Le jeu de mots est clair entre tomber par terre (Lorédan Larchey précise « à plat ventre ») et s’asseoir au parterre, aux places qui, au rez-de-chaussée d’un théâtre, se situent derrière les fauteuils d’orchestre. L’expression figurée est mentionnée en 1839 dans le Dictionnaire des dictionnaires et, dans un contexte quelque peu décalé, on trouve cet emploi en 1852 :
« Faut-il que j’aie peu de chance ! J’étais en train de m’esbigner, v’lan, je reçois mon billet de parterre.
La balle qui l’avait abattu, c’était son billet de parterre. Quelle singulière métaphore ! »
C’est un brise-fer
J’avais droit à ce qualificatif à chaque fois que, par sottise ou maladresse, je cassais ou abîmais quelque objet pourtant considéré comme assez solide. Grand-mère me traitait plutôt de brise-tout.
Le nom commun brise-fer s’intègre à notre vocabulaire en 1862 mais plusieurs personnages, réels ou fictifs, l’avaient déjà endossé comme surnom :
— un évêque du Puy-en-Velay ainsi nommé à cause de son caractère emporté (XIe siècle) ;
— un valet dans L’Après-soupé des auberges, comédie de Raymond Poisson (1665) ;
— un faux brave dans L’Île des foux [sic], comédie en deux actes de Louis Anseaume, (1761) qui se présente en chantant : « Je suis la terreur du monde / Rien ne résiste à mon bras, / Et ma valeur furibonde / Porte en tous lieux à la ronde / Le ravage et le fracas » ;
— un roi dans Berlingue, parodie en cinq actes de Jean-Étienne Despréaux (1777) ;
— un sergent dans La Veuve de Cancale, parodie en trois actes de Pierre Germain Parisau (1780) ;
— un écuyer ami du duc de Savoie dans Le Page du duc de Savoie d’Alexandre Dumas (1855) ;
— un héros des contes populaires de Haute-Bretagne, Brise-Fer (1869), etc.
C’est dire si Benoît Brisefer, héros de bandes dessinées sorti en 1960 de l’imagination du dessinateur Peyo, eut de nombreux prédécesseurs.
Donner une calotte
Cette calotte-là n’a qu’un lointain rapport avec celle qui, depuis la fin du XVIIIe siècle, symbolise le clergé et que bien des bouffeurs de curés voudraient mettre à bas. Le rapport lointain est la forme arrondie, de la coiffe ecclésiastique pour le clergé (rouge pour les cardinaux[38]), de la main pour celle qui nous concerne puisqu’elle désigne une tape donnée sur la tête (notons que la main épouse alors la forme de la calotte crânienne). Le mot apparaît en 1808 chez D’Hautel : « Donner une calotte ou des calottes à quelqu’un. Signifie, en terme populaire, le frapper durement à la tête ; se porter sur lui à des voies de fait. » D’autres dictionnaires précisent, « donner un coup du plat de la main ». Progressivement, calotte a pris le sens de « gifle », « claque ». Calotter, « donner des calottes » est mentionné chez Lorédan Larchey (1861) avec une citation datée de 1838.
Merci, mon chien !
Règle élémentaire de politesse n°1 : toujours accompagner une demande de « s’il vous plaît » ou « s’il te plaît ».
Règle élémentaire de politesse n°2 : ne jamais oublier de dire merci, à table notamment, quand on vous a servi, mais attention ! Même si votre merci est renforcé de « bien » ou « beaucoup », il ne suffit pas !
« S’il te plaît, grand-mère, tu veux bien me donner encore du chocolat ?
— Tiens, encore un carré !
— Merci.
— Merci qui ? Merci, mon chien ?
— Merci, grand-mère.
— Ah, tout de même ! »
L’injonction se trouve chez Balzac, non pas à propos d’un remerciement mais d’une simple réplique à laquelle n’est pas adjoint le nom de l’interlocuteur :
« Je ne sais pas ce que vous voulez dire.
— Mon chien ? dit aigrement la vieille fille.
— Ma cousine, reprit humblement Pierrette. » (Pierrette in Scènes de la vie de Province, 1839.)
Donner de la confiture à un cochon
« Regarde dans quel état tu as mis la belle chemise que je t’ai offerte ! Autant donner de la confiture à un cochon ! »
On attribue au cochon un estomac solide et une certaine propension à n’aimer que des épluchures, restes de repas et autres détritus. Lui donner de la confiture serait donc un aberrant gâchis : il en est indigne, ce qui ne signifie d’ailleurs nullement qu’il ne l’apprécierait pas.
Un passage du Nouveau Testament a sans doute donné naissance à l’expression : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré, ne jetez pas vos perles aux porcs, de peur qu’ils ne les piétinent et que, se retournant, ils ne vous déchirent ». (Matthieu, 7, 6). L’idée biblique, contrairement à celle de la confiture que l’on donnerait aux cochons, ne concerne que le domaine spirituel : seuls les esprits ouverts aux « mondes d’en haut » seraient aptes à comprendre la vérité divine (symbolisée par les perles). Dans le cas contraire, l’homme non touché par la grâce (assimilé aux chiens ou aux porcs) risque de s’en prendre violemment à celui qui tente de le convertir. Ces considérations évangéliques sont évidemment assez loin de l’idée de boustifaille contenue dans l’expression !
Filer un mauvais coton
Grand-mère prétendait que nous filions un mauvais coton quand nous commettions bêtise sur bêtise ou que, non seulement nous refusions de lui obéir mais qu’en plus nous lui parlions mal. En filant ce mauvais coton, nous nous mettions, paradoxalement, dans de beaux draps.
L’idée est celle d’un coton de mauvaise qualité qui ne peut donner qu’une étoffe cotonneuse, à l’aspect rêche. Les significations propre et figurée se retrouvent au XVIIIe siècle dans l’expression Jeter du coton, ainsi mentionnée dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française (1762) : « On dit qu’Une étoffe jette son coton, du coton, pour dire, qu’Elle jette une espèce de bourre, de duvet, qui ressemble à du coton. On dit figurément et proverbialement, d’Un homme dont la réputation et les affaires sont ruinées, qu’Il jette un vilain coton. Et ironiquement, Il jette là un beau coton. »
L’équivalence jeter un mauvais coton = « être malade » apparaît plus tard (1835, sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française).
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Le pape se doit d’être non-violent. Si l’on dit qu’il a