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Donner parole eut, dès le XIIe siècle, le sens de « promettre » : « Que d’amer vous donge parole[25] » (Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, v. 13621, c. 1165).

Parole d’Évangile

On devrait donc pouvoir se fier à une « parole d’honneur » (voir ci-dessus) comme on peut se fier à une parole d’Évangile.

Du grec euangelion, « bonne nouvelle », formé sur eu signifiant « bien » et angellein voulant dire « annoncer » (qui nous a également donné « ange »), le mot évangile est un emprunt du XIIe siècle au latin ecclésiastique evangelium. Du sens général de « bonne nouvelle », le mot a glissé vers la signification plus précise de « bonne nouvelle de la parole du Christ ». Il a ensuite désigné chacun des quatre livres du Nouveau Testament où sont consignés la vie et les enseignements de Jésus : les Évangiles dits synoptiques (i.e. qui peuvent, grâce à leurs nombreuses convergences, être lus en parallèle : selon saint Mathieu, saint Marc et saint Luc) et le quatrième évangile ou Évangile selon saint Jean.

C’est dire si, dans notre monde longtemps régi, voire régenté par le christianisme, une parole assimilée à celle des Écritures ne peut être que fiable, par excellence, digne de foi.

« É » majuscule ou « é » minuscule ? L’un ou l’autre puisque Littré nous propose la distinction suivante : « Évangile prend un É majuscule quand il s’agit de la loi de Jésus-Christ, des livres qui contiennent sa vie, et du recueil de ces livres. Il prend un é minuscule quand il s’agit de la partie de l’Évangile que le prêtre dit. »

Que le diable te patafiole !

Le hasard de l’alphabet nous fait passer de la parole d’Évangile à celle du diable pour une expression qui vaut malédiction puisque patafioler est un vieux mot pour « maudire », encore en usage dans plusieurs langues régionales dont le saintongeais. Grand-mère demandait indifféremment au bon Dieu ou au diable de nous patafioler, anathème qui ne tombait (patatras !) que lors d’une situation conflictuelle résultant en une vexation pour la pauvre vieille.

Patafioler au sens de « maudire, confondre » procède d’une étymologie obscure dans laquelle « patatras » a dû cependant jouer un rôle. Dans certaines régions (Dauphiné notamment), patafioler veut dire enivrer : l’influence de « patatras » et de « fiole » semble alors ne faire aucun doute.

Ma pauvre dame !

Dame ! : cette interjection, qui ponctue un discours familier pour souligner une évidence (voir supra), ne doit pas être confondue avec Ma pauvre dame ! ou Ma pauv’dame ! relevant également du langage populaire, formules orales employées même si l’on ne s’adresse pas à une dame en particulier ou même si l’on s’adresse à une dame riche, et qui n’ont d’autre but que de solliciter avec une once d’ironie l’attention et la sympathie de l’interlocuteur (on parle de fonction phatique du langage). Dans certains cas, la formule équivaut à « bonnes gens » (voir supra) et peut précéder l’annonce d’une nouvelle plus ou moins triste : « 25 septembre. — Mort de Bony. Sanglots de sa femme (paysanne ; pur Granville). “Ah ! ma pauvre dame ! Son corps qui était si maigre ! […] C’est à 11 heures qu’il est mort, ma pauvre dame. […] Ah ! ma pauvre dame ! Son pauvre visage qui était si pâle ! […] Je l’aimais tant, ma pauvre dame !” » (Victor Hugo, Choses vues, 1854).

C’est une pierre dans mon jardin

Grand-père osait parfois critiquer grand-mère. Oh ! pas directement, toujours sous forme d’allusions :

« Je ne sais pas si j’ai dépensé de l’argent en allant au bistrot (il s’offrait parfois un petit verre de blanc le dimanche matin) mais moi, mes sous, je ne les donne pas au curé !

— Ça, c’est une pierre dans mon jardin ! » répliquait grand-mère.

De jardins, elle n’en avait pas, du moins étaient-ils secrets et métaphoriques, comme celui de sa foi que seule trahissait son assiduité à la messe dominicale.

Avec le sens de remarque désobligeante adressée à quelqu’un, l’expression est ancienne. On la trouve chez Mme de Sévigné : « […] respecter les Gouverneurs et les Gouvernantes ; de ne point leur dire d’injures, de ne point jeter de pierres dans leur jardin » (Lettre à Mme de Grignan du 30 octobre 1675).

Faire de la réclame

Si le mot « publicité », dans son sens commercial, existe depuis 1829, il n’est apparu dans le langage courant qu’au début du XXe siècle et plus encore quand la société de consommation a fait main basse sur la presse, les ondes, les écrans et les murs de nos villes. Auparavant, on ne parlait guère de publicité mais de réclame (de l’ancien français reclaim, « appel, invocation »), mot qui désigna d’abord, dans les années 1830, un petit article de journal faisant, contre paiement, l’éloge d’un produit. Dix ans plus tard, le sens de réclame s’élargit à tout moyen permettant d’attirer l’attention d’autrui, en particulier des consommateurs. On disait aussi qu’un produit était « en réclame  » quand il était en solde ou, pour employer une expression plus moderne, en promotion. Faire de la réclame signifiait soit faire de la publicité commercialement parlant, soit, de manière plus générale, faire l’éloge de ceci, de cela, d’un tel, d’une telle.

Quand grand-mère promettait de faire de la réclame, c’était plutôt mauvais signe, car le ton était ironique et la critique s’annonçait plus négative que positive. Ainsi, quand un commerçant avait voulu la rouler, le mot de « margoulin » lui venait aux lèvres et la menace était proférée sans attendre : « Comptez sur moi, je vais vous faire de la réclame ! »

Vas-y, Robic !

C’était une moquerie plus qu’un encouragement. Y avait droit tout cycliste amateur, et singulièrement, tout grimpeur d’un certain âge ahanant le long d’un raidillon en appuyant sur les pédales de sa petite reine. Bien sûr, l’expression était née d’une véritable incitation à la victoire et d’une admiration sincère pour Jean Robic, Biquet pour les intimes, coureur éminemment populaire, vainqueur de la grande boucle en 1947 et du mondial de cyclo-cross trois ans plus tard. L’exclamation se déclina ensuite en fonction des nouveaux champions : Vas-y, Bobet ! (Louison Bobet, trois fois victorieux du Tour de France), Vas-y, Anquetil ! (Jacques Anquetil, 5 victoires), etc. La formule connut un regain de popularité à partir de 1952 quand Zappy Max, l’homme des jeux de midi et du Radio-Circus, devint le délirant reporter de Vas-y Zappy, feuilleton radiophonique dont grand-mère ne ratait aucun épisode.

Des si et des mais

Si, adverbe, peut introduire une condition : « Je rangerai ma chambre si j’ai le temps. »

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25

« Que d’amour je vous donne parole. »