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Le capitaine Chang avait trois officiers à ses côtés au début des combats. Il ne lui en restait qu’un (mon ex-camarade de classe, Abe Moise) auquel Blackie essayait de soutirer des renseignements sur la situation. Mais Abe ne lui était pas d’un grand secours. Lorsque je me joignis à la conférence après m’être identifié, Abe me prit pour son chef de bataillon et se lança dans un rapport d’une précision et d’une absurdité bouleversantes.

Blackie l’interrompit et me dit que je pouvais disposer. Il ajouta :

— Ne compte plus sur un discours pour te réconforter. La situation est telle que tu la vois… alors, reste à portée et ouvre les yeux !

— Vu, chef !

A toute vitesse, je me suis porté vers le coin où aurait dû se trouver la balise fixe et où elle n’était pas.

— Adjudant ! Et cette balise ?

— Impossible de la placer, mon lieutenant. Il y a un cratère récent. Diamètre six, environ !

J’ai sifflé dans ma tête. Diamètre six ! Le Tours pouvait y tenir à l’aise ! C’était un des trucs que les Punaises employaient quand nous étions dispersés en surface. Des mines terrestres. Ils n’utilisaient jamais de fusées au sol. Si vous étiez prêt du point d’explosion, vous étiez cuit. Même en plein bond, l’onde de choc pouvait détraquer vos gyros.

Je n’avais jamais vu de cratères plus grands que le diamètre quatre. On pensait que les Punaises hésitaient à employer des charges plus puissantes qui risquaient d’endommager leurs cités troglodytes, même si celles-ci étaient fortifiées.

— Adjudant… Placez une balise extérieure ! Avisez les chefs de groupes et de pelotons !

— C’est fait, mon lieutenant. Angle 1-1-0, à deux kilomètres. Da-di-dit ! Vous devriez la voir d’où vous êtes, à environ 3-5.

Il semblait aussi calme qu’un adjudant à l’exercice et je me demandai si ma voix ne tremblait pas.

Je dénichai la balise en visuel, juste au-dessus de mon sourcil gauche. Un trait long et deux traits courts.

— O.K. Vu ! Je vois que le premier peloton de Cunha est presque en position. Prenez des hommes pour patrouiller le cratère. Egaliser la répartition… Brumby aura besoin de six kilomètres de plus !

Chaque homme devait déjà couvrir vingt-deux kilomètres carrés ! Avec cette nouvelle répartition, cela ferait vingt-sept kilomètres carrés ! Et un cratère de 1,50 m de diamètre suffit à une Punaise pour surgir à la surface !

— Adjudant… Ce cratère : quelle intensité ?

— Rouge sur les bords, mon lieutenant. Mais je ne suis pas allé à l’intérieur.

— Restez à l’écart ! J’irai voir plus tard.

Rouge… Mortel pour un humain sans protection, mais pour un fantassin en scaphandre, supportable pendant quelque temps. Mais si les bords du cratère étaient « rouges », cela signifiait qu’avant d’atteindre le fond, on était grillé à mort.

— Adjudant ! Dites à Naidi de rappeler Malan et Bjork. Qu’ils montent des sondeurs.

J’avais deux des cinq recrues dans le premier peloton. Et les recrues sont comme les jeunes chiens.

— Dites à Naidi que je m’intéresse à deux choses : les mouvements à l’intérieur du cratère… et les bruits autour.

Pour nous, évidemment, il n’était pas question d’envoyer des hommes dans un cratère aussi radioactif. Mais les Punaises pouvaient facilement nous attaquer par là.

— Dites à Naidi de faire son rapport. Je veux dire : à vous et à moi.

— Oui, mon lieutenant. Est-ce que je peux faire une suggestion ?

— Bien sûr. Et, la prochaine fois, ne m’en demandez pas la permission.

— Navarre peut se charger du reste du premier groupe. L’adjudant Cunha peut conduire le peloton jusqu’au cratère et laisser Naidi avec les hommes des sondeurs.

