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On trouve aussi pas plus de… que de beurre en broche, variante plus compréhensible puisque du beurre embroché au-dessus d’un feu est forcément appelé à disparaître vite. Les deux expressions ne semblent pas remonter au-delà du XIXe siècle. Une autre variante, plus récente, dégénère dans le trivial : « Pas plus de “sozial” dans toute cette aventure que de beurre au cul ! Impossible ! » (Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, 1937). On trouve aussi : que de beurre en bouteille, … au balcon, … sur la main. Compte tenu de sa signification, l’expression peut en effet varier l’incohérence à l’infini.

Des clopinettes

Ce « rien » aurait pu figurer dans la rubrique « argent » ou le chapitre « travail », l’expression étant souvent employée dans de tels contextes ; travailler pour des clopinettes, c’est se donner de la peine pour presque rien. La catégorie « nourriture » aurait pu également faire l’affaire : « manger des clopinettes  », c’est n’avoir pas grand-chose à se mettre sous la dent. En ce sens, on trouve aussi cropinettes : « C’est fini les cropinettes ! et les sauces courant d’air » (Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit, 1936). Esnault (1965) fait de cropinettes un synonyme d’« excréments ». Clopinette est vraisemblablement un diminutif de clope (au masculin), argot pour « mégot », donc « bout de mégot », c’est-à-dire, vraiment peu de choses.

Le mot est d’abord apparu sous forme d’interjection dans l’argot des écoliers (1925) pour dire « non » : Des clopinettes !

La locution, très populaire, a de nombreux équivalents argotiques : « des prunes », « des nèfles », « des queues de cerises », « des clous », etc.

De la crotte de bique

Si crotte de bique ! est un substitut populaire et enfantin du mot de Cambronne (parfois affublé de drôles de compléments : crotte de bique à ressort, crotte de bique en zinc, etc.), de la crotte de bique équivaut à quelque chose de peu de valeur, voire de pas de valeur du tout. L’expression, gentillette, est de celles qui font rire les enfants :

« Des yaourts aux crottes de bique Qui éloignent les moustiques Des yaourts au pipi de chat Contre le tabac. »
(Anne Sylvestre, Les Yaourts à tout in Fabulettes 10, 1999.)

Tous ceux qui ont eu l’ineffable chance de voir des crottes de biques savent que, bien que mignonnettes (elles ressemblent à de petites dragées noires), elles sont ridiculement insignifiantes comparées au crottin de cheval ou à la bouse de vache. Qui plus est, le crottin de cheval est un excellent engrais (on l’appelle l’or noir des jardins) et les bouses sont diversement employées : comme fertilisant (l’agriculture biodynamique en est friande), pour mouler des objets en bronze (depuis l’âge du même nom !), comme combustible (ne pas oublier de les faire préalablement sécher !), comme onguent pour les brûlures, etc.

Mais n’y a-t-il pas une certaine injustice à compter pour rien la crotte de bique ? Je connais un agriculteur qui la recommande pour fumer vignes et potagers, quant au paysan saintongeais, il la vante comme remède souverain contre la fièvre : cinq crottes dans un verre de vin blanc deux fois par jour pendant huit jours. Si le cœur vous en dit !

Un emplâtre sur une jambe de bois

Grand-mère se plaignait parfois de remèdes qui ne venaient pas assez rapidement à bout de sa toux. Elle pestait alors contre le médecin de famille. « Ses médicaments ne me font pas plus d’effet qu’un emplâtre sur une jambe de bois ! »

L’image est éloquente : la raison d’être d’un emplâtre est de se ramollir à la chaleur du corps et d’ainsi diffuser ses bienfaits en adhérant bien à la peau. On imagine qu’appliqué sur une jambe de bois, un cataplasme n’a qu’une efficacité très relative, bien que la jambe de bois soit alors plus en cause que l’emplâtre ! L’expression remonte au XVIIIe siècle : on la trouve chez Jean-François Ferraud (Dictionnaire critique de la langue française, 1787-88) : « Mettre un emplâtre sur une jambe de bois, employer un remède, ou un moyen fort inutile. » Ferraud mentionne aussi ce proverbe, aujourd’hui disparu : Où il n’y a point de mal, il ne faut point d’emplâtre.

Au-delà de la simple médecine, un emplâtre sur une jambe de bois s’utilise aussi dans des domaines plus abstraits comme ceux de la politique ou de l’économie : « La discrimination positive a un petit relent américain d’affirmative action, mais elle n’est guère mieux qu’un emplâtre sur une jambe de bois » (Jack Lang et Hervé Le Bras, Immigration positive, Odile Jacob, 2006).

On dit également : un cautère sur une jambe de bois, un « cautère » permettant de cicatriser les tissus par brûlure.

C’est de la gnognotte

Ou gnognote. On trouve même au début du XIXe siècle : nioniote.

En mettant l’expression à la forme négative, grand-mère nous faisait ainsi comprendre qu’elle appréciait les choses à leur juste valeur : « Dis donc, ce petit vin rouge, c’est pas de la gnognotte ! »

Le redoublement du « gn » évoque le gnangnan, le néant, ce qui est tout autant niais que nié, donc ce qui équivaut à rien. Une gnognotte fut d’abord, dans le Centre de la France, une « niaiserie », une « bagatelle » (Hippolyte-François Jaubert, Glossaire du Centre de la France, 1855) ou, en Saintonge, un « mauvais bonbon dont on amuse, abuse les enfants (Pierre Jonain, Dictionnaire du patois saintongeais, 1869). En matière de termes régionaux, on trouve aussi en Savoie gnognoler, « être indécis », à rapprocher de niougne, « fille sotte et lente ». Autant de mots onomatopéiques pour dire l’inanité.

Ça ne vaut pas un pet de lapin

Puisqu’il n’est que du vent, le pet est, par excellence, le symbole du rien, a fortiori si le pet en question n’a rien d’humain.

En tant qu’étalon de ce qui ne vaut rien, le pet de coucou a précédé le pet de lapin. Le coucou n’étant pas en odeur de sainteté lexicale (« maigre comme un coucou », étymologie de « cocu », etc.), son pet ne peut être qu’infiniment dérisoire. Le lapin n’étant guère mieux loti (du « coup du lapin » à « poser un lapin », en passant par la « peau de lapin », le successeur du connil a inspiré des expressions bien négatives), son pet ne saurait avoir une plus grande valeur : « Je ne crois pas aux Messies littéraires. Proust m’ennuie à la mort, et je tiens M. Giraudoux pour un pet de lapin » (Louis Aragon, La Défense de l’infini, fragments inédits, 1986, posthume).