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On a dit aussi Avoir les yeux plus grands que la panse et Avoir plus grands yeux que grand’ panse, deux variantes encore mentionnées par Littré (1863-72).

Être zirou

C’est ce que grand-mère reprochait à mon frère qui, devant un bifteck, passait un temps infini à extraire méticuleusement le moindre petit morceau de nerf qu’il écartait sur le côté de l’assiette : « Qu’est-ce qu’il est zirou ! » Vous ne trouverez ce mot dans aucun dictionnaire, sauf de saintongeais, de poitevin et de vendéen.

Dans ces parlers régionaux, être zirou signifie « être délicat, difficile, facilement dégoûté », surtout en parlant de la nourriture. « Tu me fais zire ! » s’écriera celui qui n’aime pas les anguilles et voit son voisin s’en régaler. Le zire, c’est donc l’horreur, le dégoût, l’aversion. On trouve ce mot dès 1665 dans La Ministresse Nicole, dialogue poictevin : « Tout mon quieu en souffrene et qu’o me foit grond zire  » (Tout mon cœur en souffre et cela me fait grand dégoût).

PAROLES

Mentir comme un arracheur de dents

Le mot « dentiste » ne fait son entrée au dictionnaire qu’en 1728 lorsque Pierre Fauchard (1679–1761) publie Le Chirurgien dentiste, ou Traité des dents, ouvrage considéré comme ouvrant la voie à l’odontologie moderne. Auparavant, on parlait plus communément d’arracheurs de dents, le seul et unique moyen de traiter une dent gâtée étant alors de l’arracher. Ces arracheurs de dents étaient aussi le plus souvent chirurgiens (pratiquant essentiellement la saignée), barbiers et marchands ambulants. Ils exerçaient leur « art » sur les places publiques, dans les foires ou les marchés. Les opérations s’effectuant sans anesthésie, ces « praticiens » devaient affirmer qu’elles étaient indolores pour éviter que le client terrorisé ne se carapate.

« Je tire les dents de la bouche ; Mais c’est avec un tel compas Que dès le moment que j’y touche On sent que je n’y touche pas. »
(L’Arracheur de dents aux dames, in Le Cabinet satyrique, 1700.)

D’ailleurs, pendant chaque intervention, on faisait jouer des instruments bien sonores comme des trompettes afin que d’autres clients potentiels n’entendent pas les cris de douleur de la pauvre victime.

Tout juste, Auguste !

De nombreuses expressions familières marquant l’accord, l’assentiment, l’approbation, avec un soupçon d’ironie, suivent le même schéma linguistique. Tout juste, Auguste ! Tu l’as dit, bouffi ! Tu parles, Charles ! Un peu, mon neveu !, en sont les exemples les plus connus. Bien sûr, les derniers termes n’ont d’autre intérêt que le plaisir de la rime qu’ils fournissent, étant entendu que l’on ne s’adresse ni à Auguste, ni à une personne rondouillarde. Idem, l’interlocuteur ne se prénomme pas plus Charles que vous n’êtes son oncle. À ces interjections plaisantes, ponctuations d’un dialogue populaire et bon enfant, on peut ajouter À la tienne, Étienne ! Ça colle, Anatole ! Fonce, Alphonse ! Au hasard, Balthazar ! etc., que grand-mère utilisait sans modération en fonction des circonstances. Citons aussi deux modernes anglicismes que grand-mère n’a pas connus : Cool, Raoul ! et Relax, Max !, destinés, par exemple, à celui qui réagit trop violemment à vos propos.

Ne voyons aucun rapport avec cette pièce de bœuf que le boucher taille dans la partie inférieure de l’aloyau, partie qui, par sa forme, rappelle le grand bavoir que l’on attache au cou des bébés. Aucun rapport… si ce n’est une étymologie commune : le verbe baver qui, outre son sens propre (si l’on peut dire) de « laisser couler de la salive », a depuis bien longtemps le sens populaire et figuré de « parler ». D’ailleurs, bavarder s’explique de la même façon.

L’expression est plus ancienne qu’on ne le croit puisque Furetière (1690) la donne comme un synonyme de « caqueter » : « On dit proverbialement et bassement, que les femmes vont tailler des bavettes, quand elles s’assemblent pour caquetter [sic]. » Baver et « cracher » étant sémantiquement proches, il n’est pas étonnant que l’un comme l’autre ait pris, en langage argotique, le sens de « parler » (voir infra Tenir le crachoir).

Par un curieux hasard, c’est souvent avec son boucher que grand-mère taillait une bavette et savez-vous comment il s’appelait, je vous le donne en mille et suis prêt à cracher pour le jurer : M. Plat (voir supra, faire du plat).

« L’un de l’autre, entre nous, nous savons des nouvelles, Et tous deux nous pourrions en raconter de belles ; Au lieu qu’à l’avenir, si nous ne faisons qu’un, Nous ne craindrons plus rien de l’ennemi commun. »
(Colin d’Harleville, Le Vieux célibataire, II, 7, 1792.)

Curieuse façon pour Ambroise de s’attirer les faveurs de Mme Évrard ! Quel chantage lui fait-il, en somme ? Si elle refuse de devenir sa femme, il dira publiquement tous les secrets honteux qu’il sait à son sujet. Tel est bien le sens d’en raconter de belles. L’expression, elliptique, laisse entendre ironiquement qu’il n’y a justement rien de beau dans ce que l’on va raconter : toutes ces choses peu honorables que d’aucuns tiennent à dissimuler, des histoires de famille, des attitudes coupables, des actes condamnables, des fautes commises mais jamais avouées, bref, des cadavres dans le placard.

Ficher son billet

Grand-mère ne pariait jamais. Elle prétendait que, dans chaque pari, il y a toujours un voleur et un couillon (elle disait plutôt « imbécile »). Alors, au lieu de : « Je vous parie que… », elle nous annonçait : « Je vous fiche mon billet que… », et cela voulait dire qu’elle était bigrement sûre de ce qu’elle avançait, qu’elle pouvait même en mettre sa main à couper.

« Affirmer », « certifier », « assurer » sont synonymes de ficher son billet. L’expression a connu plusieurs variantes. Plutôt que de ficher son billet, on pouvait le donner, le signer ou le foutre. Le billet en question, c’est celui sur lequel on pourrait écrire et signer ce que l’on déclare, partant du principe que si les paroles s’envolent, les écrits restent. Idée contenue dans la définition que propose Delvau (1866) : « Ficher son billet (en). Donner mieux que sa parole, faire croire qu’on y engagerait même sa signature. »