Quel charivari !
L’origine étymologique de charivari est mal connue mais son premier sens est précis : tapage que l’on fait à l’occasion de certaines noces : celles d’un remariage ou celles d’un couple mal assorti. La tradition en remonte au Moyen Âge, l’un des premiers charivaris étant, en littérature, celui du Roman de Fauvel de Gervais du Bus, mis en musique par Philippe de Vitry (1320) : Fauvel est un âne personnifiant tous les vices ; son nom est en effet formé des initiales F pour flatterie, A pour avarice, U (= V) pour vilenie (infamie), V pour variété (inconstance), E pour envie et L pour lâcheté. Éconduit par Dame Fortune, Fauvel se résigne à épouser Vaine Gloire. L’immense charivari qui est organisé le soir de leurs épousailles (musique cacophonique, percussions de poêles et chaudrons, vociférations, chants paillards, etc.) souligne la discordance de leur union. C’est à l’occasion de cette œuvre médiévale que le mot charivari est entré dans la langue française sous la forme chalivali ou calivaly. Par extension, le mot, à partir du XVe siècle, a désigné un grand tumulte avec ustensile de cuisines pour faire injure à quelqu’un, puis, simplement, un grand bruit né d’un grand désordre : « Mettez tous ces docteurs en présence : quel charivari ! quel tapage ! quel brouhaha ! quelle confusion de langues ! chacun pour faire valoir son opinion » (Louis Le Roy, Le Charlatanisme démasqué, ch. 1er, 1824).
C’est la foire d’empoigne !
« D’empogne », disait grand-mère. Si elle avait connu le sens ancien de l’expression, sans doute ne l’aurait-elle jamais employée, elle qui était si pudique !
En 1872, dans son Étude sur le langage populaire, le philologue Charles Nisard nous donne, pour être de la foire d’empoigne, cette définition : « être porté aux attouchements grossiers à l’égard des femmes. » Ceux qui étaient de la foire d’empoigne avaient donc une fâcheuse tendance à mettre la main au panier, à fréquenter les pince-fesses, à ne pas se priver de privautés, bref, c’étaient de sacrés pépères pervers, surtout si l’on considère qu’empoigner signifie « saisir vigoureusement à pleine main ». Des mains baladeuses, l’expression foire d’empoigne a glissé vers les mains furtives et fureteuses, celles des pickpockets, voleurs à la tire et à l’étalage, acheter à la foire d’empoigne prenant le sens de « voler » : « […] ce n’est qu’une fin de non-recevoir qu’inspire à ces négociants notre qualité de barbares, soupçonnés d’acheter tout sans payer, — à la foire d’empoigne — comme disent les troupiers ». (Georges de Kéroulée, Un Voyage à Pékin, ch. VI, 1861).
De nos jours, la foire d’empoigne ne qualifie plus qu’une cohue où chacun essaie, par tous les moyens, de s’emparer de ce qu’il désire, lors d’un héritage, par exemple, ou dans les grands magasins, le tout premier jour des soldes.
Quelle pétaudière !
Dans le Tartuffe de Molière, Mme Pernelle explique en ces termes pourquoi elle s’enfuit si vite de chez sa fille Elmire :
Rabelais, ayant déjà fait allusion à ce roy Pétault dans son Tiers livre (1546), peut être à l’origine de cette expression apparue un demi-siècle plus tard : « La cour du roy Pétauld où chascun est maître. »
En 1829, Alexandre Dumas père proposa au théâtre du Vaudeville une parodie de sa propre pièce Henry III et sa cour. Il intitula ce travestissement La Cour du roi Pétaud. Il donna ce même titre au chapitre XXVI de son Joseph Balsamo (1849) où il rapporte une dispute entre Louis XI et son ministre Choiseul.
À la même époque enfin, le dessinateur caricaturiste Honoré Daumier comparaît devant la cour d’assises, est incarcéré six mois à la prison Sainte-Pélagie puis à l’asile du Dr Pinel, pour avoir publié La Cour du roi Pétaud (1832). Il faut dire que la lithographie était une cinglante satire des mœurs de la monarchie louis-philipparde.
Quid de ce roi Pétaud ?
Pour certains, il était le chef de la corporation médiévale des mendiants. Littré nous explique que le patronyme est « un terme burlesque formé du latin petere, demander, mendier. Mais l’historique paraît montrer que pétaud est synonyme de péteur. »
Roi de la Cour des Miracles, roi des pets, l’un et l’autre ? En tout cas, ce roi est à l’origine du mot pétaudière que l’on trouve en premier lieu dans les Mémoires de Saint-Simon (1694) avec le sens d’ « assemblée confuse où chacun est le maître » :
« Après une longue pétaudière, il fut résolu que le roi serait informé de cette insolence » (36, 160).
Faire du potin
Dans la Normandie d’autrefois, les femmes se réunissaient l’hiver à la veillée, chacune près de son pot de terre cuite où rougeoyaient des braises, et se livraient à leur occupation favorite : caqueter, faire des commérages, dire du mal des voisins. Le pot était appelé potine et cette manière de dire des petites médisances fut qualifiée de potinage dès 1625-55 :
Dans le tome I du même ouvrage est mentionné le mot potin au sens de « commérage » :
Apparaîtra ensuite le verbe potiner, « bavarder, faire des cancans ». Flaubert, ce grand Normand, l’utilise dans une lettre à Edmond de Goncourt du 19 mars 1879 : « Entre deux épreuves, tâchez de trouver le temps de potiner avec votre ami qui vous embrasse. »
Dérivé de potin et de potiner, potinière a désigné, à la fin du XIXe siècle, le lieu, souvent un salon mondain, où les femmes avaient coutume de se réunir pour échanger des potins. De la potine à la potinière, de faire des potins à faire du potin, l’évolution lexicale s’est montrée bien misogyne puisque les propos de ces dames ont été finalement assimilés à un vacarme assourdissant : une bonne raison pour les féministes de faire un potin de tous les diables !