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Faire du ramdam

Ramdam est l’abréviation (d’origine maghrébine) de « ramadan », de l’arabe ramadân, « neuvième mois de l’année de l’hégire », mois pendant lequel les musulmans ne doivent ni manger, ni boire, ni fumer, ni avoir de relations sexuelles, entre le lever et le coucher du soleil. Le mot apparaît dès 1703 dans Observations curieuses sur le voyage dans le Levant par Fermanel, Fauvel, Baudoin et Stochove : « Il y en a un [jeûne] général et réglé qui dure toute une Lune, et l’appellent Ramadan ou Ramazan, du nom du mois où il échoit, qui est le dixième [sic] de leurs mois, et la raison pour laquelle il ont plutôt choisi ce mois que les autres, est qu’ils disent qu’en ce mois-là Dieu mit l’Alcoran entre les mains de Mahomet, et lui conféra cette loi-ci pleine de grâces, qui doit, suivant leurs sentiments, sauver tout le monde. »

Dans les années 1890, faire ramdam a signifié « jeûner » chez les soldats d’Afrique puis, faire du ramadam a pris son sens actuel (depuis 1896) par allusion à la liesse et au tapage nocturnes qui, chez les musulmans, sont supposés suivre les journées d’abstinence. Exemple lexical d’islamophobie ?

COMPORTEMENTS

Faire marcher son monde à la baguette

C’est ce que ma grand-mère maternelle disait de ma grand-mère paternelle qu’elle traitait aussi parfois de « Marie-j’ordonne ».

À quelle baguette l’expression fait-elle allusion ? Pas à celle du chef d’orchestre ni à celle du tambour, encore à moins celle, magique, du prestidigitateur, mais incontestablement, à celle que le maître utilisait pour punir ses élèves, ou avec laquelle une autre espèce de maître frappait ses esclaves, bref, une férule. L’expression n’est plus que figurée. Le Roux (1735) répertorie deux expressions antérieures, aujourd’hui inusitées : commander à baguette (« prendre une autorité de maître, commander avec orgueil et haut la main, d’un ton de voix fier et arrogant, et ordonner absolument en souverain ») et servir à baguette (« servir avec soumission, le chapeau bas et avec respect, ramper et se soumettre comme un esclave »). Faire marcher son monde à la baguette équivaut à la première.

Faire la bamboula

Quand les lendemains de fêtes nous nous plaignions d’être fatigués, grand-mère nous clouait gentiment le bec d’un « voilà ce que c’est que de faire la bamboula ! », bamboula étant parfois remplacé par « nouba ». Nous sentions bien qu’il y a avait de l’Afrique là-dessous… en effet !

Une bamboula, c’est d’abord un tambour africain, appelé bombalon au XVIIe siècle. Parlant des habitants d’une île de Guinée, Michel Jajolet de La Courbe nous dit : « Ils ont certain instrument fait de bois et fort grand, appelé bombalon qui, étant frappé avec un bâton, s’entend à ce qu’on prétend de plus de quatre lieues » (Premier voyage du sieur de La Courbe fait à la coste d’Afrique en 1685). Le Père Labat, explorateur et missionnaire (1663–1738) parle, lui, de baboula.

Bamboula désigne aussi la danse que les Noirs d’Afrique exécutaient au son de cet instrument, mais l’expression faire la bamboula est beaucoup plus récente : dans son ouvrage Le Poilu tel qu’il se parle (1919) Gaston Esnault nous apprend qu’elle était utilisée avant 1914 par les tirailleurs algériens avec le sens de « faire la bombe, se soûler comme un nègre ». Il nous précise aussi que bambouillat fut en 1855 synonyme de « nègre » et que le qualificatif de bamboula fut appliqué, soit à un tirailleur sénégalais, soit, dans un usage plus général, à un « nègre ». De telles expressions nous disent aujourd’hui tout le racisme qui présida à la colonisation africaine.

On imagine que celui qui menait une vie aussi mouvementée, aussi agitée, aussi désordonnée, recevait la désapprobation de grand-mère. Elle ne parlait d’ailleurs pas de bâtons mais de barreaux, trahissant ainsi son ignorance de l’étymologie.

Ces bâtons sont les longues barres de bois qui permettaient aux chaises à porteurs d’être… portées par deux laquais, un devant, un derrière, et, « fouette, cocher (si l’on peut dire), à nous, la tournée des grands-ducs ! » se réjouissaient alors les nobles de l’Ancien Régime. Mais, halte-là ! Un « léger » petit problème de chronologie se fait jour : l’expression « mener une vie de bâton de chaise » n’apparaît qu’à la toute fin du XIXe siècle à une époque où ces brancards avaient été depuis longtemps mis au rancart. Le regretté Claude Duneton (1935–2012), dans La Puce à l’oreille (1978), nous explique cette tardive apparition de diverses façons, en particulier par la vogue que connurent alors les spectacles historiques notamment adaptés des romans de cape et d’épée, genre Les Trois Mousquetaires.

Triste comme un bonnet de nuit

Malgré l’époque où il vivait son grand âge, grand-père, en bon citadin et contrairement aux vieux campagnards, ne portait pas de bonnet de nuit. Grand-mère pouvait donc dire de tel ou tel qu’il était triste comme un bonnet de nuit, l’honneur de grand-père restait sauf !

Le bonnet de nuit était de mise sous l’Ancien Régime, quand la mode des perruques (que l’on ôtait pour dormir) obligeait à avoir les cheveux courts, voire à se raser le crâne. Petit à petit, le bonnet de nuit ne fut plus porté que par les vieilles personnes et l’on en vint à adopter ce syllogisme : les vieillards portent un bonnet de nuit, les vieillards sont tristes et ennuyeux, donc le bonnet de nuit symbolise la tristesse et l’ennui. Ajoutons que les gens âgés étant généralement des couche-tôt, ils dorment quand la jeunesse fait la nouba. Chez Le Roux (1735), on trouve « Triste comme un bonnet de nuit sans coëffe. À cause qu’un [sic] bonnet en cet état est sans ornement, et sans propreté. »

« […] moy qui, à force d’entendre des lamentations, dois estre triste comme un bonnet de nuit sans coëffe. Hé bien ! tenez, ne voilà-t-il pas encore ? Un bonnet de nuit sans coëffe ! Depuis que je connais cet animal, je ne dis que des sottises » (Brécourt, L’Ombre de Molière, sc. II, 1674).

Se monter le bourrichon

Bourrichon est un synonyme familier de « tête ». Il est dérivé de bourriche, « panier sans anse qui contient des victuailles (gibier, poissons, huîtres) » et qui peut représenter le prix à gagner lors de loteries populaires. Bourriche a, du reste, revêtu la même signification que bourrichon. Comparer la tête à un récipient est d’ailleurs, en argot, chose courante : bocal, cafetière, carafe, carafon, fiole, saladier, tasse, terrine, timbale, théière, tirelire, urne… qui dit mieux ?