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Toutime est resté dans la locution Et tout le toutime, « et tout le reste », elle-même devenue désuète mais encore abondamment utilisée par les auteurs de romans policiers des années 1950 à 1970 (Auguste Le Breton, Albert Simonin, Alphonse Boudard, etc.).

Et tout le tralala

Tralala, c’est d’abord une onomatopée caractéristique des chansons populaires dont un premier exemple se trouve en 1790 dans le Chansonnier national : « Toutes les fillettes vont au son du violon, su’ l’ vert gazon, danser en rond. Tra la la la la la » (Ronde du retour de la noce). Elle est aussi dans le refrain des comptines enfantines : « Sur l’air du tra la la la, sur l’air du tra de ri de ra tralala » (La Mère Michel). Les enfants l’utilisaient enfin pour se moquer de leurs camarades ou les narguer : « Tralala ! tralalalère ! »

Tralala s’appliqua plus tard (1860) aux flaflas des toilettes luxueuses, d’où l’expression être en grand tralala pour être en habit de cérémonie ou tenue de gala. Du luxe des smokings et robes de soirée, le sens de tralala a glissé vers les cérémonies elles-mêmes, réceptions trop guindées qui confinent à l’esbroufe, au chiqué, au m’as-tu-vu : « Aussi la fougue et l’audace, la verve et tout le grand tralala de l’excentricité féminine ne font-ils pas défaut aux soirées du jardin Mabille » (Charles Monselet, Le Monde parisien in L’Artiste, revue de Paris, 1847).

Enfin, la formule et tout le tralala prit le sens de « tout ce qui s’ensuit », les idées de complications et d’attitudes maniérées y étant implicites, comme dans l’expression synonyme, « et tout le tremblement ».

La mettre en veilleuse

C’est d’abord une lampe que l’on mettait en veilleuse, lampe à huile, dont on baissait l’intensité par mesure d’économie. Par analogie, mettre en veilleuse s’est dit à partir des années 1930 pour « avoir une activité réduite ». La mettre en veilleuse apparaît ensuite avec le sens de « se taire, parler moins fort » ou, dans un style plus argotique, « ne pas trop la ramener ». Dans « la ramener » ou la mettre en veilleuse, la fait référence à la parole : il ne s’agit donc plus de lumière mais de son ou, en l’occurrence, de ton, la mise en veilleuse s’imposant à celui qui veut éviter qu’on le fasse taire par quelque moyen peu catholique : « Mais Ali n’avait pas l’air de jouer : “Vas-tu la mettre en veilleuse ? fit-il. Vas-tu la fermer, ta sale gueule ?” » (Auguste Le Breton, Du rififi chez les hommes, 1953).

Quand grand-mère nous demandait de la mettre en veilleuse pour écouter « les informations », c’était évidemment sur un ton beaucoup moins agressif.

Des vertes et des pas mûres

On peut en voir mais on peut aussi en dire ou en entendre et il s’agit dans tous les cas d’horreurs, d’incongruités, d’inconvenances. Dans le domaine de la parole, vert a toujours renvoyé à un lexique peu convenable ou, du moins, peu châtié, l’expression « langue verte », n’en déplaise aux écologistes, s’appliquant d’abord à l’argot (et ce n’est pas pour rien que Delvau intitule en 1866 son célèbre ouvrage Dictionnaire de la langue verte). De propos verts à des propos salaces, il n’y a qu’un pas. Une autre signification de la couleur verte (celle des fruits non encore à maturité) a engendré, via un jeu de mots, des vertes et des pas mûres. En raconter des vertes et des pas mûres, c’est, somme toute, « en raconter de belles » (voir supra). Les trois adjectifs sont d’ailleurs rassemblés dans une expression médiévale, en bailler de belles, de vertes et de mûres : « Et s’elle est autre, ce qui advient souvent, vous pouvez penser s’il a assez à souffrir ; et s’elle luy en baille de belles, de vertes et de meures » (Les Quinze joyes du mariage, v. 1410).

PHYSIQUE

Il biserait une bique entre les cornes

Nous retrouvons l’animal dont bien des locutions se moquent, une sorte de… bouc émissaire lexical, pour ainsi dire (voir supra, Elle tient mieux sur le dos qu’une bique sur ses cornes). Il est encore ici question de bique et de cornes ; le contexte, toutefois, n’est plus la gaudriole mais l’aspect physique. Les gens du Centre et du Poitou diront plutôt « Y bigerait eune bique ent’ les cornes » et les Auvergnats, en occitan, remplaceront la bique par la chèvre : « Bïjaio nà chabrà entre la bana. » Pas besoin d’être chevrier pour savoir que les cornes d’une chèvre ne sont pas à ce point écartées qu’un être d’une corpulence normale puisse y passer le visage. Celui qui peut réussir la chose est donc nécessairement d’une maigreur extrême.

Elle bique de l’œil

En Vendée et Saintonge, biquer de l’œil, c’est soit « loucher », soit « cligner de l’œil ». Dans ces mêmes régions ainsi qu’en Bretagne, le Nord et l’Est, biquer et rebiquer signifient « dépasser, se dresser, se recourber vers le haut », notamment en parlant d’une mèche de cheveux rebelle. La bique, c’est-à-dire la chèvre, semble encore à l’origine de ces expressions, du moins ses cornes car elles se dressent et s’éloignent l’une de l’autre en dessinant une courbe, ce qui est une image du strabisme et de la mèche mutine.

Rebiquent aussi les coins de cols et les pointes de moustaches : « Massif, ce géant aux yeux bleus, au regard transparent, porte moustache blanche, épaisse, qu’il soigne, taille, lisse et fait se rebiquer de chaque côté comme si les pointes devaient marquer le centre de ses joues » (Yves Navarre, Biographie, 1981).

J’avais, petit, le cheveu rebelle et grand-mère me disait « T’as la mèche qui r’bique ». J’avais beau vouloir la rabattre avec de la gomina, plus j’en mettais, plus elle rebiquait.

Bille de clown

L’œil vif et rieur, un tantinet narquois, un sourire fendu jusqu’aux oreilles avec l’air filou de celui qui est toujours prêt à faire une farce, ou, au contraire, le regard ahuri et le sourire niais, voilà ce qu’est une bille de clown. Le clown auquel on pense est plutôt l’auguste, certes benêt mais sans cesse de bonne humeur malgré les paires de claques qu’il reçoit de son partenaire, clown blanc au chapeau conique et au visage enfariné ; Zavatta plutôt qu’Alex.