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N.B. Le français second et ses dérivés ont la même origine : est en effet qualifié de second tout élément qui suit le premier auquel il est implicitement comparé.

Être soupe au lait

Petits, nous nous en régalions : on verse un litre de lait chaud préalablement bouilli avec une gousse de vanille sur du pain rassis et une dizaine de morceaux de sucre et on laisse cuire à feu très doux pendant dix minutes. Avant de servir, on ajoute une noix de beurre et une cuillérée à soupe de crème fraîche. Voilà une excellente recette de soupe au lait, digne de nos grands-mères. Mais attention à ce que le lait ne monte ni ne déborde quand il bout ! Ce bouillonnement et ce débordement presque imprévisible sont vite devenus une métaphore d’abord de la colère (monter comme une soupe au lait) avant de devenir celle du coléreux, de l’irascible qui se laisse facilement emporter (être soupe au lait).

S’ennuyer à cent sous de l’heure

On retrouve notre sou, indétrônable dans le langage populaire malgré son officielle et plus que bicentenaire disparition. Pour une exacte mise à jour, il faudrait dire « s’ennuyer à cinq francs de l’heure », mais ces idiotismes, même dans le domaine monétaire, n’ont cure ni des changements de systèmes ni des équations mathématiques. On trouve, çà et là, quelque tentative de modernisation, comme, par exemple, chez Colette en 1910 (« Elle avait des plumes comme ça ! et puis un manchon comme ça ! et une gueule à s’emm…er à cent francs de l’heure ! — Si elle les touche, les cent francs de l’heure, elle n’a pas à se plaindre ! » La Vagabonde), mais les bons vieux sous résistent.

S’ennuyer, s’embêter, se barber, se raser, s’emm…er à cent sous de l’heure marquerait donc un ennui mortel, fruit d’une oisiveté totale, un suprême enquiquinement, rançon d’un désœuvrement tel qu’on devrait, paradoxalement, être payé pour cela. On peut toutefois se demander si quelque boulot mal rémunéré, quoique particulièrement monotone, ne serait pas à l’origine de la locution, un emploi de modèle par exemple, comme dans cet extrait d’un texte paru en 1935 au Mercure de France : « C’est plus propre que de faire voyeur pour les peintres, reprit Marinette avec dignité. J’en avais marre. Des séances de sellette et de canapé à cent sous l’heure, c’est pas digne. Maintenant, je gagne très bien ma vie. Chez Mme Jacqueline, rue des Bons-Enfants. »

Se faire du tintouin

« Une scolopendre s’étant introduite dans l’oreille, elle en sortit au bout de trois ans, et le malade fut guéri d’un tintouin que lui causoit cet insecte »

(François Boissier de Sauvages, Nosologie méthodique, vol. 2, ch. VII, 1771).

Littré définit ainsi le tintouin : « Sensation trompeuse d’un bruit analogue à celui d’une cloche qui tinte, et dû à un état morbide du cerveau ou une lésion du nerf auditif. » Déjà, en 1690, Furetière proposait une proche définition, parlant d’une « inquiétude d’esprit ».

Tintouin serait une déformation de tintin, équivalent onomatopéique de « tintement ».

Du tintement (on parlerait aujourd’hui d’acouphènes) au trouble qu’il provoque, voire au dérangement d’esprit (dans les deux sens du terme), l’expression a évolué par métonymies successives pour ne plus signifier aujourd’hui qu’ennuis (avoir du tintouin) ou inquiétude (se faire du tintouin). Le mot a sans doute séduit par son amusante allitération.

CONTENTEMENT

À l’origine, un très ancien usage catholique : chaque dimanche, pendant la messe paroissiale, l’officiant aspergeait d’eau bénite une certaine quantité de pain selon un rituel très précis. Ce pain, bénit mais non consacré (contrairement à l’hostie) était ensuite distribué aux fidèles qui ne communiaient pas. Le pain et le vin non consacrés mais bénits recevaient le nom d’eulogies (du grec eulogia, « louange », à l’origine du français « éloge ») ; ils étaient supposés offrir aux fidèles le pardon des fautes vénielles. La coutume voulait aussi que du pain bénit fût envoyé aux amis et parents de la paroisse n’ayant pu venir à l’église. C’était une façon de les honorer. Les familles devaient, à tour de rôle, apporter le pain à la messe dominicale.

Dans l’expression, le pain bénit symbolise ce qui est excellent, appréciable et apprécié. Ce sens figuré est déjà mentionné chez Oudin (1640) : « C’est pain bénit, c’est bien employé, il méritait bien d’être traité de la sorte. »

Autre rejeton lexical : « C’est passé par la boîte à pain bénit !  » (voir infra).

Variantes : beunaise, benèse, benéze.

Tout être heureux de vivre et dont le sourire béat trahit le contentement a droit à cette appellation, fréquente en Charentes, Poitou et Vendée. C’est la forme régionale de « bien aise ». L’expression nous fournit l’occasion de rendre hommage à l’excellent barde saintongeais, ami de la famille, auteur de monologues en vers et en prose, de chansons et de pièces en parlanghe (langue régionale picto-saintongeaise, le mot « patois » ayant désormais mauvaise presse), Évariste Poitevin dit Goulebenéze (1877–1952), la goule désignant le « visage » mais aussi la « bouche » et, partant, le « bagout ». « Goulebenéze » peut donc se traduire par « la bonne bouille » ou « la bouille réjouie ».

C’est du billard !

L’expression fait ici directement référence au jeu de billard, plus exactement à la table parfaitement plane et recouverte d’un tapis de drap qui minimise les frottements, de sorte que les billes y roulent aisément. C’est ce roulement facile qui est à l’origine de la locution imagée, c’est du billard ! signifiant « ça roule ! » (expression cousine), « c’est très facile ! », « ça va tout seul, sans problème ».

Esnault (1965) mentionne une autre signification : Ça, c’est du billard ! pour « c’est une chance heureuse », allusion à un « effet » de billard réussi.

Billard s’emploie aussi dans d’autres expressions imagées :

— passer sur le billard, « sur la table d’opération » (voir infra) ;

— avoir un œil qui joue au billard, « loucher » (plus vulgairement, « avoir un œil qui dit merde à l’autre ») (voir infra) ;

— dévisser son billard, « mourir ».