Oui, je savais ce qu’il pensait. Naidi était un caporal de fraîche date. Il n’avait encore jamais commandé un peloton au combat. Ce n’était sûrement pas l’homme qu’il fallait pour couvrir ce qui semblait bien être le point le plus dangereux du secteur Carré Noir Un. L’adjudant voulait faire pour Naidi ce que j’avais fait pour les deux recrues.

Je me demandai s’il savait ce que je pensais en ce moment précis ? Est-ce que j’étais bon pour le « tour de vis » ? Il portait le scaphandre qui avait été le sien en tant qu’ordonnance de Blackie, avec un circuit supplémentaire, un circuit direct avec le capitaine Blackstone.

Et le capitaine nous écoutait sans doute en ce moment. Et il était bien évident que mon adjudant de section n’était pas d’accord avec mon organisation. Si je n’acceptais pas ses conseils, je ne tarderais pas à entendre la voix de Blackie :

— Adjudant, prenez le commandement. Monsieur Rico, vous êtes relevé de vos fonctions.

Mais un caporal qui n’a même pas le droit de commander son peloton n’est pas un caporal ! Et un chef de section qui se comporte comme la poupée d’un adjudant ventriloque n’est qu’un scaphandre vide !

Je ne ruminai pas longtemps.

— Je ne peux pas me passer d’un caporal pour dorloter deux recrues. Et le rôle d’un adjudant n’est pas de commander cinq hommes de troupe !

— Mais…

— Suffit ! Je veux que les hommes de garde au cratère soient relevés toutes les heures ! Je veux une première patrouille rapide ! Les chefs de peloton inspecteront chaque trou repéré et mettront des balises en place pour que les chefs de groupe, l’adjudant et le chef de section puissent les identifier. S’il y en a trop, nous les ferons garder… Je déciderai plus tard.

— Oui, mon lieutenant.

— Dans un deuxième temps, envoyez une patrouille lente, en formation serrée pour tous les trous qui auront échappé à la première. Les assistants des chefs de peloton porteront des lunettes infrarouges. Les chefs de peloton devront localiser tous les scaphandres ou les corps sur le terrain. Il reste peut-être encore des « Chérubins » blessés dans le coin. Mais que personne ne s’arrête pour identifier les vivants aussi longtemps que je n’en donnerai pas l’ordre. Avant tout, il faut que nous connaissions la position des Punaises.

— Oui, mon lieutenant.

— Des suggestions ?

— Rien qu’une, mon lieutenant. Je crois que tous les hommes de la première patrouille devraient avoir leurs lunettes infrarouges.

— Très bien. Faites comme ça.

Bonne suggestion. La température de l’air en surface était nettement inférieure à celle qui régnait dans les tunnels. En vision infrarouge, un trou camouflé apparaissait comme un geyser blanc. Je jetai un coup d’œil sur mon écran.

— Les gars de Cunha ont presque atteint la limite. Commencez la balade.

— Très bien, mon lieutenant !

— Terminé !

Je continuai de progresser en direction du cratère et passai sur le circuit général. Je pouvais entendre tout le monde en même temps, tandis que mon adjudant de section résumait le plan initial : détacher un peloton vers le cratère, envoyer le premier groupe en contremarche tandis que le second opérerait un balayage circulaire du terrain comme il avait été prévu mais en s’avançant six kilomètres plus loin. Rattraper le premier peloton qui se rabattait sur la balise du cratère d’angle, lui donner ses instructions, puis se porter vers les chefs de groupe pour leur transmettre les nouvelles coordonnées de balises.

Sur mon écran, des vers luisants avançaient lentement, selon des trajectoires précises.

Et je continuais d’écouter tout le monde en même temps. Je voulais entendre les bavardages dans les pelotons. Mais il n’y en avait pas. Les caporaux devaient se déplacer. Les patrouilleurs de groupes et de pelotons lançaient des corrections d’intervalles ou d’alignement. Les hommes de troupe se taisaient.