement dépourvues. Nul n’a jamais vu un de leurs soldats se porter au secours d’un de leurs blessés. Les Punaises semblent ne coopérer qu’au combat. Un individu diminué est abandonné.

Quant aux humains… Combien de fois n’avez-vous pas vu ce genre de titre ? DEUX HOMMES TROUVENT LA MORT EN ESSAYANT DE SAUVER UN ENFANT DE LA NOYADE ! Si un homme se perd en montagne, des centaines de sauveteurs partent à sa recherche et, bien souvent, deux ou trois ne reviennent pas.

Pauvre arithmétique… Arithmétique humaine… Présente dans notre folklore, nos religions, notre littérature… Si un homme est en danger, peu importe le prix à payer pour le sauver.

Faiblesse ? Mais c’est peut-être au contraire notre seule force. Celle qui nous a permis d’investir la galaxie !

Faiblesse ou force, les Punaises en sont dépourvues. Il y avait peu d’espoir d’échanger nos combattants contre les leurs.

Mais, dans la polyarchie de la ruche, certaines castes devaient représenter une valeur. C’était du moins ce qu’espéraient les gens de la Guerre Psychologique. Si nous parvenions à capturer certains de leurs cerveaux, vivants, nous serions à même de négocier.

Et si nous capturions une reine ?

Quelle pouvait donc être la valeur négociable d’une de leurs reines ? Un régiment complet ?

Nul ne connaissait la réponse, mais, selon le Plan de Bataille qui nous avait été transmis, nous avions ordre de capturer les « cerveaux » des Punaises, rois ou reines, à n’importe quel prix, dans l’espoir de les échanger contre des vies humaines.

C’était l’« Opération Reine » dont le troisième objectif était le développement de nouvelles méthodes de combat. Comment débarquer, débusquer l’ennemi et le réduire sans user des armes totales. Soldat contre soldat, nous étions en mesure de les battre. Vaisseau contre vaisseau : notre flotte était supérieure. Mais, jusqu’à présent, nous n’avions jamais pu porter la guerre dans leurs trous.

Si nous ne parvenions pas, à n’importe quel prix, à effectuer un échange de prisonniers, il nous faudrait : a/ gagner la guerre, b/ tout en récupérant nos prisonniers, ou bien, c/ mourir et perdre.

La planète P était le terrain d’expérience qui nous permettrait de savoir si nous pouvions venir à bout des Punaises.

Tous les hommes de troupe eurent droit à la lecture du briefing qui leur fut répété sous hypnose.

Si nous savions que l’Opération Reine était peut-être le premier pas vers la libération de nos prisonniers, nous étions certains de ne pas en trouver un seul sur ce monde que nous attaquions pour la première fois. Donc, aucune raison d’espérer gagner une médaille dans une opération de libération. Encore une fois, nous allions à la chasse à la Punaise, mais avec des forces d’appui colossales et des techniques nouvelles. Cette planète P, nous allions la peler comme un oignon, jusqu’à ce qu’il n’y reste plus une seule Punaise.

La Marine avait pilonné les îles et la partie inoccupée du continent jusqu’à en faire une croûte radioactive. Nous n’aurions plus de soucis à nous faire pour nos arrières. Des astronefs patrouillaient constamment sur orbite basse pour escorter les transports et pour nous protéger.

Dans le Plan de Bataille, les instructions des « Blackies » étaient d’appuyer la première mission quand on nous en donnerait l’ordre ou quand l’occasion s’en présenterait, de relever toute compagnie sur une zone occupée et d’effectuer un travail de protection tout en maintenant le contact avec les autres unités d’I.M. — sans oublier de liquider les Punaises qui montreraient leur vilaine tête.

C’est donc dans le plus parfait confort que nous nous sommes posés. Sans résistance. J’ai fait débarquer ma section en bon ordre. Blackie s’est porté en avant pour prendre les ordres du commandant qu’il relevait et examiner avec lui la situation.

J’ai ordonné à Cunha d’envoyer les éclaireurs de son premier groupe en reconnaissance aux limites du terrain à couvrir et mon adjudant sur la gauche, afin d’entrer en contact avec une patrouille du Cinquième Régiment. Le Troisième Régiment devait couvrir une zone de 130 kilomètres sur 500. J’avais moi-même droit à un rectangle de 7 kilomètres sur 30, dans le coin gauche avant de cette zone. Les « Voraces » se trouvaient derrière nous, la section du lieutenant Khoroshen sur notre droite et « Rusty » de l’autre côté.