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Ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval

C’est évidemment d’argent qu’il est question, celui que l’on gagne à la sueur de son front, non en boursicotant ou en jouant à la loterie. Bien sûr, pour les turfistes qui misent sur le bon bourrin, l’argent peut se trouver, dans un sens figuré, sous le sabot d’un cheval mais c’est là une tout autre histoire !

L’expression fut d’abord cela ne se trouve pas dans le pas d’un cheval comme il est attesté dès 1640 chez Antoine Oudin avec cette explication : « Ne se trouve pas facilement. » Pas y est synonyme de « trace ». L’allusion est tacite : ce que l’on trouve généralement après le passage d’un cheval, c’est du crottin et l’on a beau le nommer « l’or noir des jardins », il faut être le « pauv’ paysan » imaginé par Fernand Raynaud pour penser que le crottin peut rapporter beaucoup d’argent !

Ça ne se trouve pas sous le pas d’une mule (d’un mulet) est une autre variante.

Qui paie ses dettes s’enrichit

Avoir des dettes : pour nos grands-mères, l’horreur absolue, la cause de tous les cheveux blancs, la raison des nuits sans sommeil, la peur du qu’en-dira-t-on, l’opprobre, l’ignominie !

La sagesse recommandait donc de se contenter de ce que l’on avait, de se priver même plutôt que de devoir de l’argent et si, par malheur, on devait tout de même emprunter, il fallait s’acquitter au plus vite de sa dette pour recouvrer un esprit libre et éviter de tomber dans le maelström infernal, celui qui ne cesse d’ajouter les intérêts au capital et de vous appauvrir encore plus, tant pécuniairement que moralement. Mieux valait être la petite fourmi économe plutôt que la cigale dépensière et emprunteuse de la fable. L’adage disant que qui paie ses dettes s’enrichit prodiguait donc un conseil fort avisé, même si certains, comme Léon Bloy, ont prétendu le contraire, avec humour et non sans une certaine mauvaise foi : « QUI PAIE SES DETTES S’ENRICHIT. J’avoue ma complète inexpérience. J’ai assez souvent payé mes dettes, quelquefois aussi les dettes des autres, et je ne remarque pas que ma richesse en ait été considérablement augmentée » (Léon Bloy, Exégèse des lieux communs, 1902).

Question subsidiaire et d’actualité : que vaut le proverbe pour les pays européens qui, en pleine crise économique mondiale, peinent ou faillent à rembourser leur dette publique ?

Les doublures se touchent

L’argent coule ou tend à couler, ce qui correspond bien au qualificatif de « liquide ». C’est en effet parce que les pièces de monnaie et les billets de banque peuvent circuler librement qu’ils sont immédiatement disponibles et ne nécessitent aucune formalité administrative pour passer de main en main, que l’on parle d’argent liquide[1]. Billets et pièces coulent si aisément qu’ils filent entre les doigts et qu’il faut souvent, trop souvent, rendre visite aux distributeurs automatiques.

Point de ces automates du temps de nos grands-parents (point non plus de chèques ni de cartes de paiement) : quand l’argent liquide filait trop vite, on venait à en manquer, inévitablement, et force était d’attendre la paye suivante pour que portefeuille et porte-monnaie se regonflent, opportunément. Dans l’intervalle, ces objets de maroquinerie étaient affectés d’une douloureuse étisie et grand-mère se lamentait : les doublures se touchent ! Avouerai-je que je l’ai parfois soupçonnée d’utiliser la formule pour ne pas avoir à y mettre la main ?

Épargne, épargne, c’est pas des truffes !

Je tiens cette savoureuse expression, comme quantité d’autres, d’un mien beau-frère, qui lui-même l’avait entendu dire à ses grands-parents sarthois chaque fois que l’on avait la main trop lourde, en se servant ou en servant autrui.

Dans la Sarthe, comme dans quelques autres régions de France, les truffes (prononcez trufjes) ne désignent pas ces champignons ascomycètes onéreux, très recherchés, qui font la fierté des Périgourdins (l’exclamation serait alors incohérente) mais tout bonnement les pommes de terre : nourriture du pauvre par excellence, les « patates » étaient bon marché et l’on pouvait en manger à satiété, ce qui n’était évidemment pas le cas pour des denrées plus chères qu’il fallait « épargner », entendons, économiser. Alors, si dans une soirée mondaine vous voyez le loufiat servir le caviar à la louche, n’hésitez pas à lui dire : « Épargne, épargne, c’est pas des truffes ! »

Mettre (avoir) du foin dans ses bottes

L’expression suppose un bon fonctionnement de ce que l’on appelle aujourd’hui « ascenseur social » puisqu’elle s’applique à celui qui, issu d’un milieu modeste, a réussi à devenir riche[2]. Certes, mettre du foin dans ses bottes, c’est jouir d’un meilleur confort. En outre, pouvoir chausser des bottes, c’est déjà mieux que de devoir se contenter de sabots, fussent-ils garnis de paille. Du sabot à la botte, comme d’ailleurs de la paille au foin, il y a, sans nul doute, amélioration du standing. Alain Rey et Sophie Chantreau pensent que l’expression joue également sur l’autre acception du mot botte : « meule », une meule de foin bien pleine et bien serrée pouvant symboliser le « paysan parvenu », pour reprendre un titre de Marivaux.

Furetière (1690) mentionne une expression équivalente : « Cet homme a mis de la paille en ses souliers [signifie] que c’était un gueux qui est devenu riche en peu de temps. »

Quand il n’y a point de foin au râtelier, les chevaux se battent

Autre proverbe issu du monde paysan. On dit aussi les chevaux se mordent. On trouve également : Quand il n’y a point de foin au râtelier, les ânes se battent (Émile Gaboriau, L’Ancien Figaro, 1826). La signification est claire : la misère est source de conflits. Grand-mère disait cela en parlant de ménages où, à cause d’un manque d’argent, maris et femmes se querellaient. C’est en effet le contexte habituel où l’on utilise cette locution proverbiale, comme dans cet extrait du policier Pierre Louis Canler (1797–1865), chef de la sûreté parisienne : « […] j’ai une de mes anciennes amies qui avait quitté son mari, parce qu’à eux deux ils f… la misère par quarteron, si bien qu’ils ne pouvaient plus rester ensemble, parce que, vous savez, quand il n’y a plus de foin au râtelier, les chevaux se battent […] » (Mémoires de Louis Canler, ch. XLI, 1861). Le proverbe s’applique aussi aux domaines social et politique ; il nous dit alors que la misère des peuples est la cause de révoltes, de révolutions ou de guerres : « Ramener la prospérité, c’est en Macédoine, par exemple, l’unique secret d’une pacification définitive. “Quand il n’y a plus de foin au râtelier, les chevaux se battent”, dit un vieil adage français. Que le paysan macédonien s’enrichisse, et il n’y aura bientôt plus ni Bulgares, ni Turcs, ni Grecs, mais seulement des propriétaires préoccupés d’engranger leurs récoltes et de mettre à l’abri leurs économies. » (René Pinon, L’Europe et la jeune Turquie — Les aspects nouveaux de la question d’Orient, ch. II, 1913.)

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1

On a autrefois utilisé le curieux oxymore d’ « argent sec et liquide » pour qualifier toute somme en espèces réputée nette et sujette à aucune contestation :

« Soixante mille écus d’argent sec et liquide Ont mis notre fortune en un vol bien rapide. » (Jean-François Regnard, Les Ménechmes, IV, 2, 1705.)
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2

Contrairement à celui qui, selon le bon mot de Pierre Dac, parti de rien pour arriver à pas grand-chose, n’a de merci à dire à personne